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Ozane, Claude Donnay (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset 23.04.24 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Ozane, Claude Donnay, éditions M.E.O, février 2024, 250 pages, 22 €

Ozane, Claude Donnay (par Parme Ceriset)

 

Lorsqu’on ouvre un livre dont on sait qu’il aborde le thème de la Shoah, il y a toujours cette étrange sensation de glace qui envahit le corps, se répand de la page aux doigts du lecteur, et ne le lâche pas. Des images nous viennent à l’esprit ; des mots aussi ; ceux de Primo Levi notamment, qui résonnent dans le vide avec force et gravité : « Considérez si c’est un homme / Que celui qui peine dans la boue / Qui ne connaît pas de repos / Qui se bat pour un quignon de pain / Qui meurt pour un oui pour un non. / Considérez si c’est une femme / Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux / Et jusqu’à la force de se souvenir / Les yeux vides et le sein froid / Comme une grenouille en hiver… ».

Il est très difficile d’écrire sur ce thème après cela, après ces mots gravés sur les murs du temps. Et Claude Donnay a su le faire, dans le roman Ozane, avec sobriété, humilité, dans une écriture à la fois poétique et dure, avec des mots justes, pour rendre hommage à Eliane Gillet et sa famille, et à tous les autres aussi, pour que l’on n’oublie pas…

Le récit débute avec cette glace évoquée plus haut, ce jour qui « paresse » et nous happe, à notre insu, « dans ses filets glacés ».

Ozane vit dans une cabane au bord du lac Baïkal, dans ces grands espaces où la neige « crisse sous les bottes feutrées », où le décor, bien que somptueux, est menaçant, où le ciel « se gorge de lait avant de rougir la glace ». Effrayée par un ours, Ozane recouvre la mémoire jusque-là figée dans le gel, et soudain, le souvenir de Blanche en surgit.

« Dans la cellule, personne ne parle. Des ombres repliées et du silence ».

« On sait ce qu’ils font aux résistants. Se taire. Tenir bon. Pour les autres, pour la Liberté. Mais pour quelle liberté ? Soudain les mots sonnent creux… ».

Blanche envahit peu à peu la vie d’Ozane et « bouillonne dans sa tête » comme une « eau trouble avec l’horreur en suspension ». Mais qui est-elle, celle dont le chant de souffrance est « traversé d’éclats bleus », celle par laquelle, de sueur en sueur, l’horreur inscrite dans les cellules revient hanter les nuits d’Ozane, jusqu’à ce que les dernières digues craquent…

Tout refait surface : les camps de la mort, la torture, les abominables expérimentations des nazis sur les prisonniers. Et la voix de Blanche, déchirée, anéantie, pourtant empreinte d’une faible note d’espoir : « Ma jambe est en flammes, mais Ozane dort contre moi et je me prends à espérer ». Et ces mots en forme de révélation : « Ozane est morte la nuit dernière dans mes bras. Nous l’avons portée sur la charrette ».

Ozane est un livre grave et bouleversant, qui, de manière romancée, rend hommage à la jeune résistante belge Eliane Gillet, cette femme courageuse qui voulait croire à la liberté et s’est sacrifiée pour son idéal.

Ozane a sa place parmi les ouvrages gardiens de mémoire.

 

Parme Ceriset

 

Claude Donnay est poète, nouvelliste et romancier. Il a fondé la Revue et les Editions Bleu d’encre, consacrées à la poésie. Ozane est son cinquième roman, tous publiés aux éditions M.E.O. Un été immobile a obtenu le Prix Mons’Livre, et La route des cendres a été finaliste du Prix Saga Café.



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A propos du rédacteur

Parme Ceriset

 

Parme Ceriset est poète, auteure de plusieurs recueils de poésie dont « Boire la lumière à la source » (éditions du Cygne), « Femme d’eau et d’étoiles » (éditions Bleu d’encre, prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 de la Société des Poètes Français). Elle a publié chez L’Harmattan un roman autobiographique, « Le Serment de l’espoir ».