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Roman

Divorce à l’anglaise, Margaret Kennedy (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 25 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, La Table Ronde

Divorce à l’anglaise, Margaret Kennedy, La Table Ronde, avril 2023, trad. anglais, Adrienne Terrier, Anne-Sylvie Homassel, 396 pages, 24 € Edition: La Table Ronde

« Eliza […] se rendait compte – peu à peu mais irrémédiablement – que les Canning ne formaient plus une famille. Ils étaient désormais cinq individus sans existence commune ».

 

Ce que divorcer veut dire

Sur la couverture, dessinée par Mathieu Persan – jaune sur fond vert, un vert de la crudité des impeccables pelouses britanniques – deux fauteuils vides, dos à dos, et des nuages derrière les fenêtres interrogent : faut-il persister, malgré le confort qu’elle procure, dans la vie commune si celle-ci n’est devenue qu’un décorum au parfum étouffant comme celui d’un bouquet disproportionné ? Alec et Betsy Canning ont décidé que non. Ils vont donc divorcer. Betsy l’annonce par lettre à Mrs Hewitt, sa mère. Et voilà qu’une situation claire et simple, un divorce à l’amiable, se transforme en affaire assez complexe pour qu’il y ait de quoi en faire un roman tragi-comique dans lequel l’auteur ne discute pas le bienfondé de ce divorce ni du divorce en général mais s’attache à explorer, avec minutie, ce qu’est psychologiquement, socialement et matériellement, un divorce.

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 25 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard, La Table Ronde, Coll. La Petite Vermillon, avril 2023, 240 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Quand on nomme le nom d’Auguste Rodin, on pense très spontanément à ses œuvres les plus connues, Le Penseur, ou encore L’Âge d’airain. Le roman de Michel Bernard décrit la rencontre et les liens qui se nouent au fil du récit entre Auguste Rodin, sculpteur déjà consacré et reconnu, et Omer Dewavrin, Maire de Calais. Nous sommes en 1884, à l’approche du centenaire de la Révolution. Omer Dewavrin souhaite faire ériger un monument en hommage aux Bourgeois de Calais, ces six hommes qui offrirent les clés de la ville aux Anglais pendant la guerre de Cent ans, en 1347, épargnant ainsi à la ville de Calais une probable dévastation par les troupes ennemies.

Dès la première rencontre, rue de l’Université, siège de l’atelier de Rodin, une nécessité esthétique s’impose à ce dernier : rappeler les couleurs du ciel flamand, les nuages de la mer du Nord : « Il affirma que ces hommes d’autrefois, ces Français du Moyen Âge, les avaient vus, ce ciel, ce soleil, cette mer, comme lui, comme tous les Calaisiens ».

L’Étoile brisée, Nadeije Laneyrie-Dagen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 24 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

L’Étoile brisée, Nadeije Laneyrie-Dagen, Folio, février 2023, 832 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

En 1472, « Isabel de Castille avait commencé de détester ceux qu’elle appelait les assassins du Christ ». À Santoña, craignant (à juste titre) un « massacre », Shimon Cocia, barbier de son état, ordonne à ses deux fils, Yehonana et Yehoyakim, de prendre la route. Désormais « Joaquín et Juan », l’un partira vers le Nord, « Tolosa », l’autre restera dans le petit port de Getaria. Les deux, ont, cousu dans la doublure de leur cape, « un triangle en cuivre doré, la moitié d’un sceau de Salomon, la figure en étoile qui formait le symbole des Juifs ». Ils partent, s’inventent une nouvelle vie, et ces deux vies permettent à Nadeije Laneyrie-Dagen de peindre une fresque aussi réaliste que vue à hauteur d’homme (et de femme) de l’Europe entre 1472 et 1525, avec un brio sans nulle faille et un allant narratif qui fait que, comme lorsqu’on lisait Les Rois Maudits, on dépasse allègrement l’heure à laquelle il eût été raisonnable d’éteindre les feux.

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore), Carlo Emilio Gadda (par Leon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Points, En Vitrine, Italie, Cette semaine

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore, Einaudi 1963), Carlo Emilio Gadda, Ed. Points, trad. italien, Louis Bonalumi, François Wahl, 247 pages . Ecrivain(s): Carlo Emilio Gadda Edition: Points

 

Gadda est un écrivain fasciné par le semblant littéraire, la faculté de la littérature de tordre la réalité pour la sertir mieux dans l’écriture fictionnelle. Le cadre même de ce roman est un masque qui cache la réalité : le pays imaginaire inventé par Carlo Emilio Gadda, le Maradagàl, situé dans une Amérique du Sud fantasmée, sert d’écran à une géographie dont on ne peut douter qu’elle soit celle du nord de l’Italie, de la Lombardie milanaise. Toutes les descriptions locales en attestent, des paysages vallonnés, piquetés de villas bourgeoises. Un personnage, Bertoloni, est un émigré lombard. Même le fromage – qui a droit à une description inoubliable et burlesque – le croconsuelo cache à peine le très fameux gorgonzola dans un paragraphe à la saveur… dégoulinante !

La Famille, Naomi Krupitsky (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Gallimard

La Famille, Naomi Krupitsky, Gallimard, mars 2023, trad. anglais (USA) Jessica Shapiro, 400 pages, 24 €

 

C’est l’histoire d’une (deux en fait) famille d’origine sicilienne, aux États Unis des Années trente aux années d’après-guerre, qui appartiennent à la Famille, la mafia donc. « Le Parrain » un et deux, en littérature ? À la fois différent, et mieux. Remarquable fresque qui déploie son impeccable tissu, chaîne et trame, sans oublier les couleurs, sur deux (et demi) générations d’Italo-Américains, installés dans un Brooklyn d’avant celui qu’on connaît, mélangeant le quotidien des familles – parfait rendu historique, le déroulé des saisons si particulières à New York, et le point de vue choral des principaux intervenants.

C’est la grande Histoire brassant le vécu de ces émigrés débarquant, perdus et apeurés à Ellis Island, au début du XXème siècle, avec au fond de leurs cartons un peu de la terre sicilienne, puis pendant la guerre, fuyant l’Europe nazie.