Identification

La Une Livres

Quemhrf ! (en manège), Christoph Bruneel (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 04 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Quemhrf ! (en manège), Christoph Bruneel, Editions de l’Âne qui butine, Coll. Xylophage, décembre 2023, 290 pages, 22 €

 

Que voilà un remarquable OLNI dans le voyage vertigineux de quoi tout lecteur et toute lectrice ne peuvent éviter de se laisser jubilatoirement emporter, noyer, dès l’embarquement ! Objet Littéraire Non Identifiable, cette nouvelle publication de l’Âne qui butine vaut d’abord par le raffinement de son apparence extérieure, la qualité de son papier, l’esthétisme de ses illustrations (les photographies sont l’œuvre de l’auteur).

Bateau ivre que le naute lance sans boussole apparente, comme à l’errance, dans l’océan tantôt démonté, tantôt trompeusement uniforme, de son imagination débridée, vers des destinations a priori inconnues, aux limites improbables, le texte mêle récit hallucinant, péripéties désorientées soufflées par quelque muse défoncée et ponctuellement lyrique et lubrique, morceaux de pure poésie, et, ici et là, des sommes de pages inattendues que l’auteur présente comme des interludes.

Julien Gracq, Nora, une passion surréaliste, Roger Aïm (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 03 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Julien Gracq, Nora, une passion surréaliste, Roger Aïm, Editions Infimes, janvier 2024, Préface Irène Frain, 90 pages, 12 €

 

« À l’heure de l’apaisement du monde, Nora occupe l’intime de son être. Ancré dans sa timidité, il ne pouvait aimer qu’avec une passion retenue à l’écart de tous, son étoile Bulgare au regard doux, au sourire léger, à la démarche enjouée, née un 29 septembre 1921 à Sofia ».

« N’appartenant qu’à elle-même, volant toujours de ses propres ailes et dans les directions qu’elle assumera toujours de choisir, Nora, femme libre, sans fards, façonne sa liberté et construit, jour après jour, sa vision du bonheur ».

En lisant Julien Gracq, Nora, une passion surréaliste, on ne peut que rappeler que tout exercice d’admiration qui n’est pas porté par celui de la langue, est vain. Roger Aïm est l’un des grands lecteurs de Julien Gracq, fidèle à l’art romanesque et poétique de l’ermite de Saint-Florent-le-Vieil ; et les petits livres qu’il lui a consacrés (1) sont tous ambrés d’une même passion littéraire, nourris d’un exceptionnel savoir savoureux de l’œuvre de Julien Gracq.

Des chemins pleins de départs, Martine Rouhart (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 03 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Des chemins pleins de départs, Martine Rouhart, Toi Édition, janvier 2024, 68 pages, 12 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart

 

Comme le dit Bruno Mabille dans la préface, la poésie de Martine Rouhart a cela d’extraordinaire que « rien n’y pèse, pas même les choses graves ». Et en effet, c’est ce qui donne toute leur force à ses poèmes peuplés d’oiseaux, à ses mots en apparence légers car souvent « ailés », mais seulement en apparence, car ils sont en réalité toujours empreints d’une certaine gravité, même si elle ne se perçoit pas au premier abord. Elle se propage dans l’esprit du lecteur avec délicatesse et douceur, dans des paysages « floutés » par une « eau intranquille ».

Comme chez Philippe Jaccottet, il est question de « labyrinthes ». Et les « chemins pleins de départs » de Martine Rouhart rappellent par leur beauté sobre les « chemins presque effacés » du poète dans L’encre serait de l’ombre. Là où, chez Martine Rouhart, certains souvenirs sont « aussi lointains que le bleu des montagnes », et certains mots sont « déjà perdus », Philippe Jaccottet affirme que « les chemins parlent, ou peu s’en faut, en se perdant ».

Le Triomphe de la nuit + Grain de grenade, Edith Wharton (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 02 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Joelle Losfeld

Le Triomphe de la nuit + Grain de grenade, Edith Wharton, Éditions Joëlle Losfeld, trad. anglais, Florence Lévy-Paoloni, 408 pages (2 volumes) . Ecrivain(s): Edith Wharton Edition: Joelle Losfeld

 

Entre 1902 et 1937, Edith Wharton a écrit plusieurs histoires de fantômes, qui seront réunies dans un volume intitulé Ghosts, paru peu de temps après la mort de la nouvelliste. Ce recueil sera traduit pour la première fois en français grâce aux Éditions Terrain Vague, entre 1989 et 1990, sous la forme de deux volumes qui font l’objet de notre article.

« Ce n’est pas de couloirs sonores ou de portes dissimulées derrière des tentures dont a besoin un fantôme, mais de continuité et de silence » (préface d’Edith Wharton). En cette première moitié du vingtième siècle, les évolutions techniques rendent les gens imaginatifs moins réceptifs à l’apparition de fantômes. Moins réceptifs ? Reste à déterminer de quel genre de fantôme on parle. Car ne s’agirait-il pas plutôt d’une perception propre à un esprit singulier – souvent terre à terre, d’ailleurs ? Ne s’agit-il pas d’une intuition, encore indéterminée, et pourtant obsédante ?

En d’autres lieux, Max Alhau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 02 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

En d’autres lieux, Max Alhau, Voix d’encre, octobre 2023, 72 pages, 11 € . Ecrivain(s): Max Alhau

 

Le poète, dans nombre de ses recueils, consigne un véritable travail de mémoire, que les vocables reconnaissables entre tous nomment, entre traces, empreintes, oubli, mémoire.

La poésie, donc, doit s’inventer « en d’autres lieux » pour sauver ce qui peut l’être. On a perdu des saisons, des visages, des amours ; on a bien du mal à en conserver des traces qui puissent défier le temps ; on est sans cesse à la quête de « ces espaces/ hors de portée », « comme si tu pouvais restituer au passé/ ses effluves, les preuves de son passage ».

Entre « absence et infini », titre de la troisième partie de ce recueil, la poésie d’Alhau s’avère épuisante recherche, comme un chercheur d’or dans un monde de sable. A la conviction que « tout n’est pas perdu », qu’on n’a pas pu tout de même oublier « les visages auréolés d’un rêve », la poésie répond d’une salve d’impératifs adressés au poète lui-même, conseils de vigilance dans un univers qui s’effrite, s’effiloche : « Laisse couler le vent », « Eloigne-toi de la brume », ou encore « rends grâce à des dieux/ dont tu as perdu la trace ».