Fictions (anthologie) 8, par Matthieu Gosztola

On embrasse le cheveu
Sur la couette
Et on frôle
La moiteur du linceul
Avec l’annulaire
Une île et ses divinités estivales
Partie nue du continent
*
Sur l’estrade
Une danseuse nue
Enfonce sa jambe
Dans le plâtre
Et
En vous
La lève
Soudain
Brise
Le plâtre
Et pour vous ?
*
Sa baignade
Un peu à l’écart
Le soleil nu
(Une tache de naissance)
Ciel fardé d’envie
Et de tristesse
*
Elle dit :
« As-tu besoin de moi
Pour être enfin seul
Avec toi ? »
*
Troisième jour de marche
Malgré les élans répétés
Du soleil
La neige entre les collines
Persiste
J’ai vu au matin
Dans cet interstice
De la nature
Un vieillard remuer
Sa proie endormie
: Le désir
*
La pluie sculpte la pierre
Derrière
Il y a ton souvenir
Bientôt atteint
*
Les travellings du cinéaste sont lents
(Il ne veut pas esquinter le paysage)
*
L’eau de l’aquarium
Où meurent mes poissons
A la douceur meurtrière
De tes yeux
*
Le voyage
Est un retour en avant
L’uniformité des lieux où l’on passe
Me tourmente
Elle dit :
« Il n’y a pas
D’uniformité
: Le chien aboie
Et l’arbre nu est ignoré »
*
Nuit dans la ville
Cratère
Les hirondelles bleues s’endorment
Quand naissent les sons des pianos
*
Je gravis le chemin ____________
______________________________
____________________________toi
Que faire, sinon remercier le chemin ?
*
Le chien de compagnie
Aux yeux jaunes
Qui flânaient
Parmi les chiens courants
Est allé mourir sur la neige
*
Afrique
Jouet abandonné
Près d’une rivière
Aussitôt
Le vent
Le sable
*
Une orange
Au pied d’une vierge
Qui réclame
L’odeur des fesses
Mêlée à celle de l’absolu
*
Assombrissement de la nuit
Ou illumination du jour
Ce à quoi s’affairent les hommes actifs
*
Au pied du ciel
Un flûtiste se réchauffe les mains
Du silence initial s’envole un thème musical
Une mélodie joyeuse, insoucieuse de vous
*
Sarajevo
Le bleu d’azur du ciel
Une balle qui se perd
Dans le corps d’un enfant
Il tombe
La couleur du cinabre sur le sol
Il n’a pas eu le temps de tomber amoureux
Il est resté enfant
C’est peut-être préférable
Il n’a pas eu à chercher chez tous les êtres
Le regard d’une fille rencontrée par hasard
Et puis laissée dans le cours de la vie
Comme l’eau qui goutte
Du robinet
*
Pin aux aiguilles courtes
D’un vert usé
Qui gifle le sol
Marque son empreinte
Dans la poussière
Il perdra la couleur originelle
De son tronc
Mais les chants des oiseaux
Ne perdront pas
Pour les quelques heures du jour
Le beau chemin
Du silence
*
Elle dit :
« Toute la chair de l’arbre
Doit se flétrir
Comme de l’herbe »
*
Le mouvement de ta main
Sur ton oreille
Pour te recoiffer
A fait tanguer mon navire
*
Revêtue d’un peignoir
Elle regarde son visage
Dans la vitre embuée
: Le flou du devenir
Matthieu Gosztola
Ces poèmes ont été insérés, sous une forme très différente, dans Sur la musicalité du vide (2 volumes parus en 2001 et 2003). Les ouvrages sont toujours disponibles auprès des libraires, ou en passant commande directement chez l’éditeur. Consulter son catalogue ici. Le suivre là.
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