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La Une Livres

Le trou de ver, Patrick Devaux (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 19 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Le Coudrier

Le trou de ver, Patrick Devaux, Éditions Le Coudrier, février 2023, 76 pages, 16 € Edition: Le Coudrier

 

Comme le souligne le préfacier de ce recueil, le « trou de ver » de Patrick Devaux se fait « puits de vers » – des vers courts dont le dessin d’ensemble, homogène, forme ici une ligne verticale, à l’image d’une chute que nous entamerions en tant que lecteur, avec l’auteur, pour tenter d’arriver « de l’autre côté des choses », de « l’autre côté des phrases ».

Quelle en serait la finalité ? Il s’agirait peut-être d’échapper à cet espace circonscrit, représenté par une simple route, où l’on se laisse surprendre par les deux phares d’une voiture – se confondant étrangement avec les « yeux jaunes » de la louve –, et d’un lac qui reste calme sous la lune. N’est-ce pas ici le lieu des angoisses ? Et une fois de plus, les mots/l’écrit ne sont-ils pas les meilleurs supports pour nous aider dans cet espace-temps où nous nous trouvons ? « un trou de ver / dans la nuit / ta main blanche le traverse / tu me tends / le poème ultime » (p.11) ; « j’ai tant écrit après / avoir si peu su dire » (p.40).

La Nuit des fous, Anouk Shutterberg (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 18 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

La Nuit des fous, Anouk Shutterberg, Récamier éditions, Coll. Noir, novembre 2023, 368 pages, 20 €

 

Lors d’un chantier mené à Dôle dans le Jura pour construire de nouveaux logements non loin de l’hôpital psychiatrique, cinq squelettes sont découverts en creusant la terre. Ces squelettes ont été placés dans des caisses en bois formant des parallélépipèdes parfaits et ont été disposés d’une manière étrange puisqu’ils ont été rigidifiés avec du fil de fer : « Devant eux, en contrebas, dans la terre remuée, ils distinguent une boîte carrée façonnée en bois. À première vue, un parallélépipède. Il a glissé sur le bas-côté, malencontreusement éventré par le bulldozer. Juste à côté, encore partiellement ensevelis, d’autres coffres. Difficile d’en déterminer leur nombre. Trois, quatre, cinq ? Dans la lumière voilée de cette fin de journée printanière, la caisse de bois, crevée, laisse échapper une découverte macabre. Quelques cheveux recouvrent un pas humain ».

Chien sauvage, Pekka Juntti (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 18 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman, Gallmeister

Chien sauvage, Pekka Juntti, éd. Gallmeister, septembre 2023, trad. finnois, Johanna Kuningas, 464 pages, 25,40 € Edition: Gallmeister

 

Ce premier roman d’un journaliste finlandais impliqué dans la cause environnementale raconte une belle aventure humaine : celle de Samuel, jeune homme âgé de dix-neuf ans, qui part vers le Grand Nord, la Laponie, pour vivre son rêve, devenir meneur de chiens de traîneau. Arrivé dans l’élevage tenu par Matti et Sanna, il est confronté à la réalité la plus crue, celle du nettoyage des cages, de la mise à mort d’un chien incapable de survivre dans ces terres sauvages, mais aussi celle des visiteurs à qui il faut sourire et parler – mais le plaisir des chiens l’emporte. L’aventure se concrétise lorsque Trond, un autre musher, perd deux chiens qui s’ensauvagent aussitôt, Nanok et Inuk. Pour Samuel, qui désire avant toute chose échapper au sort familial, celui de la mine, c’est l’envol vers son rêve : après avoir capturé Inuk, retrouver Nanok en respectant la forêt, les us des éleveurs de rennes, bref être l’égal des personnages du roman Baldy de Nome, signé Esther Birdsall Darling, qui l’a envoûté enfant.

Sa seule épouse, Peace Adzo Medie (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 15 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Afrique, Roman, Editions de l'Aube

Sa seule épouse, Peace Adzo Medie, Éditions de l’Aube, août 2023, trad. anglais (Ghana), Benoîte Dauvergne, 296 pages, 22 € Edition: Editions de l'Aube

 

Afi et Elikem sont mariés par leurs deux familles aux toutes premières pages du roman… en l’absence d’Elikem (le marié). Les jeunes époux ne se verront qu’à la page 78 ; et leur tout premier baiser (réciproquement vrai et sensuel) n’aura lieu qu’à la page 127 (sur 296 pages donc). Entre ces différentes étapes, pour le dire ainsi, il s’écoule à peu près trois mois. Et pourtant, malgré ce commencement tout à fait inhabituel et même insolite, c’est d’un conte de fées prenant et passionnant qu’il s’agit ici pour le lecteur.

« Eli arriva à treize heures trente-six. Si je m’en souviens avec autant de précision, c’est que mes yeux étaient fixés sur l’horloge de mon portable lorsque la sonnette retentit. Je sursautai et laissai tomber l’appareil ; je n’avais pas entendu l’ascenseur s’arrêter ni s’ouvrir à notre étage. Ma mère sortit précipitamment de la salle de bains et articula “Vas-y !” tout en pointant la porte du doigt. J’hésitai, tenant bêtement à récupérer mon portable sous la chaise avant d’aller ouvrir. (…) Je me levai et lissai ma robe sur mes hanches. Mes aisselles étaient humides ».

Le voyage empêché, Tassadit Imache (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 15 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Le voyage empêché, Tassadit Imache, éditions Hors d’atteinte, octobre 2023, 135 pages, 15 €

 

Perambulation

« Écrivaine discrète et pudique, Tassadit Imache ne cesse depuis plus de vingt-cinq ans d’interroger ce qu’il y a d’humaniste dans sa double appartenance. Née dans le conflit, d’une mère française et d’un père algérien, en pleine guerre d’indépendance, elle porte ces traces dans sa chair et naturellement dans ses romans » (Arezki Metref, Le Soir d’Algérie, 2010).

Tassadit Imache, née en 1958 à Argenteuil, a choisi pour son huitième roman un titre ambivalent, Le voyage empêché. Il s’agit en l’occurrence d’un déplacement limité dans l’espace environnant, un voyage désiré par une personne en retrait mais retenue par un mystérieux obstacle, suivi d’un retour à la nature à la manière de Thoreau. Ce qui fait écrire à l’autrice : « Tous ceux qui prétendaient franchir l’horizon sont assignés à quai par les lois des hommes ». Apophtegme toujours d’actualité. Tassadit Imache est travaillée sans cesse, en filigrane, par un retour vers l’Algérie, Tizi-Ouzou, la capitale du Djurdjura, le « Col des genêts ».