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Les Livres

Le terrain vague (en mémoire d'Île), Michel Lamart (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 09 Octobre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le terrain vague (en mémoire d'Île), Michel Lamart - préface de Daniel Leuwers - éditions Unicité, 3eme trimestre 2025, 134 pages, 14 €

L'histoire déroulée dans ce livre (le fil d'événements qu'on y suit) est si sobre et complète qu'on essaiera de n'en presque rien dire ici : elle mérite d'être découverte de bout en bout en ouvrant le volume. Une jeune Claire, qui n'a jamais connu son père, soutient maladroitement sa mère alcoolique, et ne fréquente volontiers que son propre chien Caillou, rencontre dans un "terrain vague" proche un errant, cultivé et amnésique, qui l'aidera (de loin, et avec pudeur) à mieux comprendre ses choix (de travail et de relations), comme à accepter autrement sa vie. L'intrigue vient bien, se déploie à plusieurs voix mais en une belle unité, révèle la (mystérieuse, à la fois espérée et tragique) clef des situations, pour logiquement finir : l'errant vivait déjà trop peu pour en mourir, mais Claire, à l'inverse, trop intensément pour vivre plus longtemps. L'œuvre, écrite au début des années 2000 (au temps de Loft Story, du 11 septembre, des crises encore normales et pacifiques du capitalisme, du tout-début de l'auto-claustration des banlieues etc.), ne trouve éditeur qu'à présent, plus de vingt ans après. Michel Lamart n'en retouche alors rien, sollicitant seulement l'ajout d'une (excellente) préface de Daniel Leuwers.

Vies arides, Graciliano Ramos (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 08 Octobre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, En Vitrine, Cette semaine

Vies arides, Graciliano Ramos (Vidas Secas, 1938), traduit du portugais (Brésil) par Mathieu Dosse, Chandeigne & Lima, 2025. 163 p.

 

Ce livre est sec comme une trique, comme un buisson desséché du Sertão. Rarement écriture n’a atteint un tel degré d’économie, une épure aussi proche de l’étisie, à l’image du territoire et des personnages qu’elle raconte. L’adjectif est rare, la fioriture absente, seule s’élève une voix simple, rauque, ravagée par la chaleur et la sécheresse. Un joyau noirci par un soleil létal. Un chant omineux sans consolation.

Étrangement, ce roman âpre fait penser à Essénine et sa Ravine, ode au désert glacial où vivent des malheureux paysans russes de la Taïga. On retrouve, dans la chaleur étouffante du Nordeste brésilien, la même Nature impitoyable qui frappe les hommes, les fait ployer, les écrase. On pense aussi, bien sûr, au chef-d’œuvre d’Euclides da Cunha, Hautes Terres, au prodigieux roman de João Guimarães Rosa, Diadorim et au magnifique Le Llano en flammes de Juan Rulfo.

Le château des insensés, Paola Pigani (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 07 Octobre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Liana Levi

Le château des insensés, Paola Pagani, éd Liana Levi 286 pp. 21 € Edition: Editions Liana Levi

Psychiatrie contre psychiatrie

 

Saint-Alban-sur-Limagnole. 1940/1944.

La Margeride.

Voit-on ce plateau cogné d’air et de nuées et les blocs de cailloux ronds qui ressemblent à des têtes qui auraient roulé d’en haut des monts pour se caler contre une souche ou contre rien ? Contre-poids aux vents secs et glacés qui roulent aussi, contre les joues des femmes et des hommes, s’il en reste.

Voit-on cela ?

Voit-d’où l’on parle ? De qui ?

Quel livre ? Le château des insensés de Paola Pigani, chez Liana Levi, publié en mars 2024.

C’est de ce livre dont on parle, de ces insensés en question, les malades, c’est-à-dire à demi nous, aux trois-quarts nous, bref, nous !

Ma Poussière est l’or du temps, Lucien X. Polastron (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 07 Octobre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ma Poussière est l’or du temps, Lucien X. Polastron, Autobiographie de La Bibliothèque recueillie et mise en état par Lucien X. Polastron, usager, Paris, Les Belles Lettres, 2024, 192 pages, 23, 50 €.

À une époque où la rhétorique ne se réduisait pas seulement à une demi-douzaine de figures de style ânonnées laborieusement dans l’enseignement secondaire pour donner l’illusion de la technicité au milieu d’une immonde bouillie syntaxique, on appelait cela une prosopopée (« La prosopopée […] consiste à mettre en quelque sorte en scène, les absents, les morts, les êtres surnaturels, ou même les êtres inanimés ; à les faire agir, parler, répondre, ainsi qu'on l'entend », écrivait Fontanier). La prosopopée des lois dans le Criton de Platon et celle de Fabricius chez Rousseau en sont des exemples canoniques.

Dans une prosopopée vertigineuse, Lucien X. Polastron imagine de faire parler LA Bibliothèque ; pas UNE bibliothèque, si vénérable, prestigieuse et étendue soit-elle (la Mazarine, l’Inguimbertine, la Bibliothèque du Congrès, la British Library, …). Où naquit et grandit la première bibliothèque de l’Histoire ? Nul ne le sait. On peut supposer que ce fut dans ce que les historiens appellent le « croissant fertile ». Pierre, argile, papyrus, os, papier, … : de nombreux matériaux furent utilisés par les hommes pour transmettre des mots et des pensées qui, aujourd’hui encore, n’étaient pas toujours dignes de l’être.

Finistère, Anne Berest (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 06 Octobre 2025. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Finistère, Anne Berest, Albin Michel 2025, 432 p. 23,90 € Edition: Albin Michel

 

On se souvient du roman très remarqué d'Anne Berest La carte postale qui retraçait l'histoire de sa famille maternelle déportée dans les camps de concentration. Avec Finistère, l’écrivaine signe un très beau roman également :  Un livre très attachant sur sa famille paternelle bretonne où se mêlent la description de paysages à la beauté sauvage et accidentée du Finistère et la biographie de son père Pierre Berest, célèbre physicien, et dont elle vient d'apprendre la grave maladie.

L’histoire commence avec le grand-père de son père Eugène et raconte l’ascension sociale d’une famille bretonne mais également les idéaux de jeunesse paternels qui font de ce personnage un être complexe et attendrissant.

La richesse et l’originalité de de cette biographie proviennent de ces allers-retours incessants entre le passé de ce père mystérieux et révolutionnaire et la maladie présente de ce père désormais affaibli :