Contes, fables et autres fictions, Fernando Pessoa
Contes, fables et autres fictions, janvier 2017, trad. portugais Parcidio Gonçalves, Préface Teresa Rita Lopes, 192 pages, 18,90 €
Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Editions de la Différence
En vingt pages de préface, Teresa Rita Lopes, spécialiste pessoenne du monde étrange des 72 hétéronymes et de la fameuse « malle » aux 27.000 manuscrits, pose les enjeux, limites et intérêts de ces contes « éparpillés sur des feuilles volantes ». Pessoa rédigea, dit-elle, nombre de récits policiers, il lisait Poe, se le trouvait comme modèle à sa propre écriture.
Vingt-deux textes regroupés en six sections (Paradoxes, Fables, Horreur et mystère, Compassion, Lettres sans destinataire, Conseils) révèlent certaines qualités que les livres majeurs n’ont pas toujours montrées : une certaine qualité d’humour noir, assez british, un souci de dialogues, une intimité avec les aspects ésotériques d’un parcours bien étrange…
Bien sûr, on est assez loin ici de la splendeur mélancolique des pages sans cesse ajoutées du Livre de l’intranquillité ou des poèmes qui ont fait la réputation de l’écrivain orthonyme et de ses principaux hétéronymes.
Les proses, recueillies dans le présent volume, sont des blocs compacts, lisibles pour eux seuls, d’écritures diverses, de thématiques plurielles également.
Un dîner très original ou trente-trois pages de violence et d’horreur, jetées à la tête du lecteur (pp.81-113).
Ailleurs, Pessoa prête voix à une femme qui s’est délivrée de son « Mari », dont l’entame donne le ton :
« Maris
On s’habitue et c’est plus par routine qu’on aime que pour autre chose » (p.31).
Une pensée digne d’un « ascète » donne à L’ermite de la montagne noire l’impression constante d’une intrusion dans le cerveau de l’auteur, comme si, à l’aune de sa réflexion, nous faisions nôtres ses plus pures cogitations :
« Le savoir ? Le seul bonheur du savoir c’est l’ignorance, c’est l’inconscience de tout ce qu’on ne sait pas et qu’on ne saura jamais. Notre plaisir dans l’action vient de ce que nous ne mesurons jamais à quel point tout acte humain est radicalement limité et inutile » (p.149).
Plusieurs textes restent inachevés et découvrent combien, selon le travail de pistage, de compilation et de révélation entrepris par Teresa Rita Lopes, l’univers de Pessoa reste aussi un labyrinthe ouvert, entre indécision, mystère et offre de découvertes inédites.
Philippe Leuckx
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