Le bon, la brute, etc., Estelle Nollet
Le bon, la brute, etc. 350 pages, 20 €
Ecrivain(s): Estelle Nollet Edition: Albin MichelLe bon, la brute, etc. Un titre de western pour un livre qui n’en est pas un.
Le western est l’une des passions de Bang. Il aime en regarder, car, devant l’écran les choses se passent différemment que dans la vie.
« Car il ne regardait pas juste un film, il regardait des gens, oui, il pouvait les regarder à loisir et planter ses yeux dans les leurs, rien ne se passait rien ne s’interrompait rien ne basculait, tout continuait, et ça c’était magique. Il n’avait pas d’emprise sur leur vie. Le héros ne se tournerait pas vers la caméra pour dire qu’il préférait les bottes roses, pour dire que sa selle lui faisait mal aux fesses et qu’il mettait du coton dans sa culotte, pour dire qu’il avait pissé dans les bottes du joueur de poker. »
Bang a un problème. Il suffit qu’il croise une personne dans les yeux pour qu’elle lui révèle ses secrets les plus honteux, des secrets qu’elle n’aurait jamais dits à personne. Mais ce don n’en est pas vraiment un pour Bang, c’était plutôt une malédiction. Ou un coup de pas de bol.
Ses parents les premiers l’avaient abandonné à cause de ça. Nombre de gens qu’ils croisent et qui lui avouent leurs secrets veulent ensuite lui refaire le portrait.
Du coup, Bang marche en fixant le sol des yeux et en gardant toujours les yeux baissés, mais il survient toujours un moment où…
Un soir, il rencontre Nao dans un bar. Nao, qui s’appelait encore Fiona il y a peu, mais qui s’est rebaptisée quand elle a appris qu’elle était atteinte d’une tumeur cérébrale. Elle est condamnée. Et contrairement à beaucoup d’autres, elle n’était pas victime de l’étrange pouvoir de Bang. C’est la première qu’il peut fixer une femme dans les yeux sans retenue.
Une histoire d’amour naît entre eux. Mais l’amour est quelque chose de particulier :
« L’amour, c’est de faire les mauvais choix ensemble. »
Leur mauvais choix est donc de partir en voyage, direction le Mexique, première étape d’un périple qui passera par Bali ou le Centrafrique.
Le Bon, la brute, etc. est un livre drôle et enlevé, à l’humour parfois potache, mais réjouissant. Il faut de même accepter la situation hautement improbable de départ. Plus qu’un western comme le suggérait le titre, le livre est d’abord un livre fantastique, au sens basique du terme. Un élément surnaturel apparaît dans un monde réel. Puisqu’on sait que les gens que vont croiser Bang et Nao vont leur révéler leurs pires secrets, Estelle Nollet s’amuse à les mettre dans des situations où tout ne peut qu’exploser, par exemple dans un mariage ou dans un tribunal. On se réjouit à l’avance de ce qui va se passer.
On regretta la troisième et dernière partie. Ce n’est plus Le Bon et la Brute, mais le Bon tout court. Or, ce qui fait la force du roman, c’est ce duo. Sans l’un, l’autre a du mal à exister et inversement.
Le livre a alors lentement tendance à s’étioler. Il change de ton, abandonne son humour, sa joie de vivre, sa déconne, pour se perdre dans des interrogations existentielles qui tranchent un peu trop avec le début du récit pour être pleinement convaincantes. Il s’achève en plus, avec cette situation archi-rebattue dans nombre de films américains où le héros doté d’un super pouvoir se voit recruter par une agence gouvernementale secrète…
Heureusement, la fin vient tout sauver, mais on aurait préféré qu’elle tombe tout de même 100 pages plus tôt.
Yann Suty
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