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La Deuxième Vie, Philippe Sollers (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 24 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

La Deuxième Vie, Philippe Sollers, Gallimard, mars 2024, Postface, Julia Kristeva, 80 pages, 13 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Dans la Deuxième vie, tout est double et se répète indéfiniment. Les éléments négatifs sont éliminés et chaque moment est perçu instantanément pour la deuxième fois. Le caractère le plus inattendu de l’éternité est donc la vivacité. C’est d’un vif mouvement que la mer se mêle au soleil ».

La Deuxième Vie s’offre, car il s’agit d’une offrande, comme le dernier roman de Philippe Sollers, un roman suspendu par la mort physique, par les ténèbres, qui une nouvelle fois ne voient rien de la lumière. Au principe était le roman, et le roman était chez Sollers, le roman était Sollers, et qu’il ne soit plus là physiquement ne change rien à l’histoire (1). La Deuxième Vie est un roman solaire, inspiré et béni des dieux de l’Atlantide, et évidemment du Dieu revenu des ténèbres, comme devrait l’être tout testament, toute dernière et provisoire incursion dans la vie réelle et romanesque, avant que le souffle et la main ne soient suspendus.

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 24 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Grasset, Jeunesse

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager, Grasset Jeunesse 2023, 15,90 € Edition: Grasset

 

Les automates en danger

Bertrand Santini (né en 1968, auteur reconnu pour la jeunesse, notamment pour Yark) signe ici un roman illustré qui a obtenu les Prix Libbylit et Millepages Jeunesse – une parodie des Dents de la mer. À MonsterLand, aux États-Unis, tout est artificiel : décors de plastique, spectacles faussement effrayants et interprètes en ferraille. Le parc d’attraction dépérit un peu dans une atmosphère de fête foraine bon marché. Là, « le vent dispersait des odeurs tièdes de barbe à papa et de pralines grillées. Les lumières du parc s’éteignaient une à une, métamorphosant les manèges en sortes d’immenses squelettes figés dans la nuit ». Les copies de vedettes du cinéma fantastique qui furent jadis célèbres peuplent cette réplique de Disneyland désenchanté, mais n’intéressent plus un public blasé et avide de violence plus crue. Fin d’un rêve américain et constat de notre monde actuel et de sa brutalité. Pourtant, entre les dinosaures et les anciens monstres de films de genre recyclés, l’amitié est bien réelle – une valeur.

La Vie des plantes, Une métaphysique du mélange, Emanuele Coccia (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 23 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Petite bibliothèque Payot

La Vie des plantes, Une métaphysique du mélange, Emanuele Coccia, Rivages Poche/Petite Bibliothèque, novembre 2023, 192 pages, 9,50 € Edition: Petite bibliothèque Payot

 

« Les plantes sont les vrais médiateurs : elles sont les premiers yeux qui se sont posés et ouverts sur le monde, elles sont le regard qui arrive à le percevoir dans toutes ses formes. Le monde est avant tout ce que les plantes ont su en faire. Ce sont elles qui ont fait notre monde, même si le statut de ce faire est bien différent de celui de toute activité des vivants. C’est donc aux plantes que ce livre va poser la question de la nature du monde, son extension, sa consistance. Aussi, la tentative de refonder une cosmologie – la seule forme de philosophie qui puisse être considérée comme légitime – devra commencer par une exploration de la vie végétale ».

Le propos est puissant, emporté voire excessif, mais on désire y adhérer. Emanuele Coccia a amené le lecteur au terme d’un prologue brillant, promettant d’envisager le monde et notre relation à celui-ci au travers du prisme de la plante.

Ozane, Claude Donnay (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 23 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Ozane, Claude Donnay, éditions M.E.O, février 2024, 250 pages, 22 €

 

Lorsqu’on ouvre un livre dont on sait qu’il aborde le thème de la Shoah, il y a toujours cette étrange sensation de glace qui envahit le corps, se répand de la page aux doigts du lecteur, et ne le lâche pas. Des images nous viennent à l’esprit ; des mots aussi ; ceux de Primo Levi notamment, qui résonnent dans le vide avec force et gravité : « Considérez si c’est un homme / Que celui qui peine dans la boue / Qui ne connaît pas de repos / Qui se bat pour un quignon de pain / Qui meurt pour un oui pour un non. / Considérez si c’est une femme / Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux / Et jusqu’à la force de se souvenir / Les yeux vides et le sein froid / Comme une grenouille en hiver… ».

Il est très difficile d’écrire sur ce thème après cela, après ces mots gravés sur les murs du temps. Et Claude Donnay a su le faire, dans le roman Ozane, avec sobriété, humilité, dans une écriture à la fois poétique et dure, avec des mots justes, pour rendre hommage à Eliane Gillet et sa famille, et à tous les autres aussi, pour que l’on n’oublie pas…

Poètes et lettrés oubliés de la Rome ancienne, Pierre Vesperini (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 22 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Anthologie, Histoire, Les Belles Lettres

Poètes et lettrés oubliés de la Rome ancienne, Pierre Vesperini, Les Belles-Lettres, octobre 2023, LXVI+150 pages, 15 € Edition: Les Belles Lettres

 

On connaît, dans Cyrano de Bergerac, ces vers destinés à railler l’Académie française (où, de fait, Edmond Rostand ne fut jamais admis) : « Voici Boudu, Boissat, et Cureau de la Chambre ; // Porchères, Colomby, Bourzeys, Bourdon, Arbaud… // Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau ! ». La perspective est évidemment celle du XIXe siècle, car ces écrivains n’étaient pas obscurs à leur temps. Ils étaient en tout cas suffisamment connus, à tort ou à raison, pour avoir attiré sur eux l’attention des protecteurs de l’Académie. Le reste fut, comme toujours, affaire de servitude ou de liberté d’esprit.

On pourrait tourner des vers analogues avec les noms de Licinius Calvus, Valerius Cato, Julius Calidus, Laevius, Valerius Soranus, ou d’un Salluste qui fut peut-être le futur historien. Même de bons connaisseurs de la littérature latine (il y en a de moins en moins) n’en auront sans doute jamais entendu parler.