Rites et naissances, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

Au siècle dernier, et au tout début du nôtre, il y avait sur France-Culture une émission, dont le nom « Des vivants et des dieux » résonne merveilleusement avec le titre du dernier ouvrage de Thibault Biscarrat. Son producteur, un peu comme le poète aujourd’hui, s’attachait à nous éclairer sur les dieux et la pensée vivante qui en surgit. Si les dieux sont présents dans ce vivifiant livre, c’est par des officiants, des passeurs, ceux que l’on nommait il y plus de deux mille ans, les grands prêtres, mais aussi la lumière, une présence profonde, invisible. Les dieux accompagnent les vivants dans une belle complicité, il faut être aveugle pour ne pas le voir et ne pas le lire.  Rites et naissances est le fruit mûr et gouteux issu d’une même tige. Thibault Biscarrat a beaucoup lu les livres sacrés et le Livre, les poètes et les musiciens (il est lui-même musicien) ne le quittent pas, c’est de tout cela que surgit notamment son inspiration poétique, qui ne se rattache à aucune autre, qui chemine loin des modes et des postures. Ce qui prévaut dans ce petit livre, c’est la beauté naturelle de l’écriture, sa transparence, telle une eau fraîche et sauvage qui surgit d’une roche, sa naturelle écriture.

« Un courant secret traverse l’univers.

Les injonctions de l’aube sont mystérieuses, éternelles.

Et le verbe est sailli, herbe odorante. »

« Les dieux et les esprits

Toutes choses vivantes

Accourent vers la source

La montagne fleurit »

Thibault Biscarrat bâtit livre à livre, poème à poème une œuvre unique, ouverte sur le monde, sur la connaissance et le savoir religieux, unique et savoureuse par son ampleur littéraire. Chaque phrase de Rites et naissances possède son évocation, sa force propre, elle contient en quelques mots l’assise du poème, c’est là, l’une des grandes forces de cet ouvrage, les doubles quatrains qui referment le livre reprennent les inspirations de la première partie, comme un mouvement musical que lie les phrases qui s’accordent entre elles. La nature se conjugue avec les rites anciens, la naissance du verbe est aussi celle de l’inspiration et de l’expiration, car pour bien écrire, il faut bien respirer. Le verbe est sacré dans cet ouvrage, les officiants, ces passeurs de mémoire, et les danses l’accompagnent, pour qu’ll résonne. Les poèmes de Thibault Biscarrat s’appuient sur les rites, qui le fécondent, et donnent naissance à des fleurs sacrés, rares et éblouissantes.

« La prière est ardente : la prière est concise.

La joie est le pilier du ciel.

La rivière est fille de la lune.

Philippe Chauché

Thibault Biscarrat a publié son premier ouvrage, Dolmancé, en 2015 (éditions Abordo), et on lui doit également L’homme des grands départs (Editions des Vanneaux), prix du meilleur recueil de poésie de l’année 2020 par La Cause Littéraire, Chant continu (éditions Conspiration), La lumière plus intense (Editions du Nouvel Athanor).