Premier jour, Morgane de Cadier (par Yasmina Mahdi)
Premier jour, Morgane de Cadier, éd. Grasset-Jeunesse, 32 p., 2025, 15,50 €
Edition: Grasset
Le premier jour d’un nouveau-né extraordinaire, rose fuchsia, à l’origine inconnue (un extraterrestre ?) a lieu, ici, au sein de la nature. Et c’est dans les bois que ce petit bonhomme va découvrir les arbres, la terre, les herbes, l’eau, le ciel, par chacun de ses sens. Morgane de Cadier (formée au dessin académique à l'École Emile Cohl de Lyon), autrice et illustratrice, signe ce très bel album, sélectionné pour la révélation Livre Jeunesse ADAGP 2025. Ce livre pose le problème du réveil au monde dans un univers inconnu.
L’enfant rose va peu à peu apprendre à marcher, à définir ses sensations jusqu’à se reconnaître dans un miroir aquatique. Il va ensuite rencontrer un mystérieux animal, et « pour la première fois, il a pu plonger son regard dans un autre regard ». Il va donc apprendre qu’il n’est pas seul au monde… Les composantes du paysage sont nommées dans un texte court d’une ou deux phrases, et peintes à la gouache. Des flaques colorées en forme d’éclaboussures représentent les feuillages très denses dont les troncs se détachent distinctement. Cette peinture, de facture impressionniste, donnent l’illusion de la liquidité. Les reflets brouillés de l’eau contrastent avec la structure plus ronde du paysage.
L’être rose fuchsia déambule au milieu d’une déclinaison de verts, vert émeraude, vert printemps, vert foncé, de jaune de Mars, de mauve et de bleus. L’arrivée de la nuit plonge la forêt dans une semi-obscurité violette, parme, noire. La palette de Morgane de Cadier est chatoyante, élaborée telle une partition musicale. La minuscule créature s’ébat joyeusement dans une richesse chromatique somptueuse, entre les prismes de la lumière et la réverbération de l’eau.
Nous plongeons dans ce lieu de paradis, luxuriant, où la faune et la flore évoluent en harmonie. Grande est la beauté de la nature figurée pleine page, où l’on peut y observer des plantes et des bêtes pacifiques. L’enfant monochrome possède un corps simplifié au maximum, ce qui n’empêche ni ses déplacements ni ses expériences. Cet être de fiction ressemble un peu aux personnages psychopompes du film Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. La grande originalité de Premier jour vient justement de la naissance de ce petit bonhomme hors du commun, de l’apparition fantomatique de ce mystérieux personnage rose.
Catégorie : tout public.
Yasmina Mahdi
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