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Journal d’une ménagère folle, Sue Kaufman (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 26 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Gallimard

Journal d’une ménagère folle, Sue Kaufman, Gallimard, Coll. L’Imaginaire, octobre 2023, trad. anglais (États-Unis), Pauline Verdun, 360 pages, 14 € Edition: Gallimard

 

« J’ai raconté tout ça comme d’habitude pour ce que ça vaut. Et ça m’a soulagée comme d’habitude de l’avoir raconté. Je suis plus calme que je ne l’ai été depuis douze jours. À présent, il est temps d’aller voir le docteur Kupferman ». Ainsi se conclut l’entrée du mercredi 31 janvier (qui serait de l’année 1968, dans un roman écrit et publié en 1967) de ce Journal d’une ménagère folle – depuis douze jours, elle est en retard pour ses règles et le docteur Kupferman est un gynécologue. De qui craint-elle d’être enceinte ? De son amant, un dramaturge new-yorkais en vue rencontré durant une réception à laquelle elle assistait avec son mari, Jonathan, qui résume peut-être le mieux la « folie » de Bettina Munvies Balser, lui qui est allé consulter le même psychanalyste qu’elle, Popkin : « Tu as des problèmes, d’accord, mais Popkin dit que ce sont les problèmes de toutes les femmes de la classe moyenne qui attendent monts et merveilles de la vie qu’on leur a fait miroiter, et qui se sentent ensuite déçues et frustrées par la réalité ».

Vivre, Le compte à rebours, Boualem Sansal (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 26 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard, Japon

Vivre, Le compte à rebours, Boualem Sansal, Gallimard, janvier 2024, 234 pages, 19 € . Ecrivain(s): Boualem Sansal Edition: Gallimard

 

On compare souvent Boualem Sansal à Voltaire, en se croyant obligé de préciser parfois : « le Voltaire algérien ». La comparaison n’est pas outrée, à la fois en raison de son style brillant, alerte, incisif, et de sa critique frontale de toutes les religions, islam compris (islam surtout), mais ce serait un Voltaire sans le mépris, la haine, les courbettes et les grimaces.

Comparer un écrivain à ses devanciers, surtout lorsque ceux-ci sont de tout premier ordre, n’est pas l’amoindrir. On ne peut évaluer un auteur que par rapport à ce champ de l’activité humaine qu’on nomme la littérature et qui constitue peut-être une des spécificités de notre espèce (même si de nombreux animaux communiquent entre eux de manière plus ou moins complexe, il ne semble pas qu’ils inventent des histoires : aucune abeille n’a jamais dansé pour signaler un champ de fleurs qui n’existerait pas).

Parachever un génocide, Mustafa Kemal et l’élimination des rescapés arméniens et grecs (1918-1922), Raymond Kévorkian (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 25 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Histoire, Odile Jacob

Parachever un génocide, Mustafa Kemal et l’élimination des rescapés arméniens et grecs (1918-1922), Raymond Kévorkian, Ed. Odile Jacob, août 2023, 412 pages, 30 € Edition: Odile Jacob

Raymond Kévorkian, historien, propose ici de montrer, scientifiquement, que la Turquie « moderne », celle de Mustafa Kemal, s’inscrit dans le droit fil de la Turquie du CUP (Comité Union et Progrès), au sein duquel les Jeunes Turcs nationalistes mirent en œuvre le génocide des Arméniens en 1915. Mustafa Kemal est très souvent présenté comme « un héros progressiste et laïque et le père de la Turquie moderne ».

C’est en se fondant sur une documentation très détaillée que Raymond Kévorkian nous permet de répondre aux deux questions concernant la région :

– « La République turque s’est elle fondée sur le génocide perpétré durant et après la première guerre mondiale ?

– La Turquie contemporaine porte-t-elle encore et toujours les stigmates de ces violences extrêmes ? ».

Stupeur, Zeruya Shalev (2e partie) (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 21 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard, Israël

Stupeur, Zeruya Shalev, Gallimard, juin 2023, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 364 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Zeruya Shalev Edition: Gallimard

 

II.

Une allégorie de la culpabilité

La malédiction qui hante le roman s’illustre par des allusions récurrentes au rite du bouc expiatoire, l’animal chargé des iniquités du peuple d’Israël poussé dans le vide du haut du mont Azazel le jour du Grand Pardon. Ce leitmotiv met l’accent sur le malheur des personnages, tous condamnés à battre leur coulpe : Rachel se revoit dans sa jeunesse avec Mano « tels les deux boucs propitiatoires », et compare sa chute dans un précipice à celle de l’animal sacrifié. Ses frères d’armes lui semblent avoir « servi de bouc émissaire, à l’instar du bouc chargé des péchés d’Israël qu’on envoyait du temple dans le désert le jour du Kippour ». Atara s’attribue la faute de l’enrôlement de son fils dans une brigade d’élite : « de tes propres mains, tu l’avais poussé du haut du précipice qui s’ouvrait au pied de l’antique ». La faute originelle, c’est celle de Mano qui s’est considéré l’assassin d’une jeune fille morte par hasard (« quel démon avait bien pu le saisir pour qu’il endosse une telle responsabilité ? »).

Nuit Sauvage et Ardente, Parme Ceriset (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 21 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Editions du Cygne

Nuit Sauvage et Ardente, Parme Ceriset, Editions du Cygne, janvier 2024, 100 pages, 10 € . Ecrivain(s): Parme Ceriset Edition: Editions du Cygne

 

Une femme qui marche, qui court, qui vole, solitaire, qui va droit devant, dans la nuit, dans le vent, dans les champs, dans la brume, dans l’eau des ruisseaux, dans les rues « où fourmillaient jadis le sens de la fête, la joie scintillante en pépites, la liberté des êtres », qui va, indomptée, sous des pluies de lave et de cendre, dans le flou du présent dans lequel elle est en mouvement et dans le trouble tumulte des souvenirs douloureux d’un passé tout récent, dans l’espace et dans le temps d’un décor torturé, chaotique, et dans l’atmosphère lourde, apocalyptique, de la fin d’un monde dévasté par les guerres.

Tel semble être le courant narratif de près des cent compositions poétiques constituant ce recueil.

Poésie fluide, libre, comme celle qui va, sans entrave, toutes chaînes rompues, qui traverse.

Qui fuit.