Le Harki de Meriem, Mehdi Charef (par Philippe Leuckx)
Le Harki de Meriem, Mehdi Charef, éditions Hors D’Atteinte, mars 2024, 224 pages, 16 €
Le romancier et cinéaste Charef maintient la mémoire des siens, des gens de son pays. Après deux volumes – très beaux, très émouvants –, consacrés à l’histoire de sa mère et de son père (La Cité de mon père, et La Lumière de ma mère), il en consacre un tout entier au sort des harkis, Algériens au service de l’occupant français, haïs des Algériens lors de la guerre d’indépendance, haïs des Français qui vont les voir arriver en France après les accords d’Evian.
Le livre de Charef se concentre sur le personnage d’Azzedine, militaire pour les Français, sous les ordres de Masson. Il a épousé Meriem qui a été répudiée par son premier mari.
Le livre commence par l’histoire de leur fils Selim, brillant étudiant, tué lors d’une querelle avec des Arabes.
L’auteur revient alors à l’histoire d’Azzedine, de ses luttes contre les fellaghas qui terrorisent les villages, s’en prennent aux harkis.
Ce sera le déchirement et le départ d’Oran pour la France, les cités de transit, la vie dans la boue, les petits boulots.
Avec le temps, Azzedine acquiert des permis, devient conducteur de bus, quitte les bidonvilles pour un F4 à Reims.
Dans une langue très savoureuse, très fluide, Mehdi Charef est au plus près de ses personnages dont il relate les moindre faits et gestes et sentiments. Aucun manichéisme chez lui, il raconte la vie quotidienne de gens meurtris et exalte l’humanité en chacun de nous.
On plonge dans ces années noires de conflits et d’immigration ; rien ne fut facile, et pourtant quelle dignité chez ces harkis qui ont dû tout le temps se battre pour survivre à la haine, à l’exclusion.
Des scènes particulièrement émouvantes montrent un sage Algérien qui se préoccupe du sort des siens à Aix, Sidi Hamza ; ou cette autre séquence dévoilant Meriem, retour au pays, au milieu du cimetière où sont enterrés ses parents.
Un très beau livre, à la fois d’histoire, retenant de l’émotion mémorielle, de l’ethnographie humaniste, les plus belles pépites. Un vrai regard d’écrivain s’y fait jour, maître de son art et des histoires vraies qu’il a connues.
Philippe Leuckx
Mehdi Charef, écrivain et cinéaste français, est l’auteur du célèbre Thé au harem d’Archi Ahmed (1983), et de onze films. Il a récemment publié plusieurs volumes aux éditions Hors D’Atteinte, à Marseille, dont : La Lumière de ma mère.
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