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Les Livres

Le Paradoxe ambulant, Gilbert K. Chesterton (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 10 Juin 2025. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques, Les Belles Lettres

Le Paradoxe ambulant, Gilbert K. Chesterton, essais choisis et préfacés par Alberto Manguel, traduits de l’anglais par Isabelle Reinharez, Paris, Les Belles-Lettres, 2024, 508 pages, 15, 50 €. Edition: Les Belles Lettres

 

On peut discuter pour savoir si la notion de terme ou d’expression intraduisible d’un idiome à l’autre aurait ou non un sens. Tout dépend de ce que l’on entend par traduire.

Les anglicistes connaissent l’expression tongue in cheek. L’image anatomique fait sens (on met sa langue contre sa propre joue, afin de ne pas se trahir en riant), mais si l’on fait comme un dictionnaire très répandu, le Harrap’s Shorter, en le rendant par « avec une ironie moqueuse » ou « en plaisantant », a-t-on vraiment traduit l’expression de façon organique, avec son génie propre, ou a-t-on donné une simple équivalence ?

Quoi qu’il en soit, s’il fallait trouver un livre illustrant cette expression, Le Paradoxe ambulant conviendrait à la perfection, comme conviendrait à son auteur ces phrases de Péguy :

Par les baleines, Soline de Laveleye (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 10 Juin 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Par les baleines, Soline de Laveleye, éd. Gallimard, 120 p., 2025, 16€

 

Le contenant

La chose la plus pertinente pour le lecteur que je suis, dans ce livre, c’est l’intrication du dedans et du dehors, du corps et de l’âme, monde plastique, sorte de terre glaise prête à la poterie, terre qui, séchée, devient vase, contenant, jarre, amphore, raku. C’est le corps accueillant l’âme. C’est le corps pris dans la terre du langage. C’est le poème qui fait pièce d’émail. C’est le poème qui contient simplement l’expression physique du corps dans sa forme, ainsi donc inscrit dans la bordure du corps. Nous sommes dans un univers concave, qui contient, concavité du poème, partie sèche de la terre glaise façonnée, travaillée par les doigts d’un potier.

Les Parrhésiens – Philippe Bordas (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 05 Juin 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Les Parrhésiens – Philippe Bordas – Gallimard – 464 p. – 25 euros – 17/04/25 Edition: Gallimard

 

« Mon balcon sur la falaise fait amphi à mille degrés ; Sous moi, c’est une enclave marbrière et forestière de morts célèbres, où pullulent les oiseaux légaux installés là sous Saint Louis et les nichées exogènes récentes, migrées comme moi, de petites perruches vert vif, à bec rouge, qui solfient jour et nuit et supplantent le basson des vieux corbeaux. »

« Levallois artillait ses débuts de phrases à l’air comprimé et les finissait au calibre douze pour le gros gibier. J’attendais une forte dispute, comme celle que j’avais vue derrière le hublot, mais ce n’étaient qu’algarades à blanc, chamailles forcées, pour garder fusil chaud, dague tranchante, avant l’authentique raffut. »

L’Or de Jérusalem, Nathalie Cohen (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 05 Juin 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Flammarion

Nathalie Cohen, L’Or de Jérusalem, Paris, Flammarion, paru le 26 février 2025, 314 pages, 22 €.

Pour toute une part de l’humanité, présente sur à peu près tous les continents, il s’agit d’un événement immense et traumatique, dont l’écho se fait encore entendre à deux millénaires de distance. Lors de chaque mariage juif, l’atmosphère euphorique qui (dans des circonstances normales) préside à toute célébration nuptiale est un instant ternie par le bris d’un verre, qui rappelle à chacun cet antique événement : la destruction du Temple de Jérusalem, dont il ne reste qu’une partie du soubassement – connu sous le nom de Mur des Lamentations, l’inscription (conservée en deux exemplaires, l’un à Istanbul, l’autre à Jérusalem) qui avertissait les étrangers de ne pas pénétrer dans la cour intérieure du Temple, et, selon la légende, deux colonnes conservées (parfaitement visibles) à Saint-Pierre-de-Rome ; ainsi que, toujours à Rome, la représentation sur l’arc élevé pour célébrer le triomphe de Titus de la menorah rapportée en guise de butin par les conquérants romains, durant l’été 71, avec d’autres objets cultuels. Que devinrent ensuite ces reliques ? Furent-elles fondues ou entreposées, comme c’était la coutume, dans le Temple de la Paix ? Et la menorah finit-elle par retourner à Jérusalem, comme l’indique l’historien Procope de Césarée, selon qui l’empereur Justinien fit renvoyer d’où ils venaient ces objets qu’il jugeait maléfiques ? Et si elle existe encore quelque part, où se trouve-t-elle ? Dans quelque souterrain inexploré dont seule l’existence est connue ?

L’Année de la victoire (L’Anno della vittoria), Mario Rigoni Stern (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 04 Juin 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallmeister, Italie

L’Année de la victoire (L’Anno della vittoria), Mario Rigoni Stern, éditions Gallmeister, 2024, trad. italien (nouvelle traduction), Laura Brignon, 188 pages, 8,90 € Edition: Gallmeister

 

Mario Rigoni Stern est le chantre le plus puissant des montagnards du Haut-Adige italien, près de la frontière autrichienne. Les Saisons de Giacomo nous avait déjà bouleversés par son âpreté et son réalisme. Nous retrouvons ici la force tellurique du style de l’écrivain, sa capacité à évoquer l’effroyable boucherie de 14-18 qui a ravagé l’Europe et les versants arides des montagnes de sa Vénétie natale. Terre cent fois maudite, par la nature austère et violente, la rudesse de son sol et de ses pentes, l’extrême dénuement de ses habitants et la folie des hommes qui se sont déchirés sauvagement pour des enjeux illisibles.

Une terre impitoyable avare et brutale qui désormais porte en elle les restes de la tuerie collective, shrapnels, grenades, bombes avortées, douilles de fusils, de mitrailleuses, qui font un étrange lit aux forêts, aux villages, aux hommes, aux animaux. Dans le village dévasté, là-haut, plus rien, si ce n’est quelques traces d’une vie naguère, d’un bonheur simple mais réel.