Identification

La Une Livres

Chien sauvage, Pekka Juntti (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 18 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman, Gallmeister

Chien sauvage, Pekka Juntti, éd. Gallmeister, septembre 2023, trad. finnois, Johanna Kuningas, 464 pages, 25,40 € Edition: Gallmeister

 

Ce premier roman d’un journaliste finlandais impliqué dans la cause environnementale raconte une belle aventure humaine : celle de Samuel, jeune homme âgé de dix-neuf ans, qui part vers le Grand Nord, la Laponie, pour vivre son rêve, devenir meneur de chiens de traîneau. Arrivé dans l’élevage tenu par Matti et Sanna, il est confronté à la réalité la plus crue, celle du nettoyage des cages, de la mise à mort d’un chien incapable de survivre dans ces terres sauvages, mais aussi celle des visiteurs à qui il faut sourire et parler – mais le plaisir des chiens l’emporte. L’aventure se concrétise lorsque Trond, un autre musher, perd deux chiens qui s’ensauvagent aussitôt, Nanok et Inuk. Pour Samuel, qui désire avant toute chose échapper au sort familial, celui de la mine, c’est l’envol vers son rêve : après avoir capturé Inuk, retrouver Nanok en respectant la forêt, les us des éleveurs de rennes, bref être l’égal des personnages du roman Baldy de Nome, signé Esther Birdsall Darling, qui l’a envoûté enfant.

Sa seule épouse, Peace Adzo Medie (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 15 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Afrique, Roman, Editions de l'Aube

Sa seule épouse, Peace Adzo Medie, Éditions de l’Aube, août 2023, trad. anglais (Ghana), Benoîte Dauvergne, 296 pages, 22 € Edition: Editions de l'Aube

 

Afi et Elikem sont mariés par leurs deux familles aux toutes premières pages du roman… en l’absence d’Elikem (le marié). Les jeunes époux ne se verront qu’à la page 78 ; et leur tout premier baiser (réciproquement vrai et sensuel) n’aura lieu qu’à la page 127 (sur 296 pages donc). Entre ces différentes étapes, pour le dire ainsi, il s’écoule à peu près trois mois. Et pourtant, malgré ce commencement tout à fait inhabituel et même insolite, c’est d’un conte de fées prenant et passionnant qu’il s’agit ici pour le lecteur.

« Eli arriva à treize heures trente-six. Si je m’en souviens avec autant de précision, c’est que mes yeux étaient fixés sur l’horloge de mon portable lorsque la sonnette retentit. Je sursautai et laissai tomber l’appareil ; je n’avais pas entendu l’ascenseur s’arrêter ni s’ouvrir à notre étage. Ma mère sortit précipitamment de la salle de bains et articula “Vas-y !” tout en pointant la porte du doigt. J’hésitai, tenant bêtement à récupérer mon portable sous la chaise avant d’aller ouvrir. (…) Je me levai et lissai ma robe sur mes hanches. Mes aisselles étaient humides ».

Le voyage empêché, Tassadit Imache (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 15 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Le voyage empêché, Tassadit Imache, éditions Hors d’atteinte, octobre 2023, 135 pages, 15 €

 

Perambulation

« Écrivaine discrète et pudique, Tassadit Imache ne cesse depuis plus de vingt-cinq ans d’interroger ce qu’il y a d’humaniste dans sa double appartenance. Née dans le conflit, d’une mère française et d’un père algérien, en pleine guerre d’indépendance, elle porte ces traces dans sa chair et naturellement dans ses romans » (Arezki Metref, Le Soir d’Algérie, 2010).

Tassadit Imache, née en 1958 à Argenteuil, a choisi pour son huitième roman un titre ambivalent, Le voyage empêché. Il s’agit en l’occurrence d’un déplacement limité dans l’espace environnant, un voyage désiré par une personne en retrait mais retenue par un mystérieux obstacle, suivi d’un retour à la nature à la manière de Thoreau. Ce qui fait écrire à l’autrice : « Tous ceux qui prétendaient franchir l’horizon sont assignés à quai par les lois des hommes ». Apophtegme toujours d’actualité. Tassadit Imache est travaillée sans cesse, en filigrane, par un retour vers l’Algérie, Tizi-Ouzou, la capitale du Djurdjura, le « Col des genêts ».

C’était demain (dystopie), Pierre Chazal (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 14 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions

C’était demain (dystopie), Pierre Chazal, Kubik Editions, octobre 2023, 318 pages, 18 €

 

Nous sommes en 2122.

Henri Lafleur, un septuagénaire qui a passé soixante-sept ans dans le centre de quarantaine QD-RB-WE-L06 où ses parents, pour s’être montrés rebelles au nouvel ordre mondial, ont été internés peu après sa naissance, est soudainement gracié et libéré par Steve, son « référent », et assigné à résidence surveillée mais confortable à Mare del Sol, une cité balnéaire agréable de « l’ancien Nouveau-Mexique ».

Etiqueté Querdenker officiellement « réhabilité », Lafleur fait la connaissance de Nadia, jeune femme en apparence « normale », c’est-à-dire « normalisée » en ce contexte où tous les comportements, les discours et les pensées doivent être conformes à un protocole écologique unique ayant pour pseudo finalité d’imposer un bonheur universel qui apparaît vite au lecteur, à mesure que les détails s’en esquissent puis s’en précisent, par le biais du regard neuf du personnage et de ses interactions avec les autres protagonistes, comme probablement tout autant insupportablement impitoyable que celui qui est institué par Ira Levin dans Un bonheur insoutenable.

Le Matin des Pierres, Guillaume Dreidemie (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 13 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Le Matin des Pierres, Guillaume Dreidemie, Editions La Rumeur Libre, mars 2023, 80 pages, 14 €

 

Le Matin des Pierres, voilà un titre qui interpelle et plonge immédiatement le lecteur dans une atmosphère à la fois puissante et mystérieuse, l’acheminant vers un lieu imaginaire situé hors référentiel qui réunirait la grâce éphémère des matins et l’intemporalité des pierres.

Le poète, dans sa quête spirituelle, aspire ici à retrouver la pureté, la spontanéité, la sincérité de l’enfance perdue :

« Nous devrions poursuivre ce geste enfantin / Patientant les sources / Pour rafraîchir les mains / Oubliant de boire / Pour tendre la main ».

Il s’agit d’apprendre continuellement l’Amour, de le réinventer en somme, comme le suggérait Arthur Rimbaud, de deviner « ce qu’aimer veut dire », ce sens du mot que nous égarons dans les méandres du quotidien, « dans l’habitude de vivre ».