L'Arbre aux secrets 11 (chap. XII & Fin)
Fin
Rose bat des paupières, regarde autour d’elle, hébétée. Une silhouette blanche à ses côtés s’évanouit dans les airs, avec des nattes brunes, des larmes séchées sur les joues. Rose aussi a pleuré. Elle descend à pas lourds l’escalier.
Elle jette un coup d’œil dans la chambre de sa mère : personne. Elle entend un bruit, en bas : elle descend au salon. Sa mère, une blouse blanche nouée autour de la taille, est debout devant sa table à dessin, une ride profonde barrant son front, un pinceau à la main, de l’encre plein les doigts.
À terre, tout autour d’elle, des feuilles de papier. Une ronde, un arbre grimaçant dans lequel un enfant tombe à la renverse, une petite fille la main sur la bouche, les yeux écarquillés. Partout le même dessin à l’encre, dix, vingt fois répété. Sa mère qui le peint, encore et encore, très vite, à l’encre. Puis le rythme se ralentit. Le pinceau s’attarde sur un détail, un visage, une bouche d’enfant, une branche d’arbre. Il ajoute une ombre, une indication de mouvement… Le décor soudain change : c’est toute la forêt, un renard à la langue pendante à moitié caché derrière un buisson, puis une page d’herbier, avec dans le coin haut de la feuille un château. C’est ensuite une maison tranquille en lisière d’une forêt, un homme jeune encore courbé sur une canne.
Rose s’approche de sa mère. Doucement, elle appuie son visage sur son bras. Elle la regarde dessiner, longtemps.
Le soleil décline derrière les arbres de la forêt. Dans la grande maison, on entend le craquement du bois, on sent une odeur de pommes mûres. Le soir tombe.
Rose dit :
— Tu devrais raconter cette histoire.
Sa mère s’arrête un instant, pose sa main sur les cheveux de sa fille et se remet à dessiner.
Elle racontera cette histoire. L’été prochain, Rose et sa mère partiront quelques jours à la mer. Il y aura toujours de la mélancolie dans ses yeux, mais Lise ne restera plus des heures les yeux ouverts, à rêver. Elles ne parleront plus de cet été-là, jusqu’à ce que Rose, un jour, écrive elle aussi son histoire, l’histoire de cet été où dans la clairière, elle avait rencontré un garçon qui s’appelait Victor… Personne ne la croira, mais sa mère prendra une feuille et un pinceau et dessinera une fois encore, pour elle, une dernière fois, l’arbre creux de la forêt où se cachent pour toujours les secrets de Lise, de Rose et de Victor.
Fin
Ivanne Rialland
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