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L’Arnitoile, En attendant la Parque, Patryck Froissart (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset 30.05.24 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions

L’Arnitoile, En attendant la parque, Patryck Froissart, Sinope éditions, septembre 2023, 92 pages, 8 €

Ecrivain(s): Patryck Froissart

L’Arnitoile, En attendant la Parque, Patryck Froissart (par Parme Ceriset)

 

L’Arnitoile, comme l’indique son titre (désignant une toile d’araignée en wallon), est un ouvrage totalement atypique. Les mots, reliés par des associations sémantiques ou phonétiques, tissent une poésie dont l’hermétisme rappelle au premier abord celui de Mallarmé, mais dont le message se révèle peu à peu, au fil des pages.

Le lecteur est happé par ces formes étonnantes, ces « toiles » d’encre qui évoquent aussi, indirectement, le piège de la destinée humaine dans lequel les êtres naissent et demeurent prisonniers jusqu’à leur mort. Ils attendent en quelque sorte la Parque, celle qui coupera tôt ou tard le fil des vies. À cet écho mythologique s’ajoute une référence aux apollons d’un Éden furtif condamné à la disparition, comme tout en ce monde, après la « flambée des effusions ».

On frôle le nihilisme avec cette « farce crasse » que serait peut-être l’existence, où tout finit, inévitablement, « fatalement » par « s’affroidir », dans « l’haleine rauque et rance de la désespérance », là où « la lumière n’est qu’à l’amont du tunnel » et où, « plus on avance, plus on « s’enténèbre ».

Le champ lexical dérive sur la toile des mots, de sonorités en sonorités proches, puis plus lointaines, vers celui de la maladie et de la vieillesse, de la mort. Ainsi, la Méduse devient la Minerve, l’ardeur n’est plus offerte qu’au deuil, le langage se déstructure, se désarticule, rappelant celui des patients aphasiques après un accident vasculaire cérébral, par exemple : « flagrances-fragrances-délits-lie »…

Ce travail linguistique ouvre les portes de la psychologie humaine, et en cela il est passionnant et universel.

Il y a chez l’auteur un regard lucide sur la tragédie des hommes et des femmes, figés dans la toile du temps et de la « veuve noire » (à la fois araignée, mort et Parque), qui se voient se dégrader, vieillir et décliner sans pouvoir en quoi que ce soit empêcher ce naufrage : l’univers finit par se résumer « aux quatre bords du lit », et l’humain à une proie prise au piège qui vivote encore, dont l’œil « s’irise avant qu’il ne se grise », jusqu’au « battant sépulcral du glas », avant de plonger dans le « ventre béant du néant ».

Rien ne sera épargné par l’anéantissement, ni les forêts, dévorées par des « rats scélérats », ni les « pantins gesticulés » que nous sommes. L’auteur en est persuadé : « Quelques saisons de plus et l’homme aura passé comme autrefois cessa l’auroch ».

L’être, en mourant, qu’il soit humain, fourmi, rose, chevreau, éléphant, ou chêne, produit « le vacarme inouï du pétale qui tombe », se « déconjugue », s’enlise dans des eaux glauques troubles et infernales où ondule une « Ophélie blafarde », celle-là même qui était peut-être jadis « atlante australe astrale et rutilante », dont les yeux clairs luisaient d’un « avenir limpide ».

De toutes les souffrances, l’absence est l’une des pires, celle de la « maison sans toi » où « s’engouffrent les ans bruns », celle qui musèle le poète.

Une impression de non-sens se dégage de tout cela mais le poète recommande de « jouir le temps d’un soupir, d’un simple éclair d’éternité ». « Pourvu que l’on s’enlace / avant qu’on ne s’efface », ajoute-t-il, faisant de l’amour l’essentiel d’une vie, avant sa dissolution.

Un jour, le temps sera « révolu des hommes et des dieux », et l’auteur est convaincu que cela ne changera pas le cours de l’univers : « les constellations s’en balancent ; le cosmos pulse ».

L’humain n’aura été qu’un « futile fétu ». L’aurore ne sera plus que « cendre et crépuscule ».

Ce recueil est un voyage palpitant au cœur de la condition humaine, là où, jusqu’à l’heure dernière, toujours « lancinera la blessure ».

 

Parme Ceriset



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A propos de l'écrivain

Patryck Froissart


Patryck Froissart, originaire du Borinage, a enseigné les Lettres dans le Nord de la France, dans le Cantal, dans l’Aude, au Maroc, à La Réunion, à Mayotte, avant de devenir Inspecteur, puis proviseur à La Réunion et à Maurice, et d’effectuer des missions de direction et de formation au Cameroun, en Oman, en Mauritanie, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

Membre des jurys des concours nationaux de la SPAF

Membre de l’AREAW (Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie)

Membre de la SGDL

Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles, dont certains ont été primés, un roman et une réédition commentée des fables de La Fontaine, tous désormais indisponibles suite à la faillite de sa maison d’édition. Seuls les ouvrages suivants, publiés par d’autres éditeurs, restent accessibles :

-Le dromadaire et la salangane, recueil de tankas (Ed. Franco-canadiennes du tanka francophone)

-Li Ann ou Le tropique des Chimères, roman (Editions Maurice Nadeau)

-L’Arnitoile, poésie (Sinope Editions)


A propos du rédacteur

Parme Ceriset

 

Parme Ceriset est poète, auteure de plusieurs recueils de poésie dont « Boire la lumière à la source » (éditions du Cygne), « Femme d’eau et d’étoiles » (éditions Bleu d’encre, prix Marceline Desbordes-Valmore 2021 de la Société des Poètes Français). Elle a publié chez L’Harmattan un roman autobiographique, « Le Serment de l’espoir ».