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Critiques

La Montagne magique, Thomas Mann (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 14 Novembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Fayard, En Vitrine, Cette semaine

La Montagne magique, Thomas Mann, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, Fayard, 2016, 782 pages, 39 euros. . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Fayard

 

Sur la Montagne magique, tutoyer l’amour.

La nuit de Walpurgis, dans un salon de la maison Berghof, sanatorium cossu de Davos, Hans Castorp déclare à Clavdia Chauchat son amour. Il le fait en français, la langue qui permet, dans ce monde « d’en haut » où le seul lien évident entre pensionnaires est un mal identique, d’échanger des politesses entre gens qui ne parlent pas la même.

Mais il n’est plus question, dans l’intimité que tissent piano et rumeurs de la fête, de politesse. « Je t’aime, balbutia-t-il, je t’ai aimée de tout temps, car tu es le Toi de ma vie, mon rêve, mon sort, mon envie, mon éternel désir… »* Hans, qui ne s’est jamais auparavant adressé à Clavdia, la tutoie d’emblée. Car, de même que la tuberculose outrage, sans se laisser d’abord voir puis à grand renfort de drames, la vie de cette communauté dont les apparences doivent rester sauves, de même la vie intérieure de Hans est trop bouillonnante pour se plier encore, cette nuit de Walpurgis, aux cachotteries bienséantes d’une conversation mondaine.

Les Trois Villes, Émile Zola, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade (par Gilles Banderier))

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 13 Novembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, En Vitrine, La Pléiade Gallimard

Les Trois Villes, Émile Zola, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », mars 2025, XLII + 1888 pages, 79 €.

 

Depuis bien des années déjà, on discute régulièrement du caractère opportun (ou non) et indispensable (ou non) de telle ou telle nouveauté venue étoffer le catalogue de la « Bibliothèque de la Pléiade ». Même préfacé par feu Marc Fumaroli, feu Jean d’Ormesson était-il plus important qu’Érasme, Milton, Leopardi, Thomas Mann ou Hermann Broch, tous absents dudit catalogue ? À qui observerait que le comité éditorial de la Pléiade est libre de publier qui il l’entend, on répondra que ce n’est pas tout à fait exact, car la Pléiade, imitée par des éditeurs étrangers (en Italie, Mondadori et Einaudi, qui a fait paraître sous le vêtement de la collection française des auteurs que celle-ci n’a pas publiés en France), a acquis le statut d’une collection semi-officielle, où l’on peut à bon droit s’attendre à trouver les plus grands auteurs étrangers, mais aussi et surtout les plus grands écrivains de ce qu’un critique anglais appelait « the third classic », après la Grèce et Rome : la littérature française.

Les mondes de Colette / Catalogue d’exposition sous la direction d’Emilie Bouvard, Julien Dimerman et Laurence Le Bras (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mercredi, 12 Novembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Gallimard, Arts, Albums

Les mondes de Colette / Catalogue d’exposition sous la direction d’Emilie Bouvard, Julien Dimerman et Laurence Le Bras / Gallimard BNF / Septembre 2025 / 240 pages / 35€ . Ecrivain(s): Colette Edition: Gallimard

La vagabonde insaisissable

On célèbre beaucoup Colette, ces derniers temps. On a fêté les cent cinquante ans de sa naissance, il y a peu ; des colloques ont été organisés ; elle est au programme officiel des lycéens et une exposition à la BNF lui est actuellement consacrée. Elle fut pourtant oubliée à une époque où l’on privilégiait le roman dit « nouveau » et « l’aventure d’une écriture » selon l’expression bien connue de Ricardou. Après cet oubli, le monde de Colette nous revient, à juste titre, sur le devant la scène.

La BNF François Mitterrand organise donc une grande exposition sur Colette. Elle rassemble plus de 300 pièces et met l’accent sur la diversité de cette autrice à la riche personnalité. Le catalogue de l’exposition dirigée par Emilie Bouvard, Julien Dimerman et Laurence Le Bras reflète cette variété.

Chergui, Joëlle Pétillot (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 12 Novembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Chergui, Joëlle Pétillot, Editions Fables Fertiles, novembre 2025, 112 pages, 15,20 euros

 

« Cette histoire est celle d’une cité ocre et blanche, posée en plein désert comme un bijou sur du sable ». Ainsi commence Chergui, le dernier livre de Joëlle Pétillot.

Sous la réverbération étourdissante de la lumière méridienne, une veuve, revenant du souk, s’effondre au milieu de la rue — non pas saisie par la mort, mais happée par un sommeil profond. Bientôt, un vieil homme, des enfants, puis une jeune fille promise à un mariage imminent, sont à leur tour gagnés par cette étrange léthargie. Sans logique apparente, le mal choisit ses proies : la cité se peuple alors « d’endormis » — corps animés d’une troublante absence-présence — et « d’éveillés », condamnés à l’impuissance, au silence, à la douleur de voir s’éloigner, sans comprendre pourquoi, ceux qu’ils aiment.

Les mois passent, les chagrins s’amoncellent, alourdis par l’incompréhension ; la peur s’installe. Pourtant le désert murmure qu’une présence s’annonce. Quelque chose ? Quelqu’un ?

Pur bonheur et autres récits, Katherine Mansfield (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Novembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Océanie, Rivages poche

Pur bonheur et autres récits, Katherine Mansfield, préf. et trad. Fanny Quément, 256 p., sept. 2025, éd. Rivages, 9,70€ Edition: Rivages poche

 

Katherine Mansfield, née en 1888 à Wellington, capitale de la Nouvelle-Zélande, issue de la bourgeoisie blanche, est une écrivaine mondialement reconnue, en dépit de sa mort précoce à 34 ans, en 1923, à Avon, près de Fontainebleau. L’insulaire native d’Océanie a été la victime d’une grande souffrance physique et d’une vie psychique tumultueuse. Fanny Quément indique que, « néanmoins, les nouvelles de Mansfield relèvent beaucoup moins de l’autobiographie que de la fiction moderniste, et son style fut d’ailleurs le seul que Virginia Woolf ait jamais envié ».

Dès les premières pages de Pur bonheur, des éléments de la matière textuelle de l’autrice néo-zélandaise recouvrent un temps de l’enfance, éléments tendrement désuets, temps teinté d’inquiétude : « un manteau à boutons marins », « une casquette à rubans de cuirassé », « le buggy », « son réticule de soie noire », « un pilulier laqué de noir à l’extérieur et du rouge à l’intérieur, avec un peu de ouate », « son corset à jupon couvert de volants tout en soieries », « ses jarretelles », etc., tous signes marqués d’une époque.