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Karoo, Steve Tesich

, le Mardi, 29 Août 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

Karoo, trad. (USA) Anne Wicke, 608 pages, 22 € . Ecrivain(s): Steve Tesich Edition: Points

Souvent, et à tort, on ne connaît pas Karoo de Steve Tesich. Sorti en 1998, le roman de presque 600 pages avait tout pour devenir culte, grandiose, pour s’aligner sur ces chefs d’œuvres que comptent la littérature contemporaine américaine. Quand on le lit, on pense à Henry Miller, à Bret Easton Ellis, à Hunter S. Thompson, à Richard Yates. Autant de plumes scandaleuses, qui réussissent le pari de nous distraire, nous choquer et nous émouvoir en même temps avec leurs héros déglingués à l’absinthe, aux plaisirs faciles, et allergiques à toute forme d’intimité. Souvent les auteurs sont des inadaptés notoires qui s’assument, flirtent dangereusement avec l’autofiction, et soignent leurs névroses dans une écriture salvatrice.

Le personnage de Saul Karoo, « script-doctor » qui retouche les productions hollywoodiennes, alcoolique au cœur noir, a-t-il pris racine dans celui de l’auteur Steve Tesich, scénariste hollywoodien de seconde zone ? C’est fort probable. Mais la personnalité de l’auteur restera, elle, un mystère. Mort prématurément avant la sortie de son roman, il nous prive d’une plume qui avait tout pour s’inscrire dans la légende et de réponses aux questions que posent les deux romans magistraux qu’il nous laisse, tous deux publiés à titre posthume. Karoo, pour sa part, nous lâche essoufflés, transcendés, convaincus d’avoir effleuré l’âme d’un génie, et frustrés. On en aurait voulu beaucoup d’autres, des Karoo.

La solitude est un cercueil de verre, Ray Bradbury

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 05 Juillet 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Denoël

La solitude est un cercueil de verre, juin 2017, trad. anglais (USA) Emmanuel Jouanne, 384 pages, 15 € . Ecrivain(s): Ray Bradbury Edition: Denoël

Dans une introduction rédigée pour une réédition des Chroniques martiennes, Ray Bradbury écrit : « Ne me dites pas ce que je fais, je ne veux pas le savoir ! Ces paroles ne sont pas de moi. Elles ont été prononcées par mon ami Federico Fellini, le fameux réalisateur italien […] cela dit, comment se fait-il que mes Chroniques martiennes soient considérées comme de la science-fiction ? Cette définition leur va mal ».

Ces phrases, il aurait pu les écrire à propos de La solitude est un cercueil de verre, en remplaçant le mot science-fiction par roman policier ou pour L’homme illustré en y substituant le terme fantastique.

Toujours en marge des définitions strictes d’un genre littéraire, laissant son instinct le guider, préférant musarder, dépeindre les sentiments parfois avec humour, le plus souvent avec mélancolie, il tord le cou aux codes du roman policier, introduit de la poésie dans un suspense où le whodunit n’est qu’un prétexte qui semble presque l’ennuyer. Pourtant, comme pour entretenir l’ambiguïté avec les lecteurs, le roman commence par une dédicace à la mémoire de Raymond Chandler, Dashiell Hammett, James M. Cain et Ross Macdonald. À la mémoire et non en hommage. Aucune volonté de rivaliser avec, de les singer ou d’écrire sous influence.

Canari, Duane Swierczynski

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 21 Juin 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Canari, avril 2017, trad. anglais Sophie Aslanides, 408 pages, 22 € . Ecrivain(s): Duane Swierczynski Edition: Rivages

 

 

Serafina Holland, dite Sarie, étudiante particulièrement brillante, admise à suivre le cursus des « honors students » à la faculté de lettres de Philadelphie, est aussi une belle jeune femme, longiligne et bronzée de type mexicain. Pour son père, Kevin, addictologue, elle est une enfant remarquable, sortant assez peu, ne buvant pas, ne fumant pas, ne se droguant pas, un modèle pour son jeune frère Marty et un soutien pour la famille. Sarie a perdu sa mère, Laura. Elle y pense souvent et a hérité de sa Civic au volant de laquelle elle se déplace dans Philadelphie. Au cours d’une soirée précédant la fête de Thanksgiving, elle va cependant commettre l’irréparable : boire une gorgée de bière et aspirer une bouffée de « joint ». Et, il n’en faudra pas plus à notre étudiante exemplaire pour transgresser ses codes et accepter nuitamment d’emmener « D. », pour qui cette jeune femme pratiquement sobre est une aubaine, à un mystérieux rendez-vous.

Dans les montagnes chinoises, John Hopkins

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 20 Juin 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Dans les montagnes chinoises, juin 2017, trad. anglais (USA) Danièle et Pierre Bondil, 224 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): John Hopkins Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

L’Amérique du Sud est connue pour ses coups d’État, ses juntes militaires, ses allers-retours entre gouvernements démocratiques et dictatures. Le Pérou n’échappe pas à la règle. Non situé dans le temps de manière précise, mais par déduction probablement au début des années ‘80, Dans les montagnes chinoises, surnom des Andes provenant de l’origine asiatique des Indiens venus peupler ce sous-continent il y a plusieurs milliers d’années, est un roman qui aborde de manière romanesque la difficulté, voire dans ce cas précis l’impossibilité, d’établir de façon pacifique et stable la démocratie dans un pays déchiré par l’antagonisme de deux mondes irréconciliables.

Opposition des cultures, héritées des Incas pour la majeure partie de la population indigène avec sa mythologie toujours très prégnante et de l’Espagne catholique pour la minorité descendant des colons espagnols, frontières des langues, le quechua pour les Indiens et l’espagnol pour les grands propriétaires terriens, grand écart entre l’extrême pauvreté de beaucoup et l’insolente richesse de quelques-uns, l’illettrisme et le savoir, etc.

Alfred Jarry, L’Expérimentation du singulier, Karl Pollin

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 17 Juin 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Alfred Jarry, L’Expérimentation du singulier, éd. Rodopi, coll. Faux Titre, 2013, 285 pages . Ecrivain(s): Karl Pollin

 

Ces trente dernières années, les plus intéressants livres consacrés à Jarry, tel le passionnant et érudit Alfred Jarry, le colin-maillard cérébral de Julien Schuh (Honoré Champion, collection Romantisme et modernités, 2014), ont replacé, dans la lignée des travaux d’Henri Béhar (Les Cultures de Jarry, Presses Universitaires de France, 1988) ou de Patrick Besnier (Alfred Jarry, Plon, collection Biographique, 1990 et Alfred Jarry, Fayard, 2005), l’auteur de Messaline « dans le contexte de son époque, parmi ses pairs en littérature », et, ce faisant, ont mis « en évidence un état d’esprit, une forme de pensée, un courant culturel dans lequel écrivains, artistes, philosophes et scientifiques de l’époque de Jarry se retrouvent ».

Cet état d’esprit fut propre à la fin-de-siècle. Analysant l’œuvre de Jarry, l’on remarque ainsi combien celui-ci « résume l’esprit de toute une époque, et mieux encore, de toute une famille d’esprits qu’on peut reconnaître par comparaison réciproque […] : un certain état de révolte où l’intelligence s’allie au tonique bouleversement de tous les conformismes ».