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Les Livres

Le Chant du prophète, Paul Lynch (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Février 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Albin Michel, En Vitrine, Cette semaine

Le Chant du prophète, Paul Lynch, Albin Michel, janvier 2025, trad. anglais (Irlande), Marina Boraso, 293 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Paul Lynch Edition: Albin Michel

 

Souvent – à la suite d’une métaphore brechtienne – les pouvoirs totalitaires sont comparés à une bête immonde. Ce roman de Paul Lynch prend à la lettre cette incarnation et, dans une dystopie terrifiante, la Bête s’introduit, rampe, progresse, envahit, étouffe. Nulle considération idéologique, nulle référence historique, nulle analyse des processus de l’installation du totalitarisme. Paul Lynch laisse visiblement cela aux experts, politologues ou historiens. Seule l’intéresse la tête d’une femme, espace intérieur dans lequel l’ordre nouveau va balayer l’ancien, construire ses règles, inventer ses syntagmes, sans scrupules, sans le moindre égard pour ceux qui vont subir. La tête d’Eilish Stack devient le théâtre horrifique de l’événement qui frappe l’Irlande, du coup d’Etat qui prend ses citoyens en otages et les écrase lentement, comme un serpent constrictor dans ses nœuds.

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois (par Jeanne Ferron-Veillard)

, le Mercredi, 19 Février 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Vivre ?

Lis Son odeur après la pluie, de Cédric Sapin-Defour, paru aux éditions Stock en 2023. Ajoute-le à ta quête et assieds-toi pour Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. Il faut savoir s’assoir pour vivre. Il faut du lien pour tenir. Pour Dubois, ça passe aussi par la présence d’un chien. Sa figure sur la tienne. Et la mélancolie comme collier. Il faut et il ne faut pas. Entre terre et Canada, une ville aussi, Toulouse, Dubois joue avec ton nerf optique. Tes nerfs. Et toujours cette urgence entre les mots, pas pour les faire avancer plus vite, ou que l’histoire s’emballe ou tout autre effet pour te maintenir sous pression, non, rien de tout cela chez Dubois.

Dubois est là, il est honnête, sincère et élégant. Il ne s’écoute pas écrire. Le lien. Le cordon. L’espace entre les êtres. C’est cela qu’il fixe pour toi. Le reste, c’est du maquillage et ça coule toujours sous la pluie. Ce n’est qu’une question de temps.

Philosophie féline, Les Chats et le sens de l’existence, John Gray (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Février 2025. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, USA, Rivages poche

Philosophie féline, Les Chats et le sens de l’existence, John Gray, Rivages Poche Petite Bibliothèque, mai 2024, trad. anglais USA, Fanny Quément, 128 pages, 8,80 € Edition: Rivages poche

« Les chats sont heureux en étant eux-mêmes, tandis que les humains essaient d’être heureux en s’échappant d’eux-mêmes ». À partir de ce simple constat, John Gray propose un bref essai non dénué d’humour et de légèreté qu’on pourrait qualifier de traité d’anti-philosophie. En effet, quatre des cinq chapitres de Philosophie féline, à partir d’une observation relative au chat, sa façon d’être au monde, se transforment en critiques plutôt fines des courants centraux de la pensée occidentale, quelques rares penseurs (dont Montaigne et Spinoza) semblant trouver grâce aux yeux de Gray. Ainsi, dans le chapitre intitulé Pourquoi les chats n’ont aucun mal à être heureux, dont est extraite la phrase ci-dessus, l’auteur évoque la façon dont les philosophes ont traité du bonheur, montrant la limite effective de leur réflexion, celle de Marc Aurèle par exemple :

« Pour Marc Aurèle, la raison requiert une abdication volontaire de la volonté. Il en résulte une funèbre célébration de l’endurance et de la résignation. Le philosophe-empereur rêverait d’être une statue figée dans le silence d’un mausolée romain. Mais la vie le ramène à la réalité, l’obligeant à reprendre tout le tissage de son voile philosophique ».

Bénie soit ma langue, Journal intime, Gabriela Mistral (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 18 Février 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Amérique Latine, Poésie

Bénie soit ma langue, Journal intime, Gabriela Mistral, éditons des femmes-Antoinette Fouque, octobre 2024, trad. espagnol (Chili), Anne Picard, 270 pages, 23 €

Rencontre

Avec ce livre que publient les éditions des femmes-Antoinette Fouque, je me suis trouvé dans la position amie d’une rencontre, lecture provoquant une amitié littéraire immédiate et forte à propos, et d’une grande densité. Je dis ami avec toute la force de l’épithète, au sens presque littéral, rencontre de l’Autrui évangélique, découlant d’une connivence tacite avec l’œuvre de ces cahiers qui balaient l’existence de l’autrice de 1905 à 1956. Une fois cette confession faite, il reste à m’expliquer comme à moi-même comment je suis rentré dans ce texte.

Ces 18 cahiers proposent une découverte kaléidoscopique du travail de la poétesse chilienne, Prix Nobel 1945. Avec eux, nous sommes à mi-chemin du journal et de l’autobiographie, ce qui rend saisissants tous les détails d’une vie passée à devenir une poète. La durée, en quelque sorte abolie, décrit le récit d’une vie, d’une vie d’écriture, écriture qui se développe avec et pour la vie, énonce sans fard les aléas d’une femme pauvre ballottée entre les pays, la pauvreté et l’acrimonie de l’intelligentsia chilienne – ce qui fut particulièrement dur pour la sensibilité de Gabriela, victime de rumeurs qui la blessaient.

Sade, l’insurrection permanente, Maurice Nadeau (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 17 Février 2025. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Sade, l’insurrection permanente, suivi de Français, encore un effort si vous voulez être républicains, Maurice Nadeau, Ed. Maurice Nadeau, février 2025, 224 pages, 10,90 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Sade

L’insurrection permanente

Cet important essai de Maurice Nadeau, primitivement publié aux Editions de La Jeune Parque en 1947, réédité sans modification – sauf pour ce qui est du titre reproduit ci-dessus – en 2002 par Maurice Nadeau lui-même dans le cadre de la société d’édition qu’il avait créée entre temps (Les Editions Maurice Nadeau-Les Lettres Nouvelles), est aujourd’hui republié (février 2025) en format Poche par les conservateurs et continuateurs de l’œuvre d’un des plus grands critiques littéraires du 20ème siècle, administrateurs de ladite maison qui poursuit un parcours éditorial dynamique sous le même label : « Les Editions Maurice Nadeau-Les Lettres Nouvelles ».

Maurice Nadeau avait dédié l’édition de 2002 à Annie Le Brun, qui nous a quittés en juillet dernier.