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La Une Livres

Avec ma tête d’arabe, Aïda Amara (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Recensions, Maghreb, Récits

Avec ma tête d’arabe, Aïda Amara, éd. Hors d’atteinte, 240 p., à paraître le 2 septembre 2025, 21 €

 

Résilience

« À la manière d’un puzzle, j’ai rassemblé l’histoire de mes deux pays pour mieux comprendre qui je suis ». Cette phrase augurale définit (en partie) l’autrice, grâce à une énonciation qui subsume la narration et la situation future de la protagoniste. Le titre du premier roman d’Aïda Amara est déjà significatif : Avec ma tête d’arabe. Aïda Amara, née de parents algériens, est journaliste et réalisatrice. (Voire le podcast Transmissions ainsi que le documentaire Revenir.) Elle anime des ateliers d’écriture et de podcast auprès de jeunes avec les médias Le Bondy Blog et la Zone d’expression prioritaire.

Le récit débute par une sorte d’enquête sous la forme d’un journal de bord qui court sur presque dix années. Il nous apprend que le racisme ordinaire ne l’est pas, que c’est une calamité, en même temps qu’une bêtise crasse.

Prophétesse, Daniel Payot (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 12 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Prophétesse, Daniel Payot, Les Lieux-Dits, coll. Les parallèles croisées, 2025, 134 p., 15 euros.

 

Que la parole philosophique soit prophétique, c'est une évidence puisqu'elle dénoue les tissages du réel, sonde les profondeurs, s'inscrit dans une approche du monde, épistémologique, anthropologique. Quand un philosophe passe en poésie, il sait pertinemment que sa parole a la densité pensante des "traces", "des passages".

Mais à quels prophètes, cette langue s'adresse-t-elle ? A quels "tu", "je", "nous" le poète confie-t-il ses perceptions ? Comment engrange-t-il, poème après poème, les reliefs de sa pensée, signant que l'inaccompli honore le vivant, le projette dans l'action, établit son parcours ?

Le poète philosophe sait que le temps, le regard, le vivre tirent qualité du silence, d'une parole non impérieuse, que le but est de s'insinuer dans "l'immémorable" des traces, des mémoires.

Terre somnambule (Terra Sonâmbula), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue portugaise, Roman, Métailié, En Vitrine, Cette semaine

Terre somnambule (Terra Sonâmbula, 1992), Mia Couto, éditions Métailié, janvier 2025, nouvelle traduction d’Elisabeth Monteiro Rodrigues, 242 pages, 21 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

 

Un enfant et un vieillard marchent, sans but précis, fuyant la guerre civile qui ravage leur pays, le Mozambique

Ce roman de Mia Couto, le premier en date de son œuvre, est une vague submersive, une sorte de tsunami langagier, ici magnifiquement servi par une traduction hors normes, d’une intelligence stupéfiante. La langue de Mia Couto dans Terre somnambule n’est pas seulement l’outil de la narration, loin s’en faut : elle est un personnage à part entière, une matière vivante qui permet de tenir à distance un monde terrifiant, de dire la douleur autrement, et surtout, de résister à l’effacement que l’Histoire semble vouloir imposer aux hommes du Mozambique. En transformant la langue coloniale (le portugais) en un langage poétique, oral, complètement africain, Mia Couto rend possible une forme de renaissance – individuelle, culturelle et collective. On pense à Kateb Yacine qui disait, à propos de la langue française des écrivains algériens, que c’était leur « butin de guerre ».

Nous serons tempête, Jesmyn Ward (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 10 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, Belfond

Nous serons tempête, Jesmyn Ward, Traduit de l’anglais par Charles Recoursé, Belfond (21 août 2025), 240 pages, 22 euros Edition: Belfond

 

Les romans mettant en scènes esclaves africains et maîtres blancs dans les grandes plantations coloniales sont innombrables. Celui-ci tranche, rompt avec la tonalité générale des aventures romanesques du genre.

Annis, esclave dite « de maison », donc membre de la domesticité affectée aux travaux quotidiens de cuisine, d’entretien, de service, est la fille naturelle du maître et fruit du viol répété de sa mère elle-même esclave. Cette filiation ne lui confère aucun statut particulier. Elle fait partie des meubles, comme ses consœurs, comme sa mère qui n’a jamais été considérée par le maître autrement que comme pièce de valetaille tout juste bonne à servir ponctuellement d’objet sexuel et à exécuter sans relâche les tâches épuisantes qui lui sont dévolues.

« Ma mère m’a raconté le jour où mon maître l’a violentée. Comment il s’est planté devant elle, seule dans un des couloirs de l’étage, à la porte d’une pièce vide. Comment il l’a poussée dans cette pièce et l’a forcée à s’allonger sur le plancher ».

La Vie des abeilles, Maurice Maeterlinck (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 09 Septembre 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Poésie, Bartillat

La Vie des abeilles, Maurice Maeterlinck, Éditions Bartillat (Omnia Poche) – Septembre 2019 Préface : Michel Brix 256 pages – 12 € Edition: Bartillat

 

Le titre La Vie des abeilles nous laisse voir, a priori, ces insectes comme des personnages à part entière et nous laisse imaginer une véritable destinée. Le titre ne nous aura pas menti, mais une mise en garde est exprimée par son auteur dès les premières lignes : n’attendons pas de combler ici une hypothétique soif de romanesque, l’imagination n’est jamais requise. C’est une observation affûtée, patiente et méthodique, qui a permis à Maurice Maeterlinck – apiculteur chevronné – de donner naissance à ce livre. Il ne s’agit pas plus d’un précis pour devenir soi-même apiculteur. L’intention la plus claire est sans doute formulée en ces termes : « … voici longtemps que j’ai renoncé à chercher en ce monde une merveille plus intéressante et plus belle que la vérité ou du moins que l’effort de l’homme pour la connaître. Ne nous évertuons point à trouver la grandeur de la vie dans les choses incertaines. » (p. 22)