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A chacun son rythme, Petite philosophie du tempo à soi, Aliocha Wald Lasowski (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Lundi, 22 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Le Pommier éditions

A chacun son rythme, Petite philosophie du tempo à soi, Aliocha Wald Lasowski, éditions Le Pommier, avril 2023, 237 pages, 20 € Edition: Le Pommier éditions

Face à l’impératif catégorique des algorithmes et des cadences infernales de la société moderne, créer son propre rythme, son « allorythme », pour reprendre les mots d’Aliocha Wald Lasowski est aujourd’hui plus que nécessaire : c’est vital. Oui, l’individu doit mettre en place des contre-rythmes, pour résister au sentiment d’absurdité si bien décrit par Albert Camus.

Cet essai prolixe et original met en évidence la place du rythme dans nos vies, qui va de notre rapport aux autres, à la nature et même à l’univers. Il mêle à la fois des théories philosophiques, scientifiques, économiques, artistiques, musicales, le tout avec poésie. Le rhuthmos au sens platonicien permet de penser la place de l’être humain dans le cosmos. Le rythme n’est pas anodin, il est question de notre rapport au monde et de l’harmonie que l’on cocrée avec la symphonie du monde. Dans le rythme, nous avons à la fois de la poésie et de la philosophie, une façon de réfléchir et sentir notre « logos poétique ». Le poète lyrique, Archiloque, emploie le mot rythme (rythmos) pour le relier à la recherche d’un équilibre moral et physique.

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 19 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman, Actes Sud

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski, Actes Sud, 2016, trad. polonais, Margot Carlier, 448 pages, 23,80 € Edition: Actes Sud

 

Cet imposant roman de Myśliwski constitue une invite à un foisonnant vagabondage mémoriel. Ecrit à la première personne par un narrateur qui se livre, et ce faisant, potentiellement, se délivre, il conduit le lecteur à décomposer et recomposer le cheminement d’une vie, dans sa plus stricte intimité, par le recoupement d’une série d’épisodes se succédant, se chevauchant parfois, d’une manière absolument décousue, ce qui apparaît comme pouvant métaphoriquement évoquer la période durant laquelle le personnage, alors jeune apprenti tailleur, a pour tâche unique, répétitive, de découdre des vêtements apportés par les clients dans la perspective qu’en soient réutilisées les pièces pour la création d’un nouvel habit.

« Même les gens m’apparaissaient comme à travers leurs coutures, et plus j’observais quelqu’un, plus je ne retenais de lui que ses coutures. En apparence, la personne semblait entière, mais à regarder de plus près, elle se révélait rapiécée avec des morceaux, des bouts, des fragments divers… ».

L’Ambition, Les trafiquants d’éternité, Amélie de Bourbon Parme (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 18 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

L’Ambition, Les trafiquants d’éternité, Amélie de Bourbon Parme, Gallimard, juin 2023, 512 pages, 23 € Edition: Gallimard

 

« Je n’ai renoncé à rien. Ni au pouvoir ni à la richesse ni au savoir, ni à la beauté. Ni à l’amour, ni à ma charge. J’ai laissé à d’autres le soin d’être irréprochables et la folie des regrets » (Novembre 1549).

« Chaque semaine, Laurent payant sa pension au philosophe. En échange, Laurent recevait de lui un manuscrit rare. Voyant ce troc s’effectuer sous ses yeux, Alessandro était convaincu d’assister au véritable marchandage qui faisait le succès des Médicis : celui de la pensée contre l’argent, des idées contre le pouvoir, de la connaissance contre l’autorité » (Fin de l’hiver 1486-1487).

L’Ambition est celle d’Alessandro Farnese, une ambition chevillée au corps et à l’âme, il deviendra cardinal, puis Paul III, le 220e Pape de l’Histoire de la Chrétienté. Mais ne brûlons pas les étapes, donnons le Temps au roman d’Amélie de Bourbon Parme, pour qu’il se déploie, et il se déploie avec force, finesse et justesse.

Robinson Crusoé, Daniel Defoe (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 17 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Le Livre de Poche, En Vitrine, Cette semaine

Robinson Crusoé, Daniel Defoe, Le Livre de Poche, trad. Petrus Borel, 370 pages, 5,20 € . Ecrivain(s): Daniel Defoe Edition: Le Livre de Poche

Moi, pauvre misérable Robinson Crusoé, après avoir fait naufrage au large durant une horrible tempête, tout l’équipage étant noyé, moi-même étant à demi mort, j’aborde à cette île infortunée, que je nommai l’Ile du désespoir ;

 

Il est parfois des héros romanesques ou poétiques qui s’évadent du seul territoire de la littérature pour entrer de plain-pied dans l’imaginaire collectif, devenant ainsi mythème, élément d’élaboration d’une mythologie d’une partie du monde. Emma Bovary, Jean Valjean, Hamlet, Tristan et Yseut, pour n’en citer que quelques-uns. Robinson Crusoé en fait évidemment partie, d’une façon particulièrement éclatante : il est même entré dans les vocabulaires occidentaux. Un robinson, une robinsonnade, robinsonner dit-on pour désigner ce qui a trait à la solitude dans la nature, l’ermitage absolu. C’est dire bien sûr à quel point Robinson est un héros fabuleux mais c’est dire aussi à quel point il est réduit à une seule dimension, le naufrage-la solitude-la survie, qui est loin d’être ni la seule, ni la plus importante.

Ma Voix silence, Elisabeth Granjon (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 17 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Ma Voix silence, Elisabeth Granjon, éditions La Rumeur libre, 2021, 88 pages, 10 €

 

Réalise-t-on toujours l’importance du langage comme vecteur d’intégration à une communauté humaine ? Selon le sociologue Pierre Bourdieu, les échanges langagiers ne reposent pas sur « un simple partage ». En effet, des jeux de pouvoir et de domination sont à l’œuvre entre les interlocuteurs. Ainsi, il en découle que celui ou celle qui ne maîtrise pas la langue d’un pays où il vient d’arriver se retrouve exclu du tissu social et privé de tout lien égalitaire avec ses semblables.

Dans le recueil, Ma Voix silence, postfacé par Patrice Vandamme, Elisabeth Granjon réussit la prouesse de se glisser dans la peau d’une femme qui se trouverait dans cette situation. « Je suis l’autre », dit-elle. « Leur étrangère. L’autre / Seulement l’autre / Étrange / Étrangère ».