Jules Verne en la Pléiade, avril 2016
Ecrivain(s): Jules Verne Edition: La Pléiade Gallimard
Voyage au centre de la terre, écrit en 1864, témoigne de l’engouement de Verne – qui peut apparaître par certains aspects comme un écrivain fantastique – pour la science. Celle-ci est devenue, à cette époque, comme en témoigne Arvède Barine dans un ouvrage paru en 1898 (Névrosés, Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval), « l’alliée, et, plus encore, l’inspiratrice de l’écrivain fantastique » et ce également parce qu’« elle l’encourage à rêver de mondes imaginaires en lui parlant sans cesse de mondes ignorés », que l’on aurait pu juger parfaitement impossibles.
Les voyages extraordinaires : l’on se souvient que c’est le nom qu’a donné Pierre-Jules Hetzel à la collection créée par lui pour abriter la production romanesque de Verne, écrivain on ne peut plus prolifique, puisqu’il est l’auteur de près de deux cents romans, nouvelles, poèmes, essais, pièce de théâtre, livrets d’opérettes et d’opéras comiques, volumes d’histoire et de géographie…
Ainsi, pour donner forme à l’extraordinaire, Verne fait-il usage, de romanesque manière, de la façon qu’a la science – tout à la fois frémissante et toute-puissante – d’affleurer au quotidien, à cette époque, dans les découvertes qui lui donnent et son aura et son mystère… Ainsi en est-il, par exemple, de l’électricité.
Remarquons du reste, comme le fait Jacques Noiray à propos des Voyages Extraordinaires (cf. Le romancier et la machine, L’image de la machine dans le roman français, 1850-1900) que « [l]’électricité n’a [ainsi] pas besoin, pour être efficace, d’être soumise à un ensemble d’appareils précis et vraisemblables. Il lui suffit de paraître et d’être nommée, opération purement magique qui confirme le caractère non scientifique mais surnaturel de l’électricité […] ».
En conséquence, image parfaite en cela de la science dans son ensemble, si l’électricité incarne le progrès, elle ne perd rien pour autant de « son aura magique et mystérieuse qui la prédestine à un rôle théâtral ou romanesque », ainsi que le constatent Bernadette Bensaude-Vincent et Christine Blondel dans Des savants face à l’occulte, 1870-1940.
Des voyages perçus comme impossibles, ces voyages de Verne ?
Comme l’écrit Villiers dans L’Eve future (roman paru en 1886) : « [t]ant [de] choses, d’apparence impossible, se réalisent autour de nous […] ». Et, de fait, « [a]utour de 1900, la science prêtait au mystère, la technique faisait rêver et cette euphorie scientifique et technique cohabitait avec une attention soutenue aux phénomènes occultes », comme le résument Bernadette Bensaude-Vincent et Christine Blondel.
Le roman en proie au merveilleux scientifique (dont Voyage au centre de la terre est le parfait – car le plus abouti – exemple) devient ainsi le « répertoire de l’irréalisé actuel », ainsi que l’écrit Jarry dans sa chronique intitulée De quelques romans scientifiques parue dans La Plume la première quinzaine d’octobre 1903.
Il s’agit bien avec le « roman scientifique » de l’« irréalisé » seulement « actuel » car, comme le remarque Sophie de Velder dans son article intitulé Fantastique et créatures artificielles : « La science-fiction dessine les contours non de l’impossible perturbant les lois qui gouvernent la réalité, mais du monde possible que la science nous promet ».
Il fallait semblable édition, érudite et d’une clarté sans ombre, dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade, pour nous donner toute la mesure de l’œuvre de Verne (et de ce chef-d’œuvre qu’estVoyage au centre de la terre), œuvre qui communiquera et son allant et son rêve à tout adulte, n’étant pas réservée aux seuls enfants*.
Matthieu Gosztola
* Cf. Isabelle Jan, « Le Voyage au Centre de la Terre est-il un livre pour enfants ? », in Jules Verne,écrivain du XIX° siècle, actes du colloque d’Amiens, 11-13 novembre 1977, Minard, 1978.
Jules Verne, Voyage au centre de la terre et autres romans, édition publiée sous la direction de Jean-Luc Steinmetz avec la collaboration de Jacques-Remi Dahan, Marie-Hélène Huet et Henri Scepi, 15 Avril 2016, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, n° 612, 1376 pages, 247 ill., 50 € (jusqu’au 31 décembre 2016)
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