En d’autres lieux, Max Alhau (par Philippe Leuckx)
En d’autres lieux, Max Alhau, Voix d’encre, octobre 2023, 72 pages, 11 €
Ecrivain(s): Max Alhau
Le poète, dans nombre de ses recueils, consigne un véritable travail de mémoire, que les vocables reconnaissables entre tous nomment, entre traces, empreintes, oubli, mémoire.
La poésie, donc, doit s’inventer « en d’autres lieux » pour sauver ce qui peut l’être. On a perdu des saisons, des visages, des amours ; on a bien du mal à en conserver des traces qui puissent défier le temps ; on est sans cesse à la quête de « ces espaces/ hors de portée », « comme si tu pouvais restituer au passé/ ses effluves, les preuves de son passage ».
Entre « absence et infini », titre de la troisième partie de ce recueil, la poésie d’Alhau s’avère épuisante recherche, comme un chercheur d’or dans un monde de sable. A la conviction que « tout n’est pas perdu », qu’on n’a pas pu tout de même oublier « les visages auréolés d’un rêve », la poésie répond d’une salve d’impératifs adressés au poète lui-même, conseils de vigilance dans un univers qui s’effrite, s’effiloche : « Laisse couler le vent », « Eloigne-toi de la brume », ou encore « rends grâce à des dieux/ dont tu as perdu la trace ».
Le « tu » auquel parle le poète, est cette part de l’être qui constate, relate, rappelle, énonce, regrette, comme s’il fallait toujours dire ce qui fuit, ce qui se dérobe, ce que les mots blancs peuvent parfois cerner.
On est frappé, dans ce dévoilement de l’intime, par la géographie des espaces franchis, « paysages-rencontres » qu’une deuxième partie du recueil nomme à bon escient : des terres, « à l’écart de la route » « pour atteindre des rivages/ oubliés des conquérants ».
Tu habites au bord de l’absence :
ce nom écorne tes espoirs
et tes rêves sans fond (p.47).
Justesse de la quête, vivacité des images, nomenclature des sensations conquises sur des terres perdues : le livre tout entier s’approprie une dense maîtrise du poème dit intimiste, « attentif à chaque floraison ».
Un beau livre de sagesse.
Philippe Leuckx
Max Alhau, né en 1936, à Paris, est membre de l’Académie Mallarmé, et auteur de nombreux recueils publiés à Voix d’encre, L’Herbe qui tremble. Citons : A la nuit montante ; Du bleu dans la mémoire ; Dire ton nom.
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