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Les Livres

Les aventures d’Enki, Claude Allard-Poesi (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mercredi, 12 Novembre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les aventures d’Enki, Claude Allard-Poesi, Tome 1 et Tome 2, éd édilivre 2 x 335 pp 20, 50 € le tome

 

Dyschronie au coin du feu

 

Claude Allard-Poesi porte double nom d’Allard dont l’art et de Poésie, dont acte.

Son dernier livre est double. Deux tomes pour une histoire longue, enfouie dans le passé. Pas moins de six mille ans avant notre air du temps.

Allard-Poesi n’est pas historien, pas tellement archéologue. Plutôt médecin, carrément psychiatre et fortement engagé dans l’archéologie du soi. Il a été spécialiste de l’enfant face à l’image et son imagination était mise en sommeil sous l’artefact techniciste. On ne le savait pas !

Son livre est long car l’histoire humaine est longue.

Et chaque vie la résume, issue de loin, vertigineuse jusqu’à sa fin.

Pur bonheur et autres récits, Katherine Mansfield (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Novembre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Océanie, Rivages poche

Pur bonheur et autres récits, Katherine Mansfield, préf. et trad. Fanny Quément, 256 p., sept. 2025, éd. Rivages, 9,70€ Edition: Rivages poche

 

Katherine Mansfield, née en 1888 à Wellington, capitale de la Nouvelle-Zélande, issue de la bourgeoisie blanche, est une écrivaine mondialement reconnue, en dépit de sa mort précoce à 34 ans, en 1923, à Avon, près de Fontainebleau. L’insulaire native d’Océanie a été la victime d’une grande souffrance physique et d’une vie psychique tumultueuse. Fanny Quément indique que, « néanmoins, les nouvelles de Mansfield relèvent beaucoup moins de l’autobiographie que de la fiction moderniste, et son style fut d’ailleurs le seul que Virginia Woolf ait jamais envié ».

Dès les premières pages de Pur bonheur, des éléments de la matière textuelle de l’autrice néo-zélandaise recouvrent un temps de l’enfance, éléments tendrement désuets, temps teinté d’inquiétude : « un manteau à boutons marins », « une casquette à rubans de cuirassé », « le buggy », « son réticule de soie noire », « un pilulier laqué de noir à l’extérieur et du rouge à l’intérieur, avec un peu de ouate », « son corset à jupon couvert de volants tout en soieries », « ses jarretelles », etc., tous signes marqués d’une époque.

Le Mont Macaron – Itinéraire, Roger Aïm (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 06 Novembre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Le Mont Macaron – Itinéraire - Roger Aïm – Editions Infimes – 65 p. – 8 euros – 07/10/25.

 

« Ici, le paysage ne se livre pas. C’est la garrigue distante, indifférente. D’une beauté sévère, sèche, épineuse, immarcessible, piquetée de quelque pins, elle retient le temps. La garrigue a la force des sites ignorés des hommes. »

 

Le Mont Macaron est un cheminement littéraire que l’auteur trace pas à pas sur les sentiers pierreux qui le conduisent sur les hauteurs de Nice, en compagnie de celle qui la première lui a ouvert cette brèche lumineuse vers le Mont Macaron. L’amour, s’il déplace parfois les montagnes, les dévoile souvent. Cheminer ainsi, rend l’auteur heureux, il voit, et écrit. La nature mérite cet attachement du regard et du mouvement, ce territoire arpenté est devenu un pays, son pays. Les couleurs, les pierres – que des hommes oubliés ont transporté là -, la lumière, les bruits minuscules qui réhaussent la profondeur du silence peuplent ce petit livre inspiré.

Le Grand Rafraîchissement, Benoît Duteurtre (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 06 Novembre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le Grand Rafraîchissement, Benoît Duteurtre, Gallimard, 2024, 215 pages, 20 euros. Edition: Gallimard

 

On ne lira pas, hélas ! Le Grand Rafraîchissement de Benoît Duteurtre comme on lisait n’importe quel autre livre de Benoît Duteurtre, et pour une raison imparable : Benoît Duteurtre est mort en juillet 2024 ; il s’agit donc, sauf inédits posthumes, d’un ouvrage ultime, paru en janvier de la même année.

Il ne faut cependant pas exagérer cette circonstance et voir à toute force dans Le Grand Rafraîchissement, qui complète une œuvre déjà importante mais ne prétend pas la parachever, un exercice testamentaire. Benoît Duteurtre n’avait pas prévu de mourir si soudainement, à soixante-quatre ans, des suites d’un malaise cardiaque, alors qu’il séjournait avec son compagnon au Valtin, dans les montagnes vosgiennes, où il possédait une maison et où il a été inhumé. Il n’avait pas l’intention de nous transmettre une vérité définitive. Il ne s’adresse pas à nous d’outre-tombe.

Comme les amours, Javier Marías (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 05 Novembre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, Folio (Gallimard)

Comme les amours, Javier Marías (Los enamoramientos, 2011), Traduit de l’espagnol par Anne-Marie Geninet, Folio 421 p. Edition: Folio (Gallimard)

Le temps est une affaire vertigineuse. Dans l’axe, seul le passé existe. Le futur est hasardeuse spéculation. Le présent une pure fiction. C’est la ligne continue qui traverse ce sombre roman, ce presque roman noir. La mort (violente en l’occurrence) fige une histoire dans le passé. L’histoire est alors saisissable, elle a un début et une fin, l’observateur sait ce qu’il en est de la narration du mort. C’est la position du lecteur de biographies : Baudelaire est né, il a vécu, il a souffert, il a aimé, il a écrit, il est mort. Baudelaire est lisible, il appartient au passé, du moins par sa vie, son œuvre, elle, continue par un miracle que seul le génie peut produire.

Luisa, l’épouse, et Maria la narratrice sont désormais en aval de Miguel, assassiné sauvagement, tailladé au couteau papillon par un inconnu. Et en aval, il n’y a évidemment plus Miguel. Le temps de Miguel est clos, tellement clos qu’un retour (impensable) de Miguel serait un cauchemar aussi terrible que sa mort. Non pas que son épouse, Luisa, ne le regrette pas - elle est au contraire écrasée par sa disparition, incapable de s’en relever malgré ses deux enfants – mais parce que le temps ne permet pas de manquement à ses règles : ce qui est clos est clos, provoque un ordre nouveau et une faille dans cette règle serait le pire des désordres.