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La poésie de Colette Gibelin, par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) le 03.09.18 dans La Une CED, Les Chroniques

La poésie de Colette Gibelin, par Murielle Compère-Demarcy

 

La poésie de Colette Gibelin est « une immense fleur de cactus(qui) renversée s’achemine vers la poussière » (in Mémoires sans visages & autres textes, éd. du Petit Véhicule, 2016), et insuffle l’intensité de si bien savoir la retenir, dans le souffle de la tension, de l’émotion contenue comme la falaise effritée du Dire accueille et relance la force de frappe des vagues qui se brûlent et se renouvellent de leurs ressacs. Altitude / envergure des amers sur la crête des lames de fond ; « iris déchiquetés, (…) mots paralysés » prenant le vent par toutes ses lézardes, « le temps d’un nouvel amandier » (Id.)…

Rythmée par un lyrisme existentiel, l’écriture poétique de Colette Gibelin s’est au fil du vécu dépossédée ou débarrassée d’une expression stricto sensu personnelle pour accéder à un universel singulier. L’écriture ici parvient à exprimer, avec densité et une intensité contenue, les perceptions sensibles et émotions d’une traversée singulière de l’existence tout en touchant ceux et celles qui en lisent les mots. Les mots de Colette Gibelin recueillent « le cri de rage de l’instant jeté en défi dans le vent », ils exercent leur filtre/philtre au lieu-dit mouvant névralgique où s’ouvrent les brèches, où nous vertige la faille inscrite en puissance sur le versant de l’ombre, autre visage du versant ensoleillé.

La vie est versicolore ; le Poème en transmue les touches, en retouche les teintes sur le cercle chromatique. La poète en souligne le subtil et riche nuancier et met en évidence les contrastes forts, physiques et symboliques, tels que l’ombre et la lumière, figurant « un vide balafré d’amandiers et d’étoiles ». La dualité habite sa poésie, « soleil tragique et mesuré », qui la transcende dans un élan poétique dont l’envol capte et prend ciel vers la lumière. L’obscur des buissons épais de l’existence s’y élague pour laisser rentrer l’air – cet air parfois difficilement respirable –, pour choisir au final de joindre les deux versants du vécu – versant de lumière et de l’ombre – dans Le Paroxysme seul (éd. Guy Chambelland, 1972) du poème.

La poésie de Colette Gibelin retentit des éclats de la brèche existentielle (cf. Éclats et Brèches, éd. Clapas, 2000) – « fêlure », « faille » colmatées par les mots comme ils endiguent le « torrent verbal primitif » – ; elle vibre et nous fait vibrer dans le laps vertigineux de l’éclatement aussitôt contenu, aussitôt transcendé. La vie y est reconquise dans une optique proportionnée et mesurée où les lignes de fuite se rejoignent dans le givre de feu du poème pour y faire jaillir profondeur et perspective des alignements apparemment nuls ou déformants d’une réalité fervente en son cœur.

La poésie de Colette Gibelin est à la fois jour et nuit, ombre et soleil, silence et chant – réunis dans le souffle de mots diffusant une parole en mouvement libératrice. Elle se constitue à la fois cri et chant de fontaine (cf. Comme un chant de fontaine, éd. Alain Benoit, 2002), parcourue Dans le doute et la ferveur (Encres Vives, 2012), à la fois pureté et déchirure, noyade et acheminement vers la rive, « éclaboussures du néant » et sobre ivresse vers la cime toujours recherchée. Elle dit la « vénéneuse beautédu monde ». Elle nous traverse, nous transperce, nous fulgure et nous élève de « ce centre brûlant du vide », « le cœur vivant du rien », où le sang de ses « mots lumière » circule d’une fêlure intérieure comme ailes vibrantes d’une bougie, bribes d’incandescence (éclat transmué en éclaboussures), lumière d’« orange ravinée » d’une « terre brune » savoureuse et laborieuse dont elle célèbre les lavandes, les cyprès, les crépuscules, les cigales, « le matin fauve », les figuiers, les oiseaux, les tamaris, le thym, les pierres vivantes, les « soleils perdus et regagnés », les « braises rouges du vivre haut », … Cherchant à mains nues la lumière (éd. Villa-Cisneros, 2018),

 

« avec ces mots de feuilles

(Elle) délimite un espace vide, mauve, une faille sobre

Où peut-être vivre »

 

Murielle Compère-Demarcy

 


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A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


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Murielle Compère-Demarcy - publiant aussi sous le nom de MCDem. - est une poétesse, nouvelliste et auteure de chroniques littéraires et d'articles critiques.

Poésie

Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009

Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection Encres Blanches, 2014

Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection encres Blanches, 2014

Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015

La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature, Chiendants, n°78, 2015

Trash fragilité, illustrations de Didier Mélique, éditions Le Citron gare, 2015

Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015

Je tu mon alterégoïste, couverture de Didier Mélique, préface d'Alain Marc, 2016

Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016

Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016

Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017

Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. Parole en liberté, 2017

Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018

... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, coll. Encres Blanches, n°718, 2018

L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. La Main aux poètes, 2018

Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019

Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. L'Or du Temps, 2019

Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019

L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. Les 4 saisons, 2020

Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020 [262 p.]

Werner Lambersy, Editions les Vanneaux, 2020

Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda ; 2021

Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier, 2021

L'ange du mascaret Murielle Compère-Demarcy (avec prologue de Laurent Boisselier) aux éditions Henry coll. grand format ; 2022.