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La vie de Marie, Rainer Maria Rilke

Ecrit par Patryck Froissart 12.06.13 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Langue allemande, Arfuyen, Poésie

La Vie de Marie, traduit de l’allemand par Claire Lucques, Edition bilingue, 88 pages, 11 €

Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Arfuyen

La vie de Marie, Rainer Maria Rilke

 

Cet ouvrage précieux présente en treize tableaux poétiques, disposés chronologiquement, la vie de Marie de sa naissance à sa mort.

Face au texte original en allemand, l’excellente traduction de Claire Lucques, qui réussit à en rendre au mieux l’esprit, la lettre et la force poétique, permet au lecteur non initié à la langue de Goethe d’entrer dans le monde torturé de Rainer Maria Rilke et d’en ressentir toute la puissance lyrique.

Mais l’édition bilingue offre à ceux qui ont la chance de pouvoir lire ces poèmes dans le texte initial, qu’ils soient croyants ou non, la possibilité d’une communion particulièrement intense, voire bouleversante, par-delà les années et au-delà de la mort du poète, avec l’âme de Rilke le mystique.

Dès la première strophe s’annonce le souffle poétique qui a inspiré le poète tout au long de ces treize compositions.

O was muß es die Engel gekostet haben,

nicht aufzusingen plötzlich, wie man aufweint,

die sie doch wußten : in dieser Nacht wird dem Knaben

die Mutter geboren, dem Einen, der bald erscheint.

 

Le texte peut être lu, compris, interprété, partagé sur deux niveaux.

En y entrant comme en un temple, avec l’humilité ou la ferveur que confère la foi, on éprouvera, ligne après ligne, en totale empathie, l’extase de Rainer devant la sainteté, la déité, et la pureté de Marie, et on visitera l’opuscule avec vénération, avec des pauses de recueillement, ayant constamment devant les yeux, projetée avec éclat par le verbe éblouissant du poète, la personne divine de la Mère de Jésus telle que dut ou crut la voir Bernadette Soubirous.

Le vertige devant le prodige est insufflé par l’auteur, qui l’impose au lecteur en s’adressant directement à lui :

 

Pour comprendre comment elle était alors

tu dois évoquer d’abord un lieu

où des colonnes en toi s’élèvent, des marches

se sentent sous les pas, des arches vertigineuses

enjambent l’abîme d’un espace qui en toi

est resté…

 

En l’abordant comme une œuvre profane, avec la simple curiosité ou l’appétence de l’amateur de belles-lettres, on ressentira, en pleine affinité, la tristesse de Rilke évoquant la simplicité, les affres maternelles et l’esprit de sacrifice de Marie, et on parcourra le recueil avec l’émerveillement que procure la perfection d’un superbe cantique et la compassion que font naître inévitablement chez le lecteur les lamentations de la mater dolorosa.

 

Jetzt wird mein Elend voll, und namenlos

erfüllt es mich. Ich starre wie des Steins

Inneres starrt…

 

Ce livre est de ceux qu’on laisse en permanence sur sa table de chevet pour en savourer un morceau au hasard avant de s’endormir, comme le fait de sa Bible l’homme pieux.

La présentation savante que donne Claire Lucques en préface à ce cycle poétique, ainsi que la biographie de Rilke et les notes qui figurent à la fin du livre, aident à cerner la poétique rilkienne, l’ensemble pouvant constituer un bel « objet » d’étude littéraire.

 

Patryck Froissart

 


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A propos de l'écrivain

Rainer Maria Rilke

 

Né dans une famille désunie, Rainer Maria Rilke passe une enfance solitaire en Allemagne. Son père, un officier à la retraite, souhaite qu'il fasse une carrièredans l'armée. Il l'envoie pendant cinq ans dans les écoles militaires de Saint-Pölten et de Mährisch-Weisskirchen.

A Prague, Munich et Berlin, il étudie le droit et le commerce. Parallèlement, il publie des textes en prose et des poèmes, comme "Pour ma joie", dans des revues allemandes et autrichiennes.

Sans réelles attaches, il vit en Italie, en Russie, en Espagne, au Danemark, en France et en Suisse où il écrit des recueils de poésie en français, tels que "Vergers" ou "Les Quatrains valaisans". Il traduit même Paul Valéry en allemand.

Spiritualiste, il est convaincu de la présence de Dieu, notamment dans son recueil "Histoires du bon Dieu" en 1900.

"Le Livre de la pauvreté et de la mort", une méditation sur la mort, révèle la richesse de sa vie intérieure.

En 1926, il se pique avec les épines d'une rose qu'il vient de couper. Quelques temps après, Rainer Maria Rilke décède d'une leucémie au sanatorium de Valmont, en Suisse, où il aurait refusé les soins thérapeutiques.

 

A propos du rédacteur

Patryck Froissart

 

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Patryck Froissart, originaire du Borinage, a enseigné les Lettres dans le Nord de la France, dans le Cantal, dans l’Aude, au Maroc, à La Réunion, à Mayotte, avant de devenir Inspecteur, puis proviseur à La Réunion et à Maurice, et d’effectuer des missions de direction et de formation au Cameroun, en Oman, en Mauritanie, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

Membre des jurys des concours nationaux de la SPAF

Membre de l’AREAW (Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie)

Membre de la SGDL

Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles, dont certains ont été primés, un roman et une réédition commentée des fables de La Fontaine, tous désormais indisponibles suite à la faillite de sa maison d’édition. Seuls les ouvrages suivants, publiés par d’autres éditeurs, restent accessibles :

-Le dromadaire et la salangane, recueil de tankas (Ed. Franco-canadiennes du tanka francophone)

-Li Ann ou Le tropique des Chimères, roman (Editions Maurice Nadeau)

-L’Arnitoile, poésie (Sinope Editions)