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Soleil blanc, Sabine du Faÿ (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 16 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Jeunesse

Soleil blanc, Sabine du Faÿ, Oskar Éditeur – Février 2024, 136 pages – 12,95 €

 

D’emblée, ce roman destiné aux adolescents affirme un caractère politique : la dédicace faite à « Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, juges antimafia assassinés » interpelle le regard, mais il est tout aussi important de souligner qu’à cette dédicace s’ajoute celle « à tous les enfants ».

Le sujet dont s’empare Sabine du Faÿ est parmi les plus délicats à aborder quand il s’agit de s’adresser à la jeunesse : la dépendance lancinante, avant qu’elle ne puisse devenir dévorante, à la drogue – le cannabis, quant au roman qui nous intéresse. Comment éviter, en effet, le piège du manichéisme ? Mais comme il s’agit d’une fiction, la différence se fera avec son personnage principal, Guillaume.

Dès les premiers chapitres, le talent de Sabine du Faÿ émerge à travers la dimension poétique qu’elle donne aux moindres éléments du quotidien. Qu’il s’agisse d’une atmosphère matinale ou d’un après-midi d’été brûlant, l’observation portée autour de soi nous fait entrer dans un tableau – une observation reliée directement à la curiosité d’un enfant.

Souches, Myriam Ouellette (par Jacques Desrosiers)

Ecrit par Jacques Desrosiers , le Lundi, 15 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Québec

Souches, Myriam Ouellette, 230 p., 25 € (disponible à la Librairie du Québec à Paris), Edition: Le Cheval d’août

 

Souches raconte l’épreuve qu’a traversée l’auteure atteinte il y a quelques années d’une leucémie aiguë. D’abord, la vaine chimio qui vous dénude le crâne et « vous tue un peu pour vous sauver ». Puis l’obligatoire greffe de cellules souches, dont les chances de prendre sont de cinquante-cinquante et qui demandera deux ans avant que les médecins puissent prononcer leur verdict. Le récit se concentre sur cette attente interminable où la greffée vit en compagnie de sa mort prochaine, avec de nombreuses échappées dans sa généalogie familiale. L’éditeur a beau présenter le livre comme un roman, c’est un récit autobiographique où Myriam Ouellette ne semble pas s’être livrée au jeu de cache-cache de l’autofiction ; si elle a inventé, c’est dans les marges. Elle a rebaptisé certains des nombreux acteurs qui gravitent autour d’elle, notamment son frère, nommé ici Aaron. Il a été un blogueur politique et photographe québécois connu, jusqu’à sa mort en 2022. Aaron est le frère de Myriam dans l’Ancien Testament.

Avec ma tête d’arabe, Aïda Amara (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Recensions, Maghreb, Récits

Avec ma tête d’arabe, Aïda Amara, éd. Hors d’atteinte, 240 p., à paraître le 2 septembre 2025, 21 €

 

Résilience

« À la manière d’un puzzle, j’ai rassemblé l’histoire de mes deux pays pour mieux comprendre qui je suis ». Cette phrase augurale définit (en partie) l’autrice, grâce à une énonciation qui subsume la narration et la situation future de la protagoniste. Le titre du premier roman d’Aïda Amara est déjà significatif : Avec ma tête d’arabe. Aïda Amara, née de parents algériens, est journaliste et réalisatrice. (Voire le podcast Transmissions ainsi que le documentaire Revenir.) Elle anime des ateliers d’écriture et de podcast auprès de jeunes avec les médias Le Bondy Blog et la Zone d’expression prioritaire.

Le récit débute par une sorte d’enquête sous la forme d’un journal de bord qui court sur presque dix années. Il nous apprend que le racisme ordinaire ne l’est pas, que c’est une calamité, en même temps qu’une bêtise crasse.

Prophétesse, Daniel Payot (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 12 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Prophétesse, Daniel Payot, Les Lieux-Dits, coll. Les parallèles croisées, 2025, 134 p., 15 euros.

 

Que la parole philosophique soit prophétique, c'est une évidence puisqu'elle dénoue les tissages du réel, sonde les profondeurs, s'inscrit dans une approche du monde, épistémologique, anthropologique. Quand un philosophe passe en poésie, il sait pertinemment que sa parole a la densité pensante des "traces", "des passages".

Mais à quels prophètes, cette langue s'adresse-t-elle ? A quels "tu", "je", "nous" le poète confie-t-il ses perceptions ? Comment engrange-t-il, poème après poème, les reliefs de sa pensée, signant que l'inaccompli honore le vivant, le projette dans l'action, établit son parcours ?

Le poète philosophe sait que le temps, le regard, le vivre tirent qualité du silence, d'une parole non impérieuse, que le but est de s'insinuer dans "l'immémorable" des traces, des mémoires.

Terre somnambule (Terra Sonâmbula), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue portugaise, Roman, Métailié, En Vitrine, Cette semaine

Terre somnambule (Terra Sonâmbula, 1992), Mia Couto, éditions Métailié, janvier 2025, nouvelle traduction d’Elisabeth Monteiro Rodrigues, 242 pages, 21 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

 

Un enfant et un vieillard marchent, sans but précis, fuyant la guerre civile qui ravage leur pays, le Mozambique

Ce roman de Mia Couto, le premier en date de son œuvre, est une vague submersive, une sorte de tsunami langagier, ici magnifiquement servi par une traduction hors normes, d’une intelligence stupéfiante. La langue de Mia Couto dans Terre somnambule n’est pas seulement l’outil de la narration, loin s’en faut : elle est un personnage à part entière, une matière vivante qui permet de tenir à distance un monde terrifiant, de dire la douleur autrement, et surtout, de résister à l’effacement que l’Histoire semble vouloir imposer aux hommes du Mozambique. En transformant la langue coloniale (le portugais) en un langage poétique, oral, complètement africain, Mia Couto rend possible une forme de renaissance – individuelle, culturelle et collective. On pense à Kateb Yacine qui disait, à propos de la langue française des écrivains algériens, que c’était leur « butin de guerre ».