52.dimanche (XXXI)
la capture et la fusion
voici quelques mots sur la procédure logique de l’activité de créer
car dire c’est chercher une idée ou une image là où on est susceptible de la trouver
pour ma part, je suis enclin à croire que les idées sont des sortes d’alouettes qu’il faut capturer un instant pour en décrire l’intérêt et dire leurs traits et leurs reliefs
c’est ainsi qu’on détoure un morceau de la réalité, comme le rouge de l’abat-jour à mes pieds ou le petit personnage blanc qui figure un guerrier chinois ; ces choses existent, évidemment, mais pas sans la capture, la saisie, ce en quoi la parole les décèle
ainsi écrire rend captives l’idée et l’image
pour cela, il faut une fusion entre la chose dite et le dire, pour intérioriser ce butin, l’emprisonner soudain, comme cette tache écarlate de la verrine par exemple
il s’agit d’une pêche en eau profonde, une plongée à la fois ordonnée par un but, que je décrirai comme une chasse avec ces deux moments, plongée et capture, ces deux mouvements qui bizarrement ici sont de caractère transitif – l’immersion à cause de ce qu’elle fait ressentir, et le coup de filet pour l’intérêt de la prise
alors, dans le ciel de cristal de cette heure calme du jour, où le bruit d’un promeneur dans la ruelle s’avance jusqu’à moi, il me faut attraper puis fusionner ce qui sans la parole ne serait pas
c’est donc toujours un peu en désordre que je finis cette dissertation chaque dimanche, là, dans la nuit de la personne humaine que j’essaye de débusquer
Didier Ayres
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