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52.dimanche (V)

Ecrit par Didier Ayres 16.02.13 dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

52.dimanche (V)

 

ce dimanche 29 janvier 2012

 

à propos du corps fictif

c’est le matin, sans doute avant l’aube, que cette double épithète « corps fictif » m’est venue à l’esprit

et à bien considérer, cette formule va

car le corps est plus qu’un ensemble de parties vivantes et interdépendantes, alibi pour la survie de la personne

car il y a kinesthésie – pour le moins du plaisir ou de la frustration de telle ou telle chose – qui construit un discours

on augmente ainsi le corps, on le dilate par de la signification (la médecine d’ailleurs participe grandement du discours du corps, de sa fiction, de toute évidence et depuis longtemps – avec parfois des traits de génie comme le Molière du Médecin malgré lui)

si vous me permettez d’avancer dans ma dissertation, disons aussi que le travail – heures comptées, surveillance physique, tout l’attirail du panopticon mis en évidence par Foucault – participe aussi du discours du corps

Surveiller et punir commence, comme nous le savons, par une énumération de supplices

c’est donc un corps de douleur qui fait alors discours, corps mis à la torture et portant crédit à l’oppresseur

il en est peut-être de même des plaisirs de la bouche, de la langueur de la musique, de l’angoisse, que sais-je ?

tout l’attirail du génie humain en passe par la fiction, c’est-à-dire par un doublement de l’action propre par une affaire de langage

me permettrez-vous de pousser encore mon propos jusqu’à la bizarre inertie de notre poids véritable – la richesse de la personne ronde devenue l’obésité de la personne faible, la maigreur de la souffreteuse poussée jusqu’à l’anorexie préméditée du mannequin de haute couture

mais terminons dans le plus grand des états, en citant Nerval qui ouvre ses Chimères par le vers suivant : « je suis le ténébreux, – le veuf –, l’inconsolé », qui nous porte depuis la ténèbre et la douleur de la perte où le corps est une forme de consolation impossible, jusqu’à l’activité poétique de ces vers qui sont d’une force incomparable, donc vers le langage

j’ai dû dire beaucoup de banalités ce soir, et vous me pardonnerez, mais j’ai simplement tenté de ramasser cette petite lettre autour de deux mots : corps et fiction

discours du discours

figure de la figure

 

Didier Ayres


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.