Fictions (anthologie) 3, par Matthieu Gosztola

Voyager
Sans but
Perdre l’ensemble de ses pas
Revient à n’en perdre aucun
Un oiseau (je n’ai pas su le reconnaître)
S’envole dans un murmure
Tes pas te portent jusqu’à toi
*
Les pigeons communs
Abîment doucement
La peau des jeunes filles
*
L’eau de la piscine est trouble
Elle n’a pas encore expérimenté
Le miracle de ton corps
*
Tristesse
Quand s’en vient le jour
De ne plus pouvoir refuser
La nuit
*
Le jour fait son chemin
Partout
Où tu es passée
Au moins une fois
*
Les tranches dans mon chocolat
Au réveil
Si elles n’ont pas le goût de tes lèvres
Ne passent pas
*
Elle dit :
« Vivre
C’est essayer
Vaine
Ment
De mémoriser
Les variations
Peut-être in
Finies
De la couleur
Vivre sage
Ment
C’est mesurer un peu
Et aimer
De toutes
Ses forces
Cette vanité »
*
Tu adresses timidement
Quelques mots
À la serveuse
(Ta commande)
Elle s’approche trop près, te frôle
(Caresse ton âme)
Tu te réveilles
Entre ses bras humides
Pour s’expliquer
Elle dit avoir retrouvé en toi
La couleur inimitable
Des yeux de son père
*
Tu sanglotes
Et ris tout à la fois
La douleur fuit ton humeur vagabonde
*
C’est le soir
Dans un sommeil uniforme
Loin des couleurs du jour
Tu te retrouves enfin
*
Elle dit :
« La fermeture éclair
De ma robe préférée
Fait zip et zap
Lorsque je l’amène
Dans le creux de mes reins
Cela nous apprend
À reconnaître le plaisir
Par le seul son (zip et zap) qu’il fait »
*
Il te faut
Finir ta vie
Tu espères que tu pourras jouir
De cette si belle obscurité
Dont l’imagination te donne
Un avant-goût
(Tu attends que la douleur
S’ennuie et parte)
*
L’amour jette
La pelote d’ombre
De nos vies
Dans l’escalier
De
L’oubli
Puis s’en va
En riant
*
Dans le métro
Une jeune fille te regarde
Avec douceur
Tu l’abordes
Elle te parle de ce lieu
Où certains prennent sens
Tu la suis
Pourquoi lui as-tu volé
De sa douceur ?
Elle voulait seulement recevoir
Un peu de ta force
*
Ce matin
Tu as découvert le cadavre d’un merle
Tu l’as mis à l’écart des enfants
(C’était pour eux, crois-tu, qu’il chantait
Dans les parcs et les bois
Dans l’indéfini aussi)
La neige ne l’a pas entièrement recouvert
C’est pourquoi tu l’as reconnu
Matthieu Gosztola
Ces poèmes ont été insérés, sous une forme très différente, dans Sur la musicalité du vide (2 volumes parus en 2001 et 2003). Les ouvrages sont toujours disponibles auprès des libraires, ou en passant commande directement chez l’éditeur. Consulter son catalogue ici. Le suivre là.
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