Exister de vivre suivi de Bribes du dehors, Stéphane Juranics (par Parme Ceriset)
Exister de vivre suivi de bribes du dehors, Stéphane Juranics, La Rumeur libre éditions, septembre 2025, 288 pages, 19 euros
Poète de la profondeur et ami du silence, doté d’un grand sens de l’observation, Stéphane Juranics, dans « Exister de vivre », affirme que « le seul sens de la vie est de chercher le sens de la vie ». Animé de cette quête, il se montre attentif à la beauté où qu’elle se trouve, là où elle se laisse cueillir. Nul besoin d’aller à l’autre bout du monde pour s’émerveiller du quotidien… Il suffit d’ouvrir son âme comme les volets d’une chambre, se laisser griser par « la houle des rideaux », par la rosée sur le corps de l’aimée, « humant l’éveil de la ville », par le « vertigineux miracle » d’un ciel étoilé.
Inlassablement, le poète « écoute ce qui ne s’entend pas », prenant ainsi « conscience de la vie jusqu'à ses moindres cellules », mais aussi, et c’est plus douloureux, « jusqu'à ses moindres germinations de mort ».
Cette découverte s’accompagne parfois d’un sentiment de « terrifiante solitude », celle des « arbres que le vent rend seuls à jamais », mais elle est source d’inspiration, car « quelque chose nous appelle au-dehors et ne se pense qu'en nous ».
Certes, chacun traverse des moments de désespoir, mais l’auteur, qui vit à fleur de peau, à fleur de mots, en est persuadé : « Ce sont les désespérés qui font le mieux l'amour ».
« Je voudrais m'arrêter dans chaque lieu du temps », dit-il, comme s’il aspirait à savourer chaque instant pour « intensifier le chaos ».
Humaniste, il souffre en déchiffrant « la prose du blizzard, ce message universel de la réalité la plus nue, la plus insoutenable », en découvrant les « corps défoliés jusqu'à la sève au napalm d'une mercantile cécité ».
Comment échapper à cette fatalité ?
En prenant le temps de lire « l'aphorisme d'un lierre sur un mur orphelin », en devenant « oiseau tentant d’échapper à la brume », en demeurant fidèle à ses valeurs : « ne pas même laisser une seule goutte de pensée fasciste risquer de polluer l'océan des consciences ».
Arrivera-t-il, ce jour tant espéré où l'humanité « aura enfin pour vocation d'être humaine » ?
Le graal est-il au bout du chemin ? Rien n’est moins sûr, car « la plume trempe dans l'encre du sens mais à peine retirée, l'encre sèche presque immédiatement ».
Mais le sens est peut-être finalement, faisant écho à une très ancienne citation sur le bonheur souvent attribuée à Lao-Tseu, le chemin que nous empruntons pour le trouver, confirmant dans le même temps ces mots de René Char : « L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. »
Parme Ceriset
L’auteur : Stéphane Juranics
Fils d’un immigré hongrois ayant pris part à la Révolution de 1956, Stéphane Juranics est né en 1969 à Lyon. Il a vécu une partie de son enfance à Annaba (Algérie). Il a publié ses premiers textes dans les revues Verso et Aube Magazine, puis, après une licence de Lettres modernes à l’Université Jean-Moulin Lyon 3, des recueils aux éditions La Bartavelle éditeur, La Passe du vent, et la Rumeur libre. Il collabore activement à la revue Rumeurs.
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