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Les Livres

Dévastation, La question du mal aujourd’hui, Dominique Bourg (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 22 Janvier 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, PUF

Dévastation, La question du mal aujourd’hui, Dominique Bourg, Puf, septembre 2024, 320 pages, 18 €

 

« Nous préférons voir sombrer le navire plutôt que de voir nos noms effacés de la coque ! » (Mark Lilla)

 

Le titre de ce livre est bien choisi, puisque sans appel (la ruine, le saccage, la destruction à la fois de la vie et de ce qui fait vivre… y sont entendus sans ambiguïté), mais le terme même de « dévastation » a une étrange étymologie. Si « vastare » (ou « devastare ») en latin désignait déjà l’action de ravager et ruiner, c’était au sens de faire le vide, de rendre désert, de « désoler » les lieux, car « vastus » (qui a donné notre « vaste ») renvoie, non du tout à une ampleur disponible et confortable, mais à une étendue pour rien, ou de rien, un forum abandonné de ses occupants, un site vidé de ses défenseurs, une mer immense qui disperse et désoriente… La « vastitude » est donc d’abord négative, l’effet de dépeuplement par une reddition, un incendie, ou, au sens figuré, l’état d’une âme stérilisée par le remords ou égarée par sa propre insatiabilité.

Métamorphoses, migration, Adonis (par Nicolas Grenier)

Ecrit par Nicolas Grenier , le Mardi, 21 Janvier 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Mercure de France

Métamorphoses, migration, Adonis, Mercure de France, octobre 2024, trad. arabe, Aymen Hacen, 176 pages, 20,50 € Edition: Mercure de France

 

Adonis, poète migrateur

Le poète syrien, Adonis, ouvre les portes de son royaume intérieur à l’Européen, à travers son Orient natal, ses traditions, ses mythes, ses légendes. Le recueil de poésie Le livre des métamorphoses et de la migration dans les contrées du jour et de la nuit, écrit entre 1961 et 1965, se découpe en quatre mouvements, à l’image de quatre points cardinaux, de la Fleur de l’alchimie aux Métamorphoses de l’amoureux. Dans ce voyage initiatique, chaque poème, en vers libre ou en prose, s’apparente à une escale :

 

Je devrais voyager dans le paradis des cendres

Parmi ses arbres secrets

Dans les cendres, les mythes, les diamants et la toison d’or

Le Bruit des choses, Philippe Barrot (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 21 Janvier 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Le Bruit des choses, Philippe Barrot, PhB éditions, octobre 2024, 48 pages, 10 €

 

Ce texte court, poétique, n’est pas, a priori, ce que laisse supposer son titre, « le bruit des choses » ; il s’agit plutôt d’un futur antérieur, sans doute inspiré des effets du bouleversement climatique, dont les conséquences sont déjà présentes, comme en Espagne récemment… Ici l’eau est omniprésente, qui recouvre tout un environnement auparavant bruyant de vie, et un presque silence s’instaure où la vie prend des formes autres et cependant contingentes. Il y a alors des vies plus sourdes qui naissent de la submersion, des vies qui s’insinuent et s’instaurent en rappelant à l’évidence ce qui fut et ce qui ne sera plus.

Et dans ces eaux, qui désormais recouvrent tout, l’éponge prend vie et place, et « révèle l’antérieur silencieux des eaux salées, lieu de vie par excellence, où se trament les divisions cellulaires d’un devenir dont on ne sait rien ». L’éponge, en raison de ses appétits, a amassé des matériaux divers qui ont permis la complexité de sa morphologie en dédale. Mais si l’eau est son milieu de prédilection, « L’éponge vit une autre vie sans eau.

Folie, fureur et ferveur, Œuvres poétiques (1972-1975), Anne Sexton (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 21 Janvier 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA, Poésie

Folie, fureur et ferveur, Œuvres poétiques (1972-1975), Anne Sexton, éd. des femmes-Antoinette Fouque, janvier 2025, trad. anglais USA, Sabine Huynh, 268 pages, 22 €

 

Juste une fillette qui tentait de survivre (Anne Sexton)

L’Emprise du poème

J’ai bu, si je puis dire, d’un seul trait ou presque, le recueil de la poétesse américaine Anne Sexton. Et cette poésie m’a semblé vive et presque irritante, surtout pas liquoreuse, mais entêtante et légèrement folle. Mais là, pas de vraie folie, de celle qui appelle les épithètes du QCM américain. Au contraire, tout est vie dans cet alcool cuit qui n’hésite pas à surprendre par son parfum fort, singulier et unique.

L’on a à faire dans ce travail de la langue, dans le style, à une poésie empirique, sourcée dans la reconnaissance d’un réel fuyant, d’une forme de déroute devant la difficulté de la vie. En crise devant la matière, qui tout aussitôt devient métaphysique par le génie de l’écrivaine. Elle habite au sens propre dans la demeure du poème, dans son emprise.

Humus, Gaspard Koenig (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 20 Janvier 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Humus, Gaspard Koenig, Editions J’ai Lu, août 2024, 512 pages, 8,90 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Roman moderne sur la modernité, Humus a subi sur ce même site un coup de griffe assez virulent ; sa réédition dans une Collection de Poche est l’opportunité de le réévaluer à la (légère) hausse.

Certes, il a été couronné de pas moins de trois Prix (Interallié, Jean-Giono et Transfuge) et a été finaliste du Goncourt en 2023 ; ce n’est pas un tort en soi et on peut même y voir de la clairvoyance de la part de jurys qui ont su reconnaître un roman de l’époque et sur l’époque, même si l’on doute de la lisibilité de Humus dans vingt ans, tant il est justement ancré dans notre époque, tant il a à cœur de la dire sans grand recul – juste ce qu’il faut d’humour et de dérision, parfois dirigée au passage contre Koenig lui-même, puisqu’il montre des Young Leaders dignes dans leur vacuité et leur férocité prédatrice d’un American Psycho alors qu’il fut lui-même de deux promotions différentes de cette élite auto-désignée.