Identification

Roman

La chaise du fond, Christian Milleret (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 29 Janvier 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

La chaise du fond, Christian Milleret Éditions du Petit Pavé – Mars 2013 180 pages – 18 €

Le début du roman nous prépare à la possibilité d’une « libération » pour son héros, Vincent : en pleine fleur de l’âge, celui-ci ne cesse de ressentir chaque jour l’espace étriqué de son village, l’esprit étriqué de ses habitants – apparemment, ceux-là acceptent sans conscience un quotidien monotone et dépourvu de relief. Face à cela, Vincent attend impatiemment que s’achève le dernier été qu’il passera dans son village, car il a décidé de rejoindre la capitale, ses lumières et son cousin Tom. Obsédé par le destin d’un père mort trop tôt – un père alcoolique et parfois violent, trop intelligent pour supporter les vicissitudes d’une vie rétrécie –, le héros a pour ambition de « vivre » et d’affirmer une volonté dont semblait incapable son père. Néanmoins, ses plans demeurent incertains.

Le roman annonce ainsi le tressage d’un chemin de réussite, celui d’un « provincial » encore néophyte. La détermination du personnage est telle (notamment pour sortir de sa situation de départ) qu’on le croit prêt à braver tout obstacle et à dépasser, sur sa voie future, les derniers pans écroulés de sa naïveté. Mais si la réussite, en l’occurrence celle de Thomas, fait bien partie du paysage parisien dans lequel il tombe, les circonstances s’apprêtent lentement à favoriser la désillusion. La ville et ses lumières, convoitées avec tant de force, laisseront progressivement place à un espace plus obscur.

Ce que je sais de toi, Éric Chacour (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 26 Janvier 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Philippe Rey

Ce que je sais de toi, Éric Chacour, éditions Philippe Rey, août 2023, 304 pages, 22 € Edition: Philippe Rey

 

Ce premier roman tout à fait remarquable, par le sujet, l’écriture, vient d’obtenir le Prix Femina des Lycéens et le Prix Première Plume.

Construit en trois parties (Toi, Moi, Nous), le roman est la chronique écrite par un fils, consacrée à son père, qu’il n’a jamais connu, puisque né après son départ.

L’histoire se déroule entre 1961 et 2001, essentiellement au Caire mais également à Montréal.

Tarek, fils de médecin cairote, devient lui-même médecin, responsable d’un dispensaire dans le quartier défavorisé de Moqattam.

On le suit ainsi de ses douze ans à cinquante-deux ans.

L’intérêt de la chronique est de plonger dans la vie d’un jeune médecin, marié à Mira ; il a une sœur, Nesrine, et sa mère vit encore dans l’appartement du dessus de la villa.

Un Galgo ne vaut pas une Cartouche, Jean-François Fournier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 25 Janvier 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Olivier Morattel éditeur

Un Galgo ne vaut pas une Cartouche, Jean-François Fournier, Olivier Morattel Éditeur, octobre 2023, 168 pages, 16,50 € Edition: Olivier Morattel éditeur

« Alors, il est prêt dans son habit goyesque sans paillettes. Le peuple va tout oublier. L’ennui, les impôts, le bureau, les baises minables, Dieu qui a déserté le Nou Camp, ses bouquins à lui, les gribouillis de l’Autrichien comme les beuveries et les combats sur toiles de son alter ego Francisco de Goya y Lucientes. Il monte le son. Le galgo siffle et pointe sa truffe sur le duo de commentateurs qui déborde du téléviseur ».

Mais qui est donc ce galgo qui donne son titre à ce roman ? et que signifie cette phrase, qui sonne comme une sentence ? Et cela en est une ! Le galgo est un lévrier qu’adoptent en Espagne les chasseurs pour traquer les lièvres, et qui risque sa vie s’il ne répond pas aux attentes de son maître. Et l’adage veut qu’une cartouche de fusil est une mort trop douce pour le chien qui ne traque pas bien les lièvres, il sera donc, pour certains, torturé et pendu. Grâce à Dieu, le galgo du roman de Jean-François Fournier est en de bonnes mains et sous haute et étonnante protection romanesque, celle des personnages du roman, tous plus touchants les uns que les autres, et pour l’animal gracieux, traverser ce roman sera une partie de plaisir, après avoir, nous le saurons plus tard, frôlé la mort.

Je cherche un homme, Hugo Chereul (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Jeudi, 25 Janvier 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Je cherche un homme, Hugo Chereul, éditions Mané Huily

 

Le civet Chereul

 

Certains écrivent comme d’autres peignent.

Lisant Hugo Chereul, j’avais Jean Rustin en tête ou Paul Rebeyrolle en fond de rétine. Une peinture dure, une peinture des sens et du cri, de la matière fécale ou humorale. Rustin et Rebeyrolle, par exemple, nous disent de regarder et, en même temps, nous retournent le regard à l’intérieur. Viscéralement, tripaillhaineusement.

Chereul est de cette toile intérieure, de ce coup de pinceau, une écriture au couteau.

Le Désert des Tartares (Il deserto dei Tartari, 1940), Dino Buzzati (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 24 Janvier 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pocket, En Vitrine, Italie

Le Désert des Tartares (Il deserto dei Tartari, 1940), Dino Buzzati, Editions Pocket, 2004, trad. italien, Michel Arnaud, 267 pages Edition: Pocket

 

C’est avec Le Désert des Tartares, publié en 1940, que Dino Buzzati devint un écrivain majeur, en Italie et dans le monde. Ce qui a fasciné – et fascine encore – les lecteurs est ce monument d’immobilité et d’intemporalité que l’auteur a bâti autour d’une attente qui, bien que palpable au quotidien, semble proche d’un univers onirique. Si le rêve est déplacement, condensation et métaphore, celui de Giovanni Drogo, le jeune sous-lieutenant est immuabilité, dilatation et réalisme. De quelle attente s’agit-il ? D’un possible (probable ?) assaut à venir des Tartares contre la forteresse qu’il défend ? La courbe narrative du roman nous laisse plutôt penser à la seule attente qui compte dans une vie : celle de la mort, faisant ainsi de ce roman une métaphore de la condition humaine.