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La Une CED

Retour à Venise, Angelica Liddell, Théâtre de l’Odéon Paris

Ecrit par Marie du Crest , le Samedi, 17 Janvier 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

You are my destiny (Lo stupro di Lucrezia), texte et mise en scène d’Angelica Liddell

 

Je n’avais pas lu délibérément le texte d’A. Liddell, paru dans sa traduction française tout récemment aux Solitaires Intempestifs. Je voulais voir et entendre simplement, totalement le théâtre d’autant que la coproduction du spectacle proposait une version sous-titrée en espagnol et italien. Lire faisait partie de la scénographie : les deux écrans digitaux redoubleraient la parole de l’auteure /Lucrèce.

Angelica Liddell (en charge des costumes et de la scénographie) aime par dessus tout la peinture : elle se souviendrait des tableaux de la Renaissance italienne et du décor vénitien de la place St-Marc avec la façade factice du palais des doges. Etrange expérience de cet immense plateau, devenant lieu de la rage dionysiaque de Liddell. Ecraser les grappes de raisin serait l’acte cérémoniel par excellence. Posés au sol tout d’abord et ensuite vers la fin du spectacle, piétinés presque au ralenti, les raisins diront l’antique fondation du théâtre.

Le Jardin de derrière (7) - Où l’Association prend de l’importance. Les tunnels aussi

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 14 Janvier 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Le mercredi matin, Georges fit un saut chez le notaire à L’Isle-sur-Serein. L’ancien propriétaire l’avait déjà appelé, visiblement inquiété par son coup de fil. Le notaire était assez jeune et ne savait rien de cette histoire de buses. Il se demandait mollement si cela pouvait être considéré comme un vice caché, mais Georges le rassura : les buses, la salle de bain, tout lui allait très bien. Il ne demandait rien, n’attendait rien. Il avait juste trouvé cela curieux.

– En tout cas, maintenant, ce sont vos buses, avait conclu le notaire en le raccompagnant à la porte. Georges en éprouva une étrange allégresse.

Kevin et Julien arrivèrent avec la camionnette à 14 heures très précises, une fille avec eux, un peu plus jeune, l’air timide. Georges les envoya au grenier où il avait trié la veille ce qu’il voulait jeter et ce qui pouvait encore resservir. Les jeunes, en passant, lançaient des regards curieux sur le séjour, la cuisine, les travaux en cours. Refusant l’aide de Georges, ils gravissaient puis dévalaient d’un pas léger l’escalier de devant et l’échelle menant au grenier, chargés de vieux cartons, d’une chaise cassée, portant à deux une malle au fond rongé par la rouille.

Maryan, artiste rescapé

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Samedi, 10 Janvier 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Côté Arts

 

Il n’y a pas de difficulté [pour la lumière]. L’une, c’était notre lumière. L’autre, c’était la lumière [le feu] de l’enfer.

Le Talmud, traité Pessahim, chap. IV, 54a

 

La galerie Polad-Hardouin organise une exposition historique de travaux posthumes d’artistes, tous disparus assez jeunes et avec des destinées assez diverses : Marcel Pouget (1923-1985), Michel Macréau (1935-1995), Jacques Grinberg (1941-2011) et Maryan. L’on peut qualifier de prime abord un aspect commun à tous, peut-être une source d’inspiration expressionniste, plus cubiste pour Grinberg. Des courants et des façons y sont exprimés. L’on y trouve bien avant leur existence, le style qui a sans doute influencé R. Combas, H. Di Rosa, F. Boisrond, le street art, les graffiti de rue. De même le mouvement de la « Figuration libre », qui alliait les codes de l’art brut à l’imagerie populaire africaine, arabe, le Punk, dont les homologues américains sont K. Haring, J.-M. Basquiat, etc. : avec l’aplatissement des formes, pas de perspective réelle, des contours très marqués dérivant jusqu’à l’ellipse, le tag, signifiant l’agressivité, l’agression de la société contre l’individu et ses mythes personnels.

Le Jardin de derrière (6) - Où Georges passe un coup de fil

Ecrit par Ivanne Rialland , le Vendredi, 09 Janvier 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Une demi-heure plus tard, les mollets râpés par la pierre et le nez rouge vif, il se leva pour regagner l’intérieur, dont la fraîcheur soudaine, poignante, le saisit et le secoua d’un tremblement brutal. Le bas de son pantalon retomba sur ses chevilles. Il considéra la cuisine, un moment songeur, mit des bâches sur le sol et gratta la peinture avec application. Au milieu de l’après-midi, il passa au couloir, puis s’interrompit brusquement pour se lancer dans un grand ménage, traînant un sac poubelle à sa suite. Il ouvrit tous les meubles laissés par l’ancien propriétaire, inspecta les placards, fouilla les tiroirs du vaisselier et de l’armoire à glace, inspecta le vieux sofa. La récolte fut maigre : un magazine oublié par sa femme ou sa fille, un jeu de cartes, des enveloppes jaunies mais vierges, un sachet de lavande tombée en poussière. Dans le sofa, sous les coussins, enfoncé profondément entre l’accoudoir de gauche et le dossier, il trouva finalement un soldat de plomb. La découverte lui parut prometteuse. Il regarda la peinture écaillée de la figurine, les minuscules giclures autour des détails les plus fins. Le soldat avait été peint à la main, par un enfant probablement, un débutant en tout cas. Il le retourna en tous sens, cherchant une marque, une trace, il ne savait quoi.

Ekphrasis 11 - Echofenster ou Les filles aux longues tresses

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 07 Janvier 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Echofenster ou Les filles aux longues tresses, Œuvres sur papier de Cornelia Schleime (1988-2014)

 

Cornelia Schleime tresse les cheveux de jeunes filles graciles, de filles de papier, d’encre de Chine et d’aquarelle, qui se tournent avec indifférence, vers nous, au centre de la surface blanche, toujours désespérément seules. Les tresses sont parfois les tentacules d’une Méduse germanique, profane, surgissant de son crâne, que nous n’aurions pas peur de regarder en face. Echofenster moins terrifiante que la Gorgone du Caravaggio. Elles virevoltent dans l’air comme si un vent maléfique, inconnu des géographes, les soulevait et elles s’accrochent enfin à la masse incertaine d’un rocher qui, en quelque sorte, est un prolongement minéral de la jeune créature. Les nattes sont parfois tracées dans la souplesse du mouvement, dans le prolongement incertain qu’elles dessinent des bras.