Jeannot s’interrompt pour répondre à un doigt levé.
Il fallait, dans la séduction, faire preuve de tact, c’est-à-dire ne montrer aucune marque de désir, car le désir s’exprime, chez les hommes, avec une certaine agressivité. L’agressivité fait fuir.
Il organisait, chez lui, des soirées où il « enseignait l’art de l’approche, puisque c’est le seul art avec les filles. Ce sont elles qui cherchent ensuite à ce que les choses durent ». On s’y précipitait. Ce n’étaient, sur quatre rangées, (on s’asseyait par terre), que garçons boutonneux à lunettes, aux vêtements mal assortis, aux chaussures à bouts ronds, aux montres mémorisant tous les fuseaux horaires et chronométrant au millième de secondes près. Ses amis ne venaient jamais, ils avaient autre chose à faire. Il faisait payer l’entrée dix euros. Il ne distribuait aucun flyer. Le bouche-à-oreille fonctionnait à merveille.
Parfois, une fille venait, visiblement mécontente. Se tenait debout, bras croisés, dans un coin, et Jeannot ne la quittait, pendant toute la durée de son intervention, pas un instant du regard. Il ne la regardait dans les yeux que quelques fois, à des moments qu’il choisissait en fonction des mots qu’il prononçait, se contentant le reste du temps de la garder dans son champ de vision.