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La Une CED

Manger, bouger, Alger, danger, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 30 Juin 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Comme des processions obscures, pour des religions de dévorations : de longues files de gens qui, soudain, à l’heure de l’aube noire, dans l’arrière-pays, se lèvent, murmurent avec colère, se rassemblent, se mettent les uns derrière les autres, cherchent leurs chaussures puis une tête, puis s’ébranlent vers Alger. Point lointain de l’horizon qui donne à manger et mange le pays. Ville des négociations depuis les antiquités, butin, femme, prostituée, victime de viol ou de rapt, ayant épousé tour à tour un vieux soldat romain, deux frères ottomans flibustiers, suicidée, forcée à s’allier avec le français puis offerte en lien de sang avec le sang des martyrs puis cloîtrée, enfermée, prise, violée encore par les colonels de l’époque.

Ville qui tourne le dos au pays et qui le surveille à la fois. Donc au matin, l’aube est une semelle et l’heure est un chemin. La procession marche, grossit, devient obscure et forte, et lentement s’écoule de la montagne vers la plaine et de la plaine vers Alger. Et c’est là qu’elle est généralement stoppée, endiguée : on finit par en déléguer quelques-uns, les mettre dans les voitures ou des chariots, les mener vers le Bureau d’Alger et négocier Alger avec eux. La procession se disperse, se désagrège, s’émiette puis s’évapore : les gens rentrent chez eux. Alger leur a promis du pain, encore plus de semoule, de l’argent, des terres ou des postes. Jusqu’au prochain cycle. Cela dure depuis toujours ces noces alimentaires entre Alger et le reste du pays. De plus en plus.

Belgrade d’après Angélica Liddell

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 29 Juin 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Belgrade d’après Angélica Liddell et des textes de Clément Bondu, Emil Cioran, Dimitri Dimitriadis, Thierry Jolivet, Vladimir Maïakovski, Alfred de Musset et Friedrich Nietzsche

 

« Requiem Rock »

Tout commence dans le bruit de cloches, de sirènes, de la voix de Béatrice Schönberg, qui annonce à la télévision française la mort de Milosevic. C’est en 2006 et le président nationaliste serbe a été retrouvé sans vie, dans sa cellule à La Haye. Le plateau est Belgrade : chaises renversées, bruits de foule, de manifestations peut-être. Deux portes ouvertes sur la lumière de deux pièces d’un hôtel comme des alcôves de l’intimité : une chambre ; un homme qui s’active à ranger son lit et une petite salle de bains dans laquelle une jeune femme téléphone. Et toujours la même information en boucle : la mort du dictateur serbe. Mort d’un infarctus. Et dans la ville, les sirènes hurlent toujours. La fille se regarde dans la glace et les deux portes claquent en se refermant. Au-dessus, comme dans le ciel noir, surgit dans la lumière un jeune homme ; derrière un micro, coryphée en hoodie. On entend alors le mot KOSOVO. Fait-il un discours comme celui que fit Milosevic, « l’ogre des Carpates » en 1989 au champ des merles ?

Quatre poèmes du Montreur d’ombres par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Lundi, 29 Juin 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

 

 

 

Les loups ne chassent plus entre les cils du jour

Secrètement passés où naissent les regards

y flairant des larmes charrieuses de cendre

ils traversent nos mains égarées sur eux

pour tenailler l’aube au risque du ciel

Leurs empreintes sans fond traquent des lointains

après qu’ils ont fini de suspendre à nos cous

leurs crocs de chaux passés au râpeux des peines

Federico García Lorca, Revue Europe par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 26 Juin 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Federico García Lorca, Revue Europe, 93e année, avril 2015, n°1032, 368 pp., 20 €

(4 rue Marie-Rose 75014 Paris, Tél. & télécop : 01.43.21.09.54)

Europe.revue@wanadoo.fr //  http://www.europe-revue.net/

 

[N.B. Cette chronique est partagée entre les magazines en ligne : Recours au Poème et La Cause Littéraire]

 

Précieux cahier

Federico García Lorca a fait plus que passionner une foule innombrable de lecteurs, il les a fascinés et ensorcelés. Lorsqu’il vivait, certes, mais aussi après qu’on l’eut assassiné, à Grenade, en août 1936, longtemps après, et aujourd’hui encore le charme joue et agit. La personnalité élégante du poète, son inscription dans le XXe siècle, son Romancero gitano, toute sa poésie, son théâtre… il est juste que les jeunes gens de ce début de siècle puissent y être conduits et initiés. Cette seconde livraison de la Revue Europe consacrée à Lorca satisfait à cette intention de fort belle manière. Il faut la saluer (1).

Un peu de beauté (4ème et dernière partie)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 26 Juin 2015. , dans La Une CED, Les Dossiers, Etudes, Côté Arts

 

Réalisme symbolique (19ème siècle)

Portrait de la sœur de l’artiste (1887, 96x74,5 cm) (1) de Fernand Khnopff (1858-1921)

Quand l’artiste Fernand Khnopff peint sa sœur Marguerite, son double, une jeune fille énigmatique apparaît, en pied, dans une robe immaculée. 400 ans plus tard, telle La Dame à la Licorne de Raphaël, elle ne nous livre qu’une part d’elle, une bouche fermée, un regard fuyant et un visage tourné sur le côté. Elle tient son bras ganté, ne dénude aucune partie de sa chair. La couture du milieu de la robe suture le buste, la poitrine haute. Tous les blancs – de l’ivoirin des longs gants au laiteux de l’étoffe – sont traités de manière liliale. La sœur inspiratrice du Beau s’élève comme une colonne lactescente, dans un environnement clair où, à la hauteur du cœur, un objet rond, en or, est accroché au mur.