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Les Livres

L’Homme sans langue, Adrien Finck, suivi de Résistance par la langue (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 23 Septembre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Langue allemande

L’Homme sans langue, Adrien Finck, suivi de Résistance par la langue, traduit de l’allemand et de l’alsacien par Michèle et Angèle Finck, Paris, Arfuyen, paru en avril 2025, 268 pages, 19,50 €.

 

Le Musée Unterlinden de Colmar conserve, sans l’exposer (ce ne fut pas toujours le cas), une tête momifiée longtemps présentée comme ayant appartenu à Pierre de Hagenbach (1423-1474), bailli de Charles le Téméraire, décapité à Breisach. La médecine légale a déterminé que cette attribution était fausse, mais la relique n’en demeure pas moins impressionnante, les yeux clos, les lèvres retroussées au-delà de la mort sur un rictus qui a traversé les siècles. Quel qu’en ait été le propriétaire réel, qu’on ne connaîtra sans doute jamais (un soldat décapité par les Turcs ?), cette tête momifiée rappelle une réalité : si elle est aujourd’hui une région opulente, débonnaire et riante, dont les touristes visitent par cars entiers les villages pittoresques et les marchés de Noël, une région où l’on mange bien et où l’on a l’alcool joyeux (contrairement à la Lorraine voisine), l’Alsace fut des siècles durant une terre où déferlèrent les armées, avec leurs cortèges de violences, de pillages, de sang et de destructions.

Vachette, Suzanne Duval (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 23 Septembre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Vachette, Suzanne Duval POL 253 pp 18 €

 

L’avis des vaches

 

Il y a des moments où lire et rire se superposent !

Assez rare pour qu’on le souligne. Vachette de Suzanne Duval est paru au printemps chez POL et fait se gondoler les troupeaux de lecteurs et cette faune qui a ce besoin inouï, chaque jour, plusieurs fois par nuit, de rencontrer une langue, un esprit, bref au zoo comme au métro, ils lisent ! On lit pour, un instant, se désapproprier de soi, se désencombrer de nos encombrements et se laisser encombrer par les principes, les rêves, les fantaisies ou les fantasmes d’un auteur.

Auteur, notre autre !

Auteur, notre hôte.

Nous avons recouru à cette image du désencombrement de soi et du ré-encombrement par un autre qui est l’exacte métaphore de l’engendrement. L’exact lieu du choix d’enfant.

Petit bréviaire du vin et de l’ivresse –– Claudine Brécourt-Villars (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 22 Septembre 2025. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, La Table Ronde

Petit bréviaire du vin et de l’ivresse –– Claudine Brécourt-Villars Petit bréviaire du vin et de l’ivresse, Editions La Table Ronde, septembre 2025, 224 pages, 19 € Edition: La Table Ronde

 

Le vin a toujours cheminé aux côtés des plus grands écrivains, et ce depuis l’Antiquité. Euripide, dans Les Bacchantes, en dressait déjà le portrait spirituel : « Le vin est le miroir de l’âme ». Le Moyen Âge, quant à lui, l’honorait en tant qu’élixir d’amour et de passion, le dotant de vertus aussi bien aphrodisiaques que thérapeutiques, notamment contre la mélancolie.

De Rabelais à Baudelaire, en passant par Alexandre Dumas, le vin a irrigué traités, romans et recueils poétiques. Rabelais, dans son Traité du vin, prône avec verve cette joyeuse médecine : « Une âme folâtre est grande salubrité : le buveur de bonnes mœurs sait s'en souvenir. Un vin exquis, bu tripe creuse, renouvelle les forces [...] C'est pourquoi il convient, dès potron-minet, de se rincer le museau, de s'humecter les poumons, de se laver les tripes : ainsi vous serez fringants et ingambes [...] ». Baudelaire, grand amateur de Bordeaux, inverse la perspective : pour lui, l’excès, l’ivresse, entraînent vers les gouffres les plus sombres.

Secondes rouges, Gebran Saad (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Septembre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Secondes rouges, Gebran Saad, préf. Philippe Tancelin, trad. Mohammed El Amraoui, illust. Safwan Dahoul, éd. Al Manar, 156 p., 2025, 19 €

Tension

Le dernier livre de Gebran Saad, poète syrien exilé en Suède, est d’une approche complexe. D’une part à cause de l’édition bilingue (Arabe/Français), de la dédicace en Anglais, ce qui fait « danser » en quelque sorte l’esprit du lecteur que je fus. Il y a eu d’ailleurs deux temps pour moi : temps du mystère et temps de clarté. Cette clarté accompagnait l’idée du désir : clair désir d’un être pour un autre être, tout simplement. Désir de corps, désir de langage, désir spirituel. Tout cela a produit une tension, un mouvement qui se refermait sur lui-même comme une boucle, un cycle, un cercle, une sphère, et devenait énigmatique. Car ces poèmes sont d’une espèce où l’âme joue un rôle, l’âme du poète qui s’arroge le droit de parcourir sa sensibilité. Je garderai donc ces deux mots : mystère et désir.

Je crois qu’il faut citer quelques mots de la préface de Philippe Tancelin, poète et philosophe : « Face aux ténèbres en embuscade dans les mots, à la lisière du secret avide de la confession et ses simulacres de vérité, la métaphore audacieuse annonce une existence plus forte que le cri, plus pénétrante… ».

Charles Molina, Monographie (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 19 Septembre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Charles Molina, Monographie, 192 p., bilingue, éd. Skira, août 2025

Skira publie la première monographie d’un jeune acteur de la scène artistique contemporaine américaine, Charles Molina. Né à Aventure Miami en 2001, Charles Molina « samplait » sa peinture, s’inspirant de l’expressionnisme abstrait, du hip hop ou de la musique électro. Il avait suivi un cursus à l’École d’art Saint-Luc à Bruxelles, avant d’être admis à la Miami Arts Charter School de Wynwood. D’autre part, il avait collaboré avec le rappeur XXXTentacion (né en 1998 en floride, assassiné en 2018). Charles Molina, lui, a disparu à l’aube de sa vie, en 2021.

Cent-trente-cinq reproductions de qualité permettent d’accéder à un large éventail de l’œuvre de cet artiste américain. Des photographies, dont l’une d’enfance et les autres prises dans son atelier, un manifeste de l’artiste ainsi qu’un entretien avec Capucine Milliot, responsable de la communication de la galerie Nahmad Contemporary de New York, complètent cet épais catalogue. Catherine Milliot qualifie sa peinture de « frénétique et rebelle », créée dans un « sentiment d’urgence ». Expression qui rejoint celle du street art, élan artistique qui requiert en priorité immédiateté et rapidité à propos de peintures réalisées dans l’espace public urbain.