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À propos de Pressée de vivre d’Anise Koltz, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres le 27.02.18 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Pressée de vivre d’Anise Koltz, Arfuyen, janvier 2018, 170 pages, 10 €

À propos de Pressée de vivre d’Anise Koltz, par Didier Ayres

 

Le dernier recueil d’Anise Koltz que publie Arfuyen est un ouvrage de grande importance. Tout d’abord parce qu’il est d’une écriture claire, presque aveuglante. Et en même temps, parce qu’il dénonce la condition de la vie déterminée par la mort. Ces deux notions, vie et mort, s’opposent naturellement comme l’ombre et la lumière, le mal et le bien, et mettent en évidence ce en quoi la clairière n’existe que grâce à la forêt. Ainsi dans cette sorte d’antagonisme, l’on débouche sur la lucidité, lucidité que donnent immanquablement la mort et sa triste lumière, lucidité sur la valeur des croyances, lucidité sur la qualité de notre ici-bas.

 

Des visions apparaissent

de quelles zones indécises

ressurgissent-elles ?

D’ailleurs ce monde de clarté et de sagacité ne s’accompagne d’aucune image. Monde poétique sans « comme », mais plutôt affronté au « cela ». Nulle image explicite, mais plutôt des termes abstraits telles que les notions de temps, de lumière, d’existence ou de fin. Ainsi c’est un monde uniquement fait de mots, de pure pensée poétique. Cette proximité avec la mort joue en faveur d’un détachement des vanités de notre espèce. Et c’est une interrogation qui n’a pas de fin, sinon à périr elle-même dans un univers matériel sans explication, juste aussi nu que l’est notre existence humaine. Je dis cela car il y a longtemps un peintre me disait que la peinture est un métier de vieux, et je crois que l’on peut étendre cette réflexion à la poésie. La poésie gagne avec l’âge, dans l’épure, épure du style, épure de l’intellection, et tout cela adossé à la vanité de notre espèce.

 

Dans le silence

végète le vacarme

Dans la tempête

le calme

Dans le torrent

la sécheresse

Partout je ressens

le contraire des apparences

Même la bouche de l’amant

était froide

comme un glaive

 

La fin reste une énigme au vivant. Il n’y aura que le terme de la nomination et du lent mystère qui nous fait agir, interrogation sur la mort augmentée de la qualité du désespoir universel. L’instant présent reste le seul étalon de notre compréhension du monde ; une existence matérielle épurée par l’idée du mourir, mais qui ici ne se justifie pas semble-t-il par une croyance en dieu, mais par une disparition faite d’elle-même.

Tout cela s’accompagne d’une réflexion sur l’écriture du poème, et l’on sent très bien comment l’état morbide de toute vie ici-bas pousse à témoigner, à dire ce qu’est le passage sur cette terre, bref ou long. Anise Koltz se saisit très bien de cette occupation poétique, dans une sorte de crépuscule sans métaphore et conclut le recueil par ces deux vers terribles :

 

Nous perdons les questions

à travers les réponses

 

Didier Ayres

 


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.