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Paris de ma fenêtre – Colette (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché 25.09.25 dans La Une Livres, En Vitrine, Les Livres, Critiques, Récits

Paris de ma fenêtre – Colette – Préface par Francis Carco – Postface par Gérald Duchemin – Huit illustrations par Sarah Elie Fréhel – Editions Le Chat Rouge – Collection Pourpre et Or - 22 euros – 304 p. – 17-06-25.

Ecrivain(s): Colette

Paris de ma fenêtre – Colette (par Philippe Chauché)

 

« Oui, j’estime qu’il fallait que ce livre fût écrit – précisément par une femme – pour nous donner de Paris cette leçon de grandeur dans sa quotidienne et fière acceptation. Le miracle est que, sans forcer une seule fois la note, Colette soit parvenue à nous révéler dans de ferveur, de grâce, d’humour, de bon sens et de dignité. »

Francis Carco – 11 août 1944

« Colette excelle à se souvenir, à se raconter à hauteur de femme, à vocaliser sur sa joie de vivre, avec une luxuriance de forêt en pleine santé.

Sa prose alors devient magique. C’est littéral, elle nous ensorcelle. »

Gérald Duchemin – La paysanne de Paris.

« Debout, enchaînée à son rêve, une partie de la jeunesse de Paris lit passionnément. Elle a toujours lu aux étalages, et le long des quais, prise sous le couvercle des « boîtes » comme un passereau à la trappe. Mais je crois qu’elle y mit, en d’autres temps, moins de flamme et d’obstination. »

Colette

Heureuse réédition que celle de Paris de ma fenêtre de Colette, publié pour la première fois à Paris en 1942, deux ans plus tard à Genève avec la préface de Francis Carco reprise aujourd’hui par cette édition, puis notamment dans le tome IV des Œuvres de La Pléiade en 1961. Peut-être un livre, laissé de côté, comme l’on oublie un ouvrage sur la plus haute étagère d’une bibliothèque, pour le rendre invisible et inaccessible. Mais c’était sans compter sur les Editions Le Chat Rouge, et Gérald Duchemin qui livre ici une lumineuse postface, dont le périscope littéraire sait voir, ces livres oubliés, parfois à la dérive, qui méritent un bon port littéraire. (1) Paris de ma fenêtre est à la découverte, un livre magnifiquement illustré par Sarah Elie Fréhel, qui offre des portraits vibrants de Colette, inspirés des dessins de Jean Cocteau, l’heureux voisin de l’auteur de Sido. Sarah Elie Fréhel sait dessiner, tout en nuance, comme Colette sait écrire, tout en finesse, leurs regards se saisissent de ce qu’elles voient, comme la mémoire de Colette se saisit de ce qu’elle a vu et vécu dans ses campagnes. Depuis le divan de son appartement parisien du Palais-Royal, Colette écrit, décrit, les heureux jeunes lecteurs des bouquinistes des boites à livres des bords de Seine, elle feuillette avec gourmandise un journal de mode, et sait que la beauté d’un tissu ou d’un regard est une arme de bonheur, prodigue des conseils pratiques à ses lectrices pour se nourrir, alors que l’on manque de tout, se réchauffer, élever les enfants, ou se distraire un livre à la main, même s’ils sont rares. Elle voit, écrit et se souvient, avec toujours cet art si rare, de les transformer en pépites de joie et de bonheur, même lorsque s’installe le bruit, la fureur et la mort.

 

« Il fait froid. Ces deux f., vous les lisez dans la double bouffée d’haleine qui sort des bouches. Ce sont deux mots qui se voient de loin : « Fait froid… » Si une minorité heureuse se tient au chaud, elle subit la règle, elle ne peut se dérober à la pensée du froid, à sa réalité, au souci de ceux qui souffrent du froid. »

 

Paris de ma fenêtre nous offre non seulement ces chroniques des années de la seconde guerre mondiale, mais aussi de courts textes écrits durant l’autre guerre, c’est vif, brillant, et judicieusement écrit, sans jamais jouer à l’écrivain savant. Colette, nous l’avons peut-être oublié, comme l’on oublie parfois les écrivains un temps adulés, a du style, un regard affuté, une phrase simple et souple. Elle n’est jamais dans la plainte, toujours dans la joie, même aux heures les plus sombres, elle ne pose pas en boussole idéologique, mais en curieuse, en observatrice au regard de chat, comme ses animaux admirés, ses pupilles s’illuminent, et brillent nuit et jour, ce sont ses pupilles qui éclairent sa plume, et comme les chats, elle fait patte de velours, et sort rarement les griffes, simplement de part sa nature. Son écriture lui ressemble, charnelle et attentive, tendre et passionnée, dans ses évocations de son Paris ou de sa Bourgogne de l’enfance, dans celles des comédiens, de la nature qui la réjouit, des chats et des chiens, ou encore de Jean Cocteau et Jean Marais, ses voisins de rue et de cœur.

 

Philippe Chauché

 

On peut découvrir mille choses sur Colette sur le site de la Société des amis de Colette : https://www.amisdecolette.fr/

 

(1) La collection Pourpre et Or a notamment publié Jean Lorrain, Alphonse Allais, Daniel Defoe ou encore Edgar Allan Poe.



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A propos de l'écrivain

Colette

 

Colette, nom de plume de Sidonie-Gabrielle Colette, née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) et morte le 3 août 1954 à Paris, est une romancière française. Après Judith Gautier en 1910, Colette est la deuxième femme élue membre de l’Académie Goncourt en 1945. Elle en est également la première femme présidente entre 1949 et 1954. Adolescente, Colette rencontre Henry-Gauthier Villars, surnommé Willy, avec qui elle se marie. Il introduit Colette dans les cercles littéraires et musicaux de la capitale où la jeune femme fait sensation. Vite saisi par les dons d’écriture de sa jeune épouse, Willy l’utilise elle aussi comme nègre littéraire (le premier manuscrit de Colette date de 1893) puis dès 1895 l’engage à écrire ses souvenirs d’école, qu’il signe de son seul nom. On compte parmi ces écrits la série des Claudine : Claudine à l’école, bientôt suivi de La Maison de Claudine, Claudine à Paris, Claudine en ménage, Claudine s’en va, publiés sous le nom du seul Willy. En 1905 elle publie le premier livre sous son nom de Colette Willy, Dialogues de bêtes. Encouragée par le comédien et mime Georges Wague (1874-1965), elle commence alors une carrière au music-hall (1906-1912), où elle présente des pantomimes orientales. Par la suite elle se produit au théâtre Marigny, au Moulin Rouge, au Bataclan, ou en province (ces spectacles transparaîtront dans La Vagabonde ou L’envers du music-hall). Après son divorce, Colette a une brève liaison avec Auguste-Olympe Hériot, rencontré à la fin de 1909. Puis elle fait la connaissance de Henry de Jouvenel, politicien et journaliste, qu’elle épouse en 1912 et qui l’engage à donner quelques billets et reportages au Journal Le Matin dont il est le rédacteur en chef. De lui, à Castel Novel de Varetz (Corrèze), elle aura sa seule enfant, Colette Renée de Jouvenel, dite « Bel-Gazou ». En 1945 Colette est élue à l’unanimité à l’Académie Goncourt dont elle devient présidente en 1949. Ayant vitre compris que la célébrité passe par la maîtrise de son image, elle devient l’écrivain la plus photographiée du 20e siècle. Les Œuvres complètes de Colette sont publiées en quinze volumes par la maison d’édition Le Fleuron, créée par Maurice Goudeket. Elle meurt le 3 août 1954. En dépit de sa réputation sulfureuse et du refus par l’Eglise catholique d’un enterrement religieux, Colette est la première femme à laquelle la République ait accordé des obsèques nationales. Elle est enterrée au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Sa fille repose à ses côtés.

 

A propos du rédacteur

Philippe Chauché

 

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Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, espagnole, du Liban et d'Israël

Genres : romans, romans noirs, cahiers dessinés, revues littéraires, essais

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Minuit, Seuil, Grasset, Louise Bottu, Quidam, L'Atelier contemporain, Tinbad, Rivages

 

Philippe Chauché est né en Gascogne, il vit et écrit à St-Saturnin-les-Avignon. Journaliste à Radio France durant 32 ans. Il a collaboré à « Pourquoi ils vont voir des corridas » (Editions Atlantica), et récemment " En avant la chronique " (Editions Louise Bottu) reprenant des chroniques parues dans La Cause Littéraire.

Il publie également quelques petites choses sur son blog : http://chauchecrit.blogspot.com