Paris de ma fenêtre – Colette (par Philippe Chauché)
Paris de ma fenêtre – Colette – Préface par Francis Carco – Postface par Gérald Duchemin – Huit illustrations par Sarah Elie Fréhel – Editions Le Chat Rouge – Collection Pourpre et Or - 22 euros – 304 p. – 17-06-25.
Ecrivain(s): Colette
« Oui, j’estime qu’il fallait que ce livre fût écrit – précisément par une femme – pour nous donner de Paris cette leçon de grandeur dans sa quotidienne et fière acceptation. Le miracle est que, sans forcer une seule fois la note, Colette soit parvenue à nous révéler dans de ferveur, de grâce, d’humour, de bon sens et de dignité. »
Francis Carco – 11 août 1944
« Colette excelle à se souvenir, à se raconter à hauteur de femme, à vocaliser sur sa joie de vivre, avec une luxuriance de forêt en pleine santé.
Sa prose alors devient magique. C’est littéral, elle nous ensorcelle. »
Gérald Duchemin – La paysanne de Paris.
« Debout, enchaînée à son rêve, une partie de la jeunesse de Paris lit passionnément. Elle a toujours lu aux étalages, et le long des quais, prise sous le couvercle des « boîtes » comme un passereau à la trappe. Mais je crois qu’elle y mit, en d’autres temps, moins de flamme et d’obstination. »
Colette
Heureuse réédition que celle de Paris de ma fenêtre de Colette, publié pour la première fois à Paris en 1942, deux ans plus tard à Genève avec la préface de Francis Carco reprise aujourd’hui par cette édition, puis notamment dans le tome IV des Œuvres de La Pléiade en 1961. Peut-être un livre, laissé de côté, comme l’on oublie un ouvrage sur la plus haute étagère d’une bibliothèque, pour le rendre invisible et inaccessible. Mais c’était sans compter sur les Editions Le Chat Rouge, et Gérald Duchemin qui livre ici une lumineuse postface, dont le périscope littéraire sait voir, ces livres oubliés, parfois à la dérive, qui méritent un bon port littéraire. (1) Paris de ma fenêtre est à la découverte, un livre magnifiquement illustré par Sarah Elie Fréhel, qui offre des portraits vibrants de Colette, inspirés des dessins de Jean Cocteau, l’heureux voisin de l’auteur de Sido. Sarah Elie Fréhel sait dessiner, tout en nuance, comme Colette sait écrire, tout en finesse, leurs regards se saisissent de ce qu’elles voient, comme la mémoire de Colette se saisit de ce qu’elle a vu et vécu dans ses campagnes. Depuis le divan de son appartement parisien du Palais-Royal, Colette écrit, décrit, les heureux jeunes lecteurs des bouquinistes des boites à livres des bords de Seine, elle feuillette avec gourmandise un journal de mode, et sait que la beauté d’un tissu ou d’un regard est une arme de bonheur, prodigue des conseils pratiques à ses lectrices pour se nourrir, alors que l’on manque de tout, se réchauffer, élever les enfants, ou se distraire un livre à la main, même s’ils sont rares. Elle voit, écrit et se souvient, avec toujours cet art si rare, de les transformer en pépites de joie et de bonheur, même lorsque s’installe le bruit, la fureur et la mort.
« Il fait froid. Ces deux f., vous les lisez dans la double bouffée d’haleine qui sort des bouches. Ce sont deux mots qui se voient de loin : « Fait froid… » Si une minorité heureuse se tient au chaud, elle subit la règle, elle ne peut se dérober à la pensée du froid, à sa réalité, au souci de ceux qui souffrent du froid. »
Paris de ma fenêtre nous offre non seulement ces chroniques des années de la seconde guerre mondiale, mais aussi de courts textes écrits durant l’autre guerre, c’est vif, brillant, et judicieusement écrit, sans jamais jouer à l’écrivain savant. Colette, nous l’avons peut-être oublié, comme l’on oublie parfois les écrivains un temps adulés, a du style, un regard affuté, une phrase simple et souple. Elle n’est jamais dans la plainte, toujours dans la joie, même aux heures les plus sombres, elle ne pose pas en boussole idéologique, mais en curieuse, en observatrice au regard de chat, comme ses animaux admirés, ses pupilles s’illuminent, et brillent nuit et jour, ce sont ses pupilles qui éclairent sa plume, et comme les chats, elle fait patte de velours, et sort rarement les griffes, simplement de part sa nature. Son écriture lui ressemble, charnelle et attentive, tendre et passionnée, dans ses évocations de son Paris ou de sa Bourgogne de l’enfance, dans celles des comédiens, de la nature qui la réjouit, des chats et des chiens, ou encore de Jean Cocteau et Jean Marais, ses voisins de rue et de cœur.
Philippe Chauché
On peut découvrir mille choses sur Colette sur le site de la Société des amis de Colette : https://www.amisdecolette.fr/
(1) La collection Pourpre et Or a notamment publié Jean Lorrain, Alphonse Allais, Daniel Defoe ou encore Edgar Allan Poe.
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