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Les Dossiers

Les romans de Philippe Sollers : une littérature en situation

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Dimanche, 12 Juin 2011. , dans Les Dossiers, Etudes

À l’occasion de la parution de Trésor d’amour (Gallimard, 2011, 17 euros 90, 213 pages). . Ecrivain(s): Philippe Sollers


Lire un livre de Sollers, c’est toujours faire l’expérience d’une écoute intense, qui soit intérieure, mais tendue comme un fil à se rompre, face à une écriture qui, dans la façon qu’a l’auteur de ciseler son souffle, par le choix notamment de l’emplacement des virgules, est une musique sans cesse gratuite (puisque tout est gratuit, tout ce qui est important et vivant, pour reprendre la pensée chère aux surréalistes et en premier lieu à Breton dont Sollers se sentira très proche très jeune). Sans cesse gratuite et imprévisible. Un exemple ? « Elle est pour toi à l'instant, remer­ciement calme ». Un autre ? Mais oui. « Jamais assez de temps encore, encore ».

Cette écriture cherche, dans ce livre-ci, plus que jamais, à prendre à bras le corps trois entités très chères à l’auteur : Venise, la littérature (en l’occurrence Stendhal) et l’amour.

Hommage à Roberto Bolaño

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 11 Juin 2011. , dans Les Dossiers, Articles, Etudes, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED

Hommage à Roberto Bolaño (les citations sont de la main de l’auteur), poète et romancier chilien, né le 28 avril 1953 à Santiago du Chili et décédé à Barcelone le 14 juillet 2003, suite à une longue période de maladie, abandonnant à la vie vierge de lui son épouse espagnole et leurs deux enfants qu’il a appelés « sa seule patrie », à l’occasion de la réédition de 2666 en Folio.


C’est « une étrange journée » pour l’épouse espagnole qui se sent « comme si quelque chose avait crevé à l’intérieur » de soi. Elle reste assise sur le lit, « les pieds posés sur le sol, à essayer de se souvenir de quelque chose de flou » (2666).

Autour d’elle, tous les silences font une ronde. Cela durera des semaines. Peut-être des mois. Des semaines, avant que la ronde ne se brise.

Laisser ses journées et ses nuits lentement s’effilocher dans son lit, laisser la vaisselle s’empiler, ne pas ouvrir les stores. Ne plus même être capable de prononcer son prénom, de l’épeler dans l’intimité vacillante de sa pensée.

Entretien avec Pierre-Guillaume de Roux

Ecrit par Jean-Luc Maxence , le Dimanche, 15 Mai 2011. , dans Les Dossiers, Entretiens, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED

Certes, vous êtes depuis des années un professionnel de l’édition. Mais ne faut-il pas être fou pour créer votre propre maison d’édition dans une telle période d’interrogation civilisationnelle grave et économiquement problématique ?

Je pense que c’est paradoxalement dans ces périodes de grandes difficultés qui marquent le « grand tournant civilisationnel » dont vous parlez, qu’une aventure comme celle-là a des chances de réussir. Alors que  les grandes maisons d’édition sont de plus en plus conditionnées par des obligations de résultat immédiat, pressurées par des contrôleurs de gestion qui exigent d’elles une rentabilité à court terme, les petites structures aux frais fixes réduits disposent, au contraire, de toute la légèreté requise pour agir pleinement. Parce qu’elles conservent une taille humaine, parce qu’elles cultivent un état d’esprit proche de l’auteur, elles sont réellement en mesure de mener à bien ce qui constitue le cœur de métier de l’éditeur : ce travail de découverte, de révélation et d’accompagnement qui échappe de plus en plus aux grandes maisons. C’est notre chance et c’est dans cette perspective que je voudrais m’inscrire, sachant que la mission de l’éditeur consiste d’abord – comme on a trop tendance à l’oublier aujourd’hui – à prendre le risque de la découverte et de la persévérance.

Puissance et tremblé du poème (1)

, le Samedi, 07 Mai 2011. , dans Les Dossiers, Etudes, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED

Rilke : La première page des "Elégies de Duino"

Qui, si je criais, m’entendrait depuis les hiérarchies

des Anges ? Et quand bien même l’un d’eux soudain

me prendrait sur son cœur : je mourrais

du fait de sa trop forte présence. Car le beau n’est

que le commencement du terrible ; à peine nous le supportons-nous

et nous ne l’admirons tant que parce qu’il néglige

de nous détruire. Tout ange est effroyable.

Je me contiens et je refoule le cri d’appel

d’un obscur sanglot.

Entretien avec Pierre Pachet (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 01 Mai 2011. , dans Les Dossiers, Les Ecrivains, Entretiens, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED, Documents

Entretien mené par Léon-Marc Levy, après la sortie de "Sans Amour" (Denoël)

LML : Vous êtes hanté par le temps, sa fuite irrémédiable. Votre œuvre et votre dernier livre Sans amour en témoignent. Mais souvent vous mesurez le temps, et sa fuite, à l’occasion de grandes douleurs. La mort du père, de la mère, de l’épouse… La scansion du temps est-elle obligatoirement rythmée par les malheurs d’une vie ?


PP : Sans doute, le temps d’une vie, les vies de ceux que j’ai connus, aimés ou simplement approchés, et auxquels j’ai survécu (car c’est cela, être âgé : survivre à ses proches), ce temps compte, il se compte, en années. Mais je ne crois pas en être « hanté ». Je constate simplement. Je suis beaucoup plus sensible au temps intime, celui qui au contraire ne fuit pas, mais stagne : le temps de la solitude, de l’ennui, de l’attente (dans la salle d’attente d’un médecin), du « rien à faire aujourd’hui », ce temps qui pèse autant sur les enfants et  adolescents que sur les vieillards. Ce temps sans repères, qu’il faut parcourir de minute en minute et qui requiert de nous invention, projets, retours sur soi, capacité à se faire exister soi-même par le recours à la « vie intérieure ». Les personnages de Sans amour ont, ou ont tous eu, à faire face à ce temps-là.