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La Une CED

En écho du poète

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 22 Novembre 2014. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Vous prenez un texte, vous le recréez à votre façon en le lisant / & vous en arrêtez le cours / d’un coup d’arrêt de lecture / net. Un coup dans les jarrets d’un mot. Pour en imaginer la suite au long cours / des images… Quand vous le reprenez,

--- vous êtes, vous êtes

enfoui / enfui dans la cage de transport / du chien. Vous serrez les poings, vous écoutez. Vous lèchent les abords de la nuit, pour y voir de plus près / au plus loin. Vous êtes---

recroquevillé parce que vous n’êtes pas un chien. Aux aguets de la tête aux pieds, cœur-tendresse / cœur d’Orage ; parce que vous n’êtes pas un chien mais, le croyez-vous vraiment ?---

Parce que vous êtes---

vous êtes LE chien, puisque vous vous inquiétez pour le chat. LE chat, parce que vous aimez le poisson rouge. LE poisson rouge, parce que vous regardez nager dans le ciel / un oiseau rouge, au cri cœur-d’Orage.

Violences, Brigitte Aubonnet, Nouvelles

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Violences, Brigitte Aubonnet, Nouvelles, Éd. Le Bruit des autres, juin 2014, 170 pages, 14 € (www.lebruitdesautres.com)

 

Brèves considérations sur la réception de la nouvelle

et sur ce recueil-ci

 

« On dit d’un fleuve emportant tout sur son passage

qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence

des rives qui l’enserrent »

Bertolt Brecht, cité par Brigitte Aubonnet

Le Jardin de derrière (2)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 20 Novembre 2014. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Où Georges rencontre les indigènes

 

Tôt le lendemain, par un joli temps de mai, Georges alla faire quelques courses chez Auchan. Le parking était à moitié vide, en ce dimanche matin. Devant les portes du magasin étaient exposées de lourdes tables de jardin, des auges de pierre et deux bétonneuses. La peinture un peu écaillée, avec des traces de rouille, elles semblaient avoir passé l’hiver là, sur ce parking, et leurs tréfonds retenaient peut-être un peu de neige mêlée aux feuilles de l’automne dernier. Georges médita devant elles. Il était tenté par le petit modèle. Ou une auge en plastique suffirait-elle, pour commencer ? À moins qu’il ne casse tout ce béton pour planter du gazon. Ce serait un gros chantier, et il ne savait pas trop comment s’y prendre. Il regarda autour de lui les hommes qui entraient et sortaient du magasin, remontaient dans leur voiture ou poussaient des caddies devant eux, en jogging ou en jean, leur pull à col camionneur aux manches relevées au-dessus du coude. Sauraient-ils le lui dire ?

Notebook, Joë Bousquet

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Novembre 2014. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Une écriture de chair

Il n’est peut-être pas abusif de dire combien les éditions Rougerie ont compté pour la diffusion du poète et écrivain Joë Bousquet, même si cette ligne éditoriale remonte aux années 60, où l’éditeur de Mortemart a publié un premier livre de l’auteur de Carcassonne. Car cette œuvre semble passer le temps. Ne pas s’amoindrir par l’époque. Je dis cela en connaissance de cause car ce Note-Book est arrivé à moi par les mains d’Olivier Rougerie, ce qui laisse entendre la fidélité extraordinaire de ce vrai éditeur limousin, livre qui m’a tenu un discours, que je vais essayer maintenant de vous  communiquer.

Ce livre est constitué de deux parties. Une trentaine de pages de réflexions assez abstraites, et une vingtaine de feuillets biographiques, lesquels permettent de connaître l’auteur vu par lui-même. On sait donc que Joë Bousquet, blessé sur le front en 14, est resté alité jusqu’à la fin de ses jours dans une chambre à Carcassonne. Et il a produit là une œuvre importante et pour finir peut-être un peu confidentielle, si je puis m’avancer sur ce sujet. À bien réfléchir cette littérature de l’isolement, de la réclusion est assez typique des personnes immobilisées dont le seul et dernier recours est d’écrire. Le poète de Carcassonne est de cette espèce.

L’invention musicale : essai de définition

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 13 Novembre 2014. , dans La Une CED, Les Chroniques, Côté Musique(s)

 

21 janvier 1943. Carnegie Hall, New York. Dans quelques minutes, ce sera la première audition américaine du Concerto pour deux pianos et percussion de Béla Bartók. Dans quelques minutes, Fritz Reiner dirigera l’Orchestre de la New York Philharmonic-Symphony Society, et Bartók sera au piano. Il faut que ça marche, se dit le compositeur. Il faut que par ce concert ma carrière soit relancée. Il faut que, instant après instant, les instrumentistes soient en accord – un accord profond, tenace – avec ma musique, sans omettre une seule indication, une seule fraction du silence sans quoi rien de ce qui est la musique ne pourrait nous atteindre, nous atteindre et suspendre dans le vide bleu, très pâle, de l’infini ce qui, de notre intériorité, est le plus embrasé. Le concert commence ; Bartók ne sait pas, bien sûr, que ce qu’il vit là, c’est son dernier concert. Comment pourrait-il savoir qu’il y aura bientôt un 22 septembre, et que ce jour-là il sera emmené au West Side Hospital. Comment pourrait-il connaître à l’avance les mots qu’il prononcera, à plusieurs reprises, alors : « Il est bien dommage que je doive partir alors que ma valise est encore pleine ». Comment pourrait-il savoir que le 26 septembre, son épouse et son fils se sentiront impuissants face à son dernier soupir, qu’ils ne sauront pas comment recueillir.