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Roman

Le voyage empêché, Tassadit Imache (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 15 Décembre 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le voyage empêché, Tassadit Imache, éditions Hors d’atteinte, octobre 2023, 135 pages, 15 €

 

Perambulation

« Écrivaine discrète et pudique, Tassadit Imache ne cesse depuis plus de vingt-cinq ans d’interroger ce qu’il y a d’humaniste dans sa double appartenance. Née dans le conflit, d’une mère française et d’un père algérien, en pleine guerre d’indépendance, elle porte ces traces dans sa chair et naturellement dans ses romans » (Arezki Metref, Le Soir d’Algérie, 2010).

Tassadit Imache, née en 1958 à Argenteuil, a choisi pour son huitième roman un titre ambivalent, Le voyage empêché. Il s’agit en l’occurrence d’un déplacement limité dans l’espace environnant, un voyage désiré par une personne en retrait mais retenue par un mystérieux obstacle, suivi d’un retour à la nature à la manière de Thoreau. Ce qui fait écrire à l’autrice : « Tous ceux qui prétendaient franchir l’horizon sont assignés à quai par les lois des hommes ». Apophtegme toujours d’actualité. Tassadit Imache est travaillée sans cesse, en filigrane, par un retour vers l’Algérie, Tizi-Ouzou, la capitale du Djurdjura, le « Col des genêts ».

L’Envers de l’éperon, Michel Bernanos (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Décembre 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine

L’Envers de l’éperon, Michel Bernanos, L’Arbre Vengeur, 2018, 217 pages, 17 €

 

La lecture de ce roman est une véritable suffocation. La tension de l’arc narratif, des premiers mots aux derniers, est permanente tant le « contrat » de départ – au sens donné chez un tueur professionnel – ligote l’action dans une cible intangible et improbable : un frère aîné se voit confier la mission de tuer son frère cadet, qu’il aime et admire.

Michel Bernanos situe l’action au Brésil, dans les espaces brûlants du Sertão, emplis des échos annonciateurs du Diadorim de João Guimarães Rosa et des souvenirs d’enfance de l’auteur, qui vécut, avec son père Georges Bernanos et sa mère, plusieurs années dans ce pays. Le Sertão, devenu un espace mythique de la littérature, qui sert de cadre à tant de chefs-d’œuvre de Guimarães Rosa, Vargas-Llosa, Ribeiro Ubaldo, Da Cunha, et qui a la faculté de s’ériger en personnage central de tous les romans qu’il abrite.

Monsieur Ladmiral va bientôt mourir, Pierre Bost (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 04 Décembre 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Gallimard

Monsieur Ladmiral va bientôt mourir, Pierre Bost, Gallimard L’Imaginaire Poche, août 2016, 103 pages, 8 € Edition: Gallimard

 

L’adieu à l’écriture romanesque :

Lorsque ce roman de Pierre Bost fut publié par les Éditions Gallimard en 1945, cela faisait plus d’une dizaine d’années que l’écrivain n’avait pas écrit de roman et que depuis 1940, il se consacrait essentiellement à l’écriture de dialogues puis de scénarios pour le cinéma en collaboration à partir de 1943 avec Jean Aurenche. Pourtant il fut dans l’entre-deux guerres un romancier précoce – son premier roman, Hercule et mademoiselle, fut publié alors qu’il n’avait que vingt-trois ans – très apprécié de ses contemporains et fort remarqué de Gallimard dont il deviendra un lecteur de manuscrits. En écrivant Monsieur Ladmiral va bientôt mourir, Pierre Bost, à l’évidence, savait qu’il faisait ses adieux à la littérature et l’on ne peut lire cet ouvrage sans avoir en permanence à l’esprit qu’il s’agissait pour lui d’une sorte de petit testament littéraire, comme l’analyse et le souligne avec sagacité François Ouellet dans la revue littéraire Nuit blanche.

Misericordia, Lídia Jorge (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 30 Novembre 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Métailié, En Vitrine, Cette semaine

Misericordia, Lídia Jorge, Métailié, Bibliothèque portugaise, août 2023, trad. portugais, Elisabeth Monteiro Rodrigues, 416 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Lidia Jorge Edition: Métailié

 

« Avant j’avais l’habitude de demander qu’on me lise les informations, mais maintenant je ne veux plus. Dans la vie, naturellement, le bien succède au mal, dans les journaux, au contraire, on ne fait qu’ajouter du mal au mal, j’ai dit. J’ai précisé cependant que j’aimais toujours écouter lire, à présent que je n’arrivais plus par moi-même ».

« Oh ! Joie, conduis-moi à travers la rue tortueuse – la mort dort à la porte. Je la chasse avec ton bâton ».

Elle se nomme Maria Alberta Nunes Amado, et on l’appelle Dona Alberti. Misericordia est son journal, le journal de sa vie en maison de retraite, transformé en roman par sa fille Lídia Jorge. Un journal enregistré entre le 18 avril 2019 et le 19 avril 2020 dans sa chambre de l’Hôtel Paradis devenu maison de retraite. S’y ajoutent des notes manuscrites que l’auteur a glissées en fin de chaque chapitre, qui sont comme des éclats de vie et de joie. Elle s’enregistre car elle a du mal à écrire, à former les lettres. Les mots et les phrases offerts ainsi par la mère deviennent un roman sous la plume de sa fille.

Les 7 vies de Melle Belle Kaplan, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 30 Novembre 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Plon

Les 7 vies de Melle Belle Kaplan, Gilles Paris, éd. Plon, septembre 2023, 224 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

 

L’auteur, dont j’ai aimé Certains cœurs lâchent pour trois fois rien, Le bal des cendres, et Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, a souhaité, dans ce dernier roman, très romanesque, brosser le portrait d’une femme, très belle, au passé mouvementé, qui a pris l’habitude de changer de nom et de vie, d’éveiller des mystères, d’échapper aux rumeurs, en dépit d’une célébrité voyante par son statut d’actrice hollywoodienne.

Elle collectionne les vies comme on le fait de rôles.

Orpheline, elle a connu les affres d’un orphelinat, en compagnie de son frère Ben, a connu des placements, a vécu nombre de vies.

Elle collectionne les noms Grace, Paradis, Talia, Belle.

Elle veut à tout prix qu’on ne lui rappelle pas des épisodes moins glorieux de son existence.

Elle construit celle-ci à force de prénoms et de coiffures et d’apparences.