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Les Livres

Chine, Gilbert Bourson (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 25 Mars 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Chine, Gilbert Bourson, éditions Douro, Coll. La Bleu-Turquin, 2023, 164 pages, Ill. couverture Jacques Cauda, 19 €

 

Paru dans la Collection dirigée par Jacques Cauda, La Bleu-Turquin, le roman de Gilbert Bourson – aussi baroque qu’un « fouinage » exquis, qu’un « dépôt de choses à récupérer » par attachement sentimental, devoir de mémoire ou encore en vue d’un recyclage – décharge des trésors enfouis pourvu que, comme en Littérature, l’observateur ait l’œil, pourvu qu’il sache chiner comme un brocanteur digne de ce nom sait repérer dans le fourbis la trouvaille, voire la pépite… Chine, à l’instar d’une musique futuriste qui stockerait dans ses données un bric-à-brac ou florilège de sons figurant l’âme musicale des foules, constitue un roman baroque où l’exposition des motifs du phrasé romancé (l’exposition des éléments hétéroclites qui compose la brocante qu’est ce livre) joue avec brio avec une mécanique vivante bien huilée des mots connectée à notre vie quotidienne.

Il dit, y a qu’à fouiller dans les ruines, de sa voix éraillée qui commande. Et puis il s’est tiré pour chercher un engin roulant, brouette ou soi-disant. Dieu peut-être, avec sa roue voilée qui couine.

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Mars 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos, Éditeur Le Bois d’Orion, août 2024, trad. grec moderne, Bernard Grasset, édition bilingue, 220 pages, 19 €

 

Parole de lumière

Ce qui est très perceptible de suite, dans la poésie de Jeanne Tsatsos, c’est la qualité religieuse de cette traduction du grec moderne de Bernard Grasset. Au long des pages, l’on perçoit nettement l’engagement religieux de la poétesse. Et ce qui est littéraire ici, c’est la capacité de l’écrivaine à subsumer la question de la foi et des vertus théologales, en une croyance forte, ou plus généralement au sein de l’être dans l’Être. Oui, une épiphanie.

 

Étoile, Toi qui viens

à ma rencontre,

montre-moi la voie.

Jacaranda, Gaël Faye (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 21 Mars 2025. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Grasset

Jacaranda, Gaël Faye, Grasset, août 2024, 286 pages, 20,90 € Edition: Grasset

 

L’arbre Jacaranda peut sembler symbolique d’un faisceau d’événements : il est à coup sûr le symbole de l’arbre généalogique sous lequel s’abrite l’une des voix de cette histoire, Stella, étoile sous l’arbre de la tradition, image même du sacré bafoué par le massacre de 1994.

Sur fond de génocide au Rwanda, le personnage principal du roman, Milan, narrateur des faits, explore sur le long cours de 1998 à 2020 ses rapports à la fois complexes et clairs avec le pays d’origine, ses parents, sa famille de là-bas.

Les divers voyages à Kigali ou ailleurs lui ont permis de revoir une partie de sa famille, la mère de sa mère, des amis, et même d’avoir l’occasion de se donner un oncle dont il ignorait tout, Claude.

Cherchant à finaliser une thèse sur le génocide, Milan part à la fois pour se retrouver, et pour tenter de comprendre l’insupportable, l’inénarrable dans la souffrance des victimes.

Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Defour (par Sandrine-Jeanne Ferron)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 21 Mars 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Defour, Éditions Poche, août 2024, 256 pages, 8,90 €

 

L’épreuve de la séparation et de sa temporalité. La douleur qui te désosse ensuite. Il te faudra ce courage. Pour aller au bout de ce tombeau littéraire. Ici, ta catharsis. Écrire serait donc cela, une énième définition au prorata du nombre d’auteurs, se déchirer pour que toi, lecteur, tu puisses approcher ton chagrin, le toucher au point de le déposer sur tes genoux ou sur une table, dans une église ou dans un verre, peu importe, quelque part. Là, où c’est visible.

Parce que tu lis dans les pages d’un autre celui qui n’est plus dans ta vie.

Les chiens parlent aux hommes.

Et les hommes ont oublié la nature de leur langage. La lecture sur les peaux, la façon dont les émotions cartonnent les visages, les pensées ensuite qui se meuvent sur elles. Des figures aux gueules. Ils ont oublié qu’accepter de mourir, c’est accepter d’aimer et réciproquement. Eux, non. Nul besoin de les aimer, les chiens, de les avoir connus, pour parcourir ce chemin de croix dont tu connais la fin. Lire la mort en trois parties.

Dans les rêves, Delmore Schwartz (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 20 Mars 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Poésie, Rivages, Cette semaine

Dans les rêves, Delmore Schwartz, Rivages, octobre 2024, trad. anglais (USA), Daniel Bismuth, Préface Lou Reed, Postface Thierry Clermont, 432 pages, 10 € Edition: Rivages

 

Séries métropolitaines du « poète des poètes »

Dans les rêves est un recueil de plusieurs nouvelles du grand poète et romancier Delmore Schwartz, né à Brooklyn en 1913 dans une famille juive originaire de Roumanie et relativement aisée. En 1959, il est le plus jeune auteur américain à se voir décerner le Bollingen Prize. Au début des années 1960, Schwartz sombre dans l’alcoolisme et une forme aggravée de dépression, vivant reclus dans un hôtel à Manhattan où il décède en 1966.

Ses récits, sous la forme d’instantanés parfois cruels, sont sûrement en grande partie autobiographiques. Les évocations du passé de Delmore Schwartz se déroulent, se brisent puis reviennent pareilles aux « vagues [qui] prennent leur élan de loin et se dressent lentement ». Il s’agit principalement de recréer des liens filiaux, sociaux, d’amitié « dans l’immense aliénation de la vie métropolitaine ».