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Les aventures d’Enki, Claude Allard-Poesi (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera le 12.11.25 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Les aventures d’Enki, Claude Allard-Poesi, Tome 1 et Tome 2, éd édilivre 2 x 335 pp 20, 50 € le tome

Les aventures d’Enki, Claude Allard-Poesi (par Gilles Cervera)

 

Dyschronie au coin du feu

 

Claude Allard-Poesi porte double nom d’Allard dont l’art et de Poésie, dont acte.

Son dernier livre est double. Deux tomes pour une histoire longue, enfouie dans le passé. Pas moins de six mille ans avant notre air du temps.

Allard-Poesi n’est pas historien, pas tellement archéologue. Plutôt médecin, carrément psychiatre et fortement engagé dans l’archéologie du soi. Il a été spécialiste de l’enfant face à l’image et son imagination était mise en sommeil sous l’artefact techniciste. On ne le savait pas !

Son livre est long car l’histoire humaine est longue.

Et chaque vie la résume, issue de loin, vertigineuse jusqu’à sa fin.

Ulysse toujours est réécrit et Homère-Allard dessine à nouveau l’immense et long voyage autour de Mare-Nostrum. Il circumdéambule mais à l’heure de la pierre frottée à l’autre pierre, du silex et du feu né de ses étincelles. Enki est son Ulysse.

Les aventures d’Enki, l’homme des pierres, tome 1 est sous-titré De la terre à la mer et le tome 2 De la mer à la terre.

On voudrait être le petit-fils de l’auteur, ou sa petite fille. On voudrait avoir entre un et six ans, avoir du mal à s’endormir ou faire au moins semblant de ne pas y parvenir et d’écouter grand-père Allard-Poési dans le creux de l’oreiller, crépuscule de grillons et de lune en pâmoison à travers mots et volets à claire-voie. Endormissement de la petite fille (ou du petit-fils) entre les prairies de steppes, les hordes brutales qui déboulent et la paix qui revient, car Enki la réclame.

Comme tout récit né de la nuit des temps, l’auteur emprunte aux rituels. Il a lu Leroi-Gourhan entre autres, s’est imprégné de leurs œuvres et a fouillé pas seulement la documentation mais mis la main à même la matière vive des sables et des roches, les pépites qu’on découvre ou celles qu’on rêve avant ou non de les trouver.

Reste un livre d’histoires pour le coin du feu et les âmes tout ouïes.

D’abord la nature s’offre et se domestique. Rude épreuve.

D’abord la nature est hostile et il faut en passer par l’idolâtrie, la déification et les bois qu’on coupe, les territoires à gagner. La nature est la première conquête de l’homme, allez savoir, dîtes-nous, avec un peu de recul, si l’on a bien fait !

L’usage du monde préhistorique par Allard-Poési se joue des mythes et croise l’aujourd’hui. Le langage est moderne, la sit-com une épopée. Enki pourrait se lire comme une série. Ou comme un rituel le soir, on l’a dit, avant de trouver soleil dans sommeil.

Dès l’aube, des bergers se sont transformés en rabatteurs en empoignant leurs sagaies, chiens au pied.

Le chien est une conquête aussi.

Le monde allardien est moderne évidemment. Le lexique, on l’a dit, et surtout les valeurs : Virginia et quelques vaillantes jeunes-filles sont de la partie, malgré quelques rouscailleurs qui considèrent cet art comme réservé aux hommes.

Le préhistorien est voltairien et son histoire tient du conte. Candide ou du recours à une morale super-blindée : La loi s’applique à tout le monde. Elle n’est pas faite pour enquiquiner les gens, elle est faite pour regénérer le sang et garantir la survie du clan. Allard, on le voit, évite l’ellipse, d’où deux tomes ! Sa préhistoire est contrefactuelle. Plutôt un rêve, un tour de la mer à la terre et retour, un voyage initiatique. Toutes les épreuves sont nécessaires, Enki advient à son destin d’homme humaniste, c’est un gars bien !

Sa femme est Diana, une femme pas mal non plus, à la hauteur : Lâcheur, dit-elle en riant, à la moindre occasion, tu nous quittes !

Allo Ithaque, tu réponds ? Pénélope est tout sauf interlope.

Le gars bien meurt. La transmission aura lieu. La roue des astres tournera.

Diana vise sa tête, la flèche s’enfonce droit dans le crâne de l’animal, qui poursuit son élan en embrochant, puis en écrasant la chasseresse de tout son poids. Ce jour-là Diana rejoint, elle aussi, l’autre monde.

Diana rejoint Enki qui a rassemblé le clan, exhortant à accepter les différences pour vivre ensemble.

Les ressorts sont simples. L’humanisme au coin de chaque page malgré l’adversité du tonnerre ou les peurs du noir. Allard-Poesi emprunte aux vallées d’Olt, on voit d’où il parle et d’un temps où la rouscaille n’était pas le foutoir démocratique !

 

Gilles Cervera



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A propos du rédacteur

Gilles Cervera

 

Gilles Cervera vit entre Bretagne et Languedoc.

Instituteur, psychanalyste,

Auteur de :

L'enfant du monde et Deux frères aux éditions Vagamundo

Les Mourettes et Pension(s) aux éditions Un ange passe