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Emil Michel Cioran

Emil Michel Cioran

 

E.M. Cioran, né le 8 avril 1911 à Rășinari en Roumanie, mort le 20 juin 1995 à Paris, est un philosophe et écrivain roumain, d’expression roumaine initialement, puis française à partir de 1949 (Précis de décomposition). À 22 ans, il publie Sur les cimes du désespoir, son premier ouvrage, avec lequel il s’inscrit, malgré son jeune âge, au panthéon des grands écrivains roumains. Après deux années de formation à Berlin, il rentre en Roumanie, où il devient professeur de philosophie au lycée de Brașov pendant l’année scolaire 1936-1937. Il assiste, en compagnie de Mircea Eliade, à l’ascension du mouvement fasciste et antisémite de la Garde de fer, combattu par les armes et effectifs de la police du régime parlementaire. Une ambiance de guerre civile s’installe alors dans le pays, nationalisme xénophobe ultra-chrétien d’un côté (la Garde de fer elle-même s’affichant comme chrétienne), laïcité démocrate de l’autre. Les premiers font appel aux anciennes traditions roumaines, aux valeurs de la paysannerie longtemps opprimée par les Empires étrangers voisins ; les seconds s’inspireront plutôt des valeurs de l’Occident. En 1936, Cioran publie La Transfiguration de la Roumanie où il développe une pensée influencée par les thèses de la Garde de fer (qui, à ce moment, n’a encore assassiné personne et cultive une aura de martyre patriotique, car la police tire sans sommation sur ses rassemblements), mais il fera clairement part aussi, suite à ses études à Berlin, d’une grande admiration pour Hitler, il approuvera notamment et ouvertement la nuit des longs couteaux, et foncera tête baissé dans un extrémisme véritablement délirant qu’il regrettera plus tard. Contrairement à d’autres, il ne cherchera pas à le cacher, mais au contraire en fera la base d’une position farouchement anti-utopiste dont il ne se débarrassera plus. Marta Petreu dans son essai, Un passé infâme : E.M. Cioran et la montée du fascisme en Roumanie, reconnaît que Cioran a pu être motivé par des raisons égoïstes pour se distancier de son œuvre des années 1930. Pourtant, dans sa vieillesse, pense-t-elle, il « avait substantiellement reconsidéré ses anciennes idées et en était venu à les détester profondément ». Dans une lettre de 1979, il décrivit Transfiguration comme inacceptable. En 1937, la publication de son troisième ouvrage, Des larmes et des saints, avait fait scandale dans son pays. Il est interdit de séjour en Roumanie à partir de 1946, pendant le régime communiste. Bien qu’ayant vécu la majeure partie de sa vie en France, il n’a jamais demandé la nationalité française. À Paris, Cioran vécut d’abord à l’hôtel Marignan dans le 5e arrondissement de Paris. C’est dans le Quartier Latin et celui de la Sorbonne qu’il résidera jusqu’à sa mort. Dans ses écrits, il relatera ses fréquentes déambulations nocturnes dans les rues de Paris et les longues nuits de solitude et d’insomnies passées dans de minuscules chambres d’hôtel. Puis plus tard, ce sera celles de ses chambres de bonne, où il se réfugiera pendant de longues années. Il reste pauvre, décidé à « ne plus jamais travailler autrement que la plume à la main ». Ces menus détails sur son vécu quotidien parsèment son œuvre et son discours mais Cioran ne s’apitoiera nullement sur cet aspect de sa condition. Il le décrit simplement comme une sorte de cheminement ou de combat qui l’accompagnent autant dans ses écrits que dans son existence ou comme, en quelque sorte, un « état d’esprit qui le maintient constamment en vie ». Dans la solitude, le dénuement matériel et ce retrait des divertissements modernes, s’établit alors une démarche philosophique et spirituelle comparable à l’ascétisme proposé par le Bouddhisme. Ainsi Cioran raconta, qu’étudiant en Allemagne, il prit ses distances avec la fureur nazie en se réfugiant dans « l’étude du bouddhisme » (Entretien à Tübingen), les Cyniques ou Diogène de Sinope. Cioran refusa tous les prix littéraires (Sainte-Beuve, Combat, Nimier, Morand, etc.) à l’exception du prix Rivarol en 1949, acceptation qu’il justifia par un besoin financier. En 1973, Cioran publie son œuvre la plus marquante : De l’inconvénient d’être né. En 1987, il publie son ultime ouvrage, Aveux et anathèmes, avant de mourir, huit années plus tard, en 1995 de la maladie d’Alzheimer, sans jamais avoir mis à exécution son projet de suicide.

 

Bibliographie :

Les six premiers titres parurent initialement en roumain :

Sur les cimes du désespoir (1934)

Le Livre des leurres (1936)

Transfiguration de la Roumanie (1936), traduit du roumain par Alain Paruit (Éditions de L’Herne 2009), 343 p.

Des larmes et des saints (1937)

Le Crépuscule des pensées (1940)

Bréviaire des vaincus (1944)

Précis de décomposition (1949)

Syllogismes de l’amertume (1952)

La Tentation d’exister (1956)

Histoire et Utopie (1960)

La Chute dans le temps (1964)

Le Mauvais Démiurge (1969)

Valéry face à ses idoles (1970), 78 p.

De l’inconvénient d’être né (1973), 243 p.

Essai sur la pensée réactionnaire. À propos de Joseph de Maistre (1977), Fata Morgana (d’abord publié comme préface d’un recueil de textes de Joseph de Maistre en 1957 aux éditions du Rocher), 78 p.

Écartèlement (1979), 178 p.

Ébauches de vertige (1979), 126 p.

Face aux instants (L’Ire des vents, 1985), 28 p.

Exercices d’admiration (Gallimard-Arcades 1986), 224 p.

Aveux et Anathèmes (Gallimard-Arcades 1987), 154 p.

L’Ami lointain : Paris, Bucarest (Criterion, 1991), 76 p.

Entretiens (Gallimard-Arcades 1995), 319 p.

Œuvres (Gallimard-Quarto 1995), 1818 p.

Cahiers, 1957-1972 (Gallimard 1997), 998 p.

Cahier de Talamanca (Mercure de France 2000), 57 p.

Solitude et destin (Gallimard-Arcades 2004), 434 p.

Exercices négatifs : En marge du précis de décomposition (Gallimard 2005), 227 p.

De la France, traduit du roumain par Alain Paruit (Éditions de L’Herne 2009), 94 p.

Bréviaire des vaincus II, traduit du roumain par Gina Puicǎ et Vincent Piednoir (Éditions de L’Herne 2011), 116 p.

Lettres à Armel Guerne, 1961-1978, préfacé et annoté par Vincent Piednoir (Éditions de L’Herne 2011), 386 p.

Œuvres (Gallimard-Bibliothèque de la Pléiade 2011), 1658 p.