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Un jour nous serons humains de David Léon

Ecrit par Marie du Crest le 15.12.14 dans La Une CED, Les Chroniques

Un jour nous serons humains de David Léon

Un jour nous serons humains de David Léon a été présenté au dernier festival d’Avignon dans une mise en scène de Hélène Soulié et chorégraphie d’Emmanuel Eggermont

Dans le cadre d’une carte blanche, au Théâtre Ouvert, Stanislas Nordey a lu le texte de David Léon le 20 novembre 2014. Il sera repris également au printemps prochain, à Paris

 

« Les voix de David Léon »

Il faut d’abord attendre, attendre l’heure, dit l’organisateur. Il faut attendre, se préparer à l’écoute des voix. David Léon est juste devant nous, , presqu’à la même hauteur que nous, dans la petite salle de l’auditorium de la médiathèque de Vaise ; seule une barrière nous sépare. Debout sans pupitre, avec son livre. Il est comme immergé dans le monologue. Il baigne dans le halo bleuté, venu du ciel des projecteurs qui colorie le plancher. Il tient son livre, son texte dans la main gauche que la lumière irradie d’une blancheur presque surnaturelle. Le corps du lecteur se perd dans l’ombre : il y la voix, il y a la main droite qui, en quelque sorte, est le corps vivant des mouvements. Et le micro noir se dresse au centre de l’espace scénique.

Le titre d’abord, Un jour nous serons humains. Il intime l’ordre du silence, de la tension de la salle vers les mots qui viennent d’abord lentement, séparés par une pause (celle de la parole et celle de la ponctuation du texte). David Léon nous fait entrer alors pas à pas, dans la cérémonie poétique, celle du leitmotiv du passage des oiseaux :

… l’envol des grives… des corneilles… des choucas…

… des étourneaux… des courlis… des craves…

Le motif, nous le reconnaîtrons, à chacun de ses cinq retours comme un refrain de la beauté du monde. La voix est la matière du texte, comme une étoffe. Elle se retient : les mots sont graves, chargés des horreurs et abominations du monde : décapitations, tortures, inhumanité universelle. Dire plutôt que crier, sans pathos. David Léon s’écarte de manière régulière, d’ailleurs du micro : une fois plus feutrée, presque secrète, la voix poursuit en tournant sans aucun bruit du papier du livre, la lecture. Et à d’autres moments, la voix vibre dans le rebond du micro mais toujours dans la retenue. Le lecteur fait entendre le souffle de son texte. Et l’auditeur le saisit. Il parle des hommes ; il parle donc de nous tous aussi. Nous sommes ensemble dans l’épaisseur de l’obscurité et des mots et des incantations :

Face à l’Inouï nous déclinons désormais toute la responsabilité nous nous retranchons j’ai dit

Le texte est un long poème (dramatique) qui nous embarque dans ces images, ces litanies et prophéties. Et la poésie retourne au récitatif, à la musique en somme. La main droite, tout au long de la lecture, s’ouvre, se crispe dans le vide, se retourne, vigoureuse et cependant impuissante à enfermer la totalité de nos déchéances jusqu’au moment de la délivrance mystique, à la toute fin de la lecture, s’accrochant au texte lui-même, le redoublant dans sa gestuelle :

et alors j’ai tendu mes mains vers notre ciel avec leurs paumes retournées vers notre ciel et dans un geste proprement mendiant vers notre ciel ; et alors j’ai demandé si un jour nous serons humains et nos ténèbres devinrent si fortes que je puis les toucher

 

Le texte, édité chez Espaces 34, a fait l’objet d’une chronique, dans la revue, le premier juillet 2014

 

Marie Du Crest


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A propos du rédacteur

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Rédactrice

Théâtre

Marie Du Crest  Agrégée de lettres modernes et diplômée  en Philosophie. A publié dans les revues Infusion et Dissonances des textes de poésie en prose. Un de ses récits a été retenu chez un éditeur belge. Chroniqueuse littéraire ( romans) pour le magazine culturel  Zibeline dans lé région sud. Aime lire, voir le Théâtre contemporain et en parler pour La Cause Littéraire.