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Roman

Silas Marner, Le tisserand de Raveloe, George Eliot (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 08 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

Silas Marner, Le tisserand de Raveloe, George Eliot, Folio, janvier 2023, trad. anglais, Pierre Leyris, Alain Jumeau, 368 pages, 9,20 € Edition: Folio (Gallimard)

Au dix-neuvième siècle, deux George se partagent la renommée littéraire : Sand, la Française, et Eliot, l’Anglaise, et la seconde admirait l’œuvre de la première. D’ailleurs, à certains égards, cette admiration transparaît dans Silas Marner (1861) : il y a de La Mare au diable et de La Petite Fadette, ces beaux récits ruraux publiés quatorze et douze ans auparavant, dans cette évocation d’une rude campagne anglaise où la solitude et l’habitude semblent la règle, et que survienne une belle exception à cette règle !

Reprenons. Silas Marner est le troisième roman de George Eliot, qui vient de rencontrer le succès critique et public avec Le Moulin sur la Floss juste un an auparavant : à cette vaste fresque d’un amour tragique succède un récit plus bref, resserré, dont les quelque deux cents premières pages manuscrites effrayeront l’éditeur lorsque l’autrice les lui enverra – trop sombres, trop tragiques. Ses craintes s’avéreront vaines : le troisième tiers de Silas Marner est lumineuse, comme cela advient régulièrement dans le roman anglais du dix-neuvième siècle ; aux Français les fins désespérantes, aux Anglais la rédemption finale.

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Le Livre de Poche, En Vitrine, Cette semaine

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann, Le Livre de Poche, trad. allemand, Félix Bertaux, Charles Sigwalt, Axel Nesme, 138 pages . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Le Livre de Poche

 

Roman d’un déclin inéluctable inscrit dans une Venise glauque, écrasée de soleil et de puanteurs, assaillie par une épidémie de choléra, La Mort à Venise est un thrène dédié à la vieillesse et à la déchéance d’un homme. Loin, très loin des clichés de la Venise des fêtes et des touristes de la Place Saint-Marc, cette novella nous invite à entendre les derniers élans, la dernière passion, les derniers doutes, le dernier désespoir, le dernier souffle de Gustav Aschenbach, un écrivain quinquagénaire, venu à Venise pour nourrir son amour des arts et échapper un temps à sa ville d’origine, Munich, qui le déprime.

C’est un Ange qui va l’accompagner dans ce dernier chemin. Un Ange droit sorti d’un tableau de Léonard, aux traits fins, presque féminins, aux cheveux longs et ondulés. Tadzio. Dans les lignes qui suivent, surgit le Saint Jean-Baptiste de maître Leonardo, et Mann place l’image réelle au-dessus de celle de l’artiste.

Un honnête homme, Isabelle Flaten (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Lundi, 05 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Anne Carrière

Un honnête homme, Isabelle Flaten, éditions Anne Carrière, mars 2023, 224 pages, 19 €

 

À chaque roman, Isabelle Flaten s’autorise une nouvelle expérience, une nouvelle exploration, une nouvelle écriture. Donc, à chaque fois, ses lecteurs fidèles s’attendent à une aventure inédite et se laissent surprendre. Dans cet ouvrage qui fait partie intégrante de notre patrimoine, elle assume avec hardiesse le risque de puiser dans la bibliothèque du monde pour inventer une nouvelle version d’un roman emblématique : Madame Bovary. Par là-même, elle pointe toutes les contradictions de son créateur originel qui critique son époque tout en s’y complaisant.

Dans sa dernière publication, Un honnête homme, publié pour la première fois aux éditions Anne Carrière en 2023, l’écrivain exerce avec talent sa liberté de penser. D’emblée, le titre nous annonce la suite. Elle va donner consistance à un personnage de l’ombre, un simple « officier de santé », celui de Charles Bovary, un antihéros. Elle va prendre le contre-pied de Flaubert qui fait de Charles un portrait peu valorisant. Elle choisit celui-ci délibérément pour en dessiner un portrait complexe loin de la médiocrité où son précurseur l’avait cantonné qui l’avait délibérément affublé d’un nom ridicule proche du bovin.

Les Enfants Oppermann, Lion Feuchtwanger (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 31 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Métailié, En Vitrine

Les Enfants Oppermann, Lion Feuchtwanger, Editions Métailié, février 2023, 400 pages, 23 € . Ecrivain(s): Lion Feuchtwanger Edition: Métailié


1933, 2023, quatre vingt dix ans séparent la première publication de ce roman de sa présente seconde édition chez Métailié. Une réédition donc qui intervient dans un contexte fragile pour nos démocraties, une réédition qui elle aussi veut nous alerter de certains dangers, et c’est tant mieux, mais qui s’adresse aussi et surtout à des lecteurs de prime abord acquis à la cause démocratique, en tout cas pour la plupart. C’est toute l’ambivalence de ces publications dont on vante mérite et bienfaits, mais dont on se cache qu’elle ne sera sans doute pas lue par ceux qu’elle vise… Sans doute le ton du livre est-il à l’œuvre dans l’expression pessimiste ici écrite. Et pourtant…

En 1933, l’auteur a fui l’Allemagne pour se réfugier en France, à Sanary, qui lui aura servi pour des descriptions de notre midi méditerranéen, alors que le personnage central a quitté l’Allemagne nazie pour les environs de Toulon. Mais nous nous situons là à la presque fin du roman (sans pour autant en dévoiler la toute fin).

Scholomance, Tome 1 Éducation meurtrière, Naomi Novik (Par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, J'ai lu (Flammarion)

Scholomance, Tome 1 Éducation meurtrière, Naomi Novik, éd. J’ai Lu, avril 2023, trad. anglais (USA) Benjamin Kuntzer, 384 pages, 8,60 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

La carrière éditoriale de l’Américaine Naomi Novik vient d’entrer dans une troisième période. La première fut celle de la remarquable série Téméraire (2006-2016), une rencontre en neuf tomes entre Cecil Scott Forester et Robin Hobb, pour faire très bref. La deuxième fut composée de deux romans sublimes : Déracinée (2015) et La Fileuse d’argent (2018), deux histoires qui plongeaient dans le folklore de l’Est de l’Europe, tant yiddish que slave, proposant chacune la destinée d’une jeune femme confrontée à une magie terrifiante et pourtant magnifique ; deux romans multi-primés, deux chefs-d’œuvre d’une fantasy plongeant aux racines du genre, en l’occurrence le conte (dans le genre, on ne voit que la Trilogie d’une nuit d’hiver de Katherine Arden à posséder autant de grâce et de puissance narrative).