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Après l’incendie, Robert Goolrick

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 12 Septembre 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Anne Carrière

Après l’incendie, février 2017, trad. anglais (USA) Marie de Prémonville, 312 pages, 22 € . Ecrivain(s): Robert Goolrick Edition: Anne Carrière

 

Roman de la décadence, écrit par ce décadent moderne qu’est Robert Goolrick, Après l’incendie retrace l’histoire d’une grande famille de Virginie à la veille des grandes guerres européennes. Mais pas seulement. C’est aussi une histoire d’amour cruelle et romanesque. Mais pas seulement. C’est aussi l’histoire d’une traque où, par hasard, le narrateur journaliste en quête de vérité sur le mystérieux personnage de Diana Cooke, propriétaire disparue dans l’incendie de sa magnifique demeure… disparue, volatilisée, personne ne sait ce qu’elle est devenue après l’incendie, ni même si elle a brûlé. On n’a pas retrouvé d’elle la moindre trace. Et c’est ce qui attire le narrateur dans cette ruine d’un monde ancien et cruel où les êtres, en fonction de la couleur de leur peau, avaient des droits différents.

Ses droits, la nature les a repris mais dans la friche, il reste quelques vestiges de cette demeure hautaine, comme une personne ruinée garde quelque prestige de son origine, de sa naissance.

Vera, Karl Geary

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Août 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire, Rivages

Vera (Montpelier Parade), 30 août 2017, trad. anglais (Irlande/USA) Céline Leroy, 254 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Karl Geary Edition: Rivages

 

Un livre débordant d’amour, délicat, touchant sans une once de pathos, est un objet rare en littérature. C’est avec un talent exceptionnel et un humanisme sans fond que Karl Geary vient occuper cet espace avec ce roman superbe qui laisse le cœur du lecteur tourneboulé.

Sonny est un jeune garçon né dans une famille très pauvre de Dublin. Il va au lycée et donne des coups de main dans une boucherie le soir et le samedi, ou à son père, maçon, à l’occasion. Geary nous emmène, avec force et conviction, dans un univers à la Ken Loach. La brutalité fruste des relations familiales, les difficultés de la vie, n’empêchent pas un amour profond pour la mère, distante mais aimante, pour le père surtout, géant taiseux qui ne peut cacher, malgré sa pudeur, son affection paternelle. On est là au cœur de ce roman : ce n’est pas l’amour qui manque mais le pouvoir, le courage, l’envie de le dire, de le mettre en mots, de l’annoncer à l’autre. L’amitié de Sonny avec Sharon, petite jeune fille délurée, solitaire, écorchée vive, est le sommet de cette impossibilité de dire l’amour, comme s’il s’agissait d’une faute inexpiable que d’aimer.

Voyager, Russell Banks

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 30 Août 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Actes Sud, Voyages

Voyager, mai 2017, trad. américain Pierre Furlan, 320 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Actes Sud

 

Il s’agit dans ce livre, à mi-chemin entre un récit de voyage et un essai, d’un voyage géographique et mémoriel, dans plusieurs endroits du globe et aussi dans le souvenir des quatre femmes successives de l’auteur, trois passées et une présente et à venir.

Russell Banks aime les îles, les Caraïbes et les îles Vierges, qu’il visite avec Chase la bien-aimée lors d’un périple de deux mois, tous frais payés par un magazine de tourisme de luxe ; les îles Vierges comme Saint-Thomas, Sint Maarten, les Caraïbes comme Grande Terre, Basse Terre, Marie-Galante… mais aussi Cuba et la baie des Cochons, ou plus tardivement les Seychelles, que l’on découvre en détail et en profondeur.

Mais il s’agit aussi d’un voyage de femme en femme – Banks a été marié quatre fois : de Darlene à Christine, de Christine à Becky, enfin de Becky à Chase (de son premier nom Penelope), l’amoureuse à qui est dédié le livre. Eternel amoureux, Banks entreprend une fugue vers l’Athènes du Nord pour célébrer un 4e mariage pas très bien considéré par les familles respectives des deux époux : les quatre filles de Banks, qu’il a eues de ses deux premières unions, et les parents de Chase.

Karoo, Steve Tesich

, le Mardi, 29 Août 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

Karoo, trad. (USA) Anne Wicke, 608 pages, 22 € . Ecrivain(s): Steve Tesich Edition: Points

Souvent, et à tort, on ne connaît pas Karoo de Steve Tesich. Sorti en 1998, le roman de presque 600 pages avait tout pour devenir culte, grandiose, pour s’aligner sur ces chefs d’œuvres que comptent la littérature contemporaine américaine. Quand on le lit, on pense à Henry Miller, à Bret Easton Ellis, à Hunter S. Thompson, à Richard Yates. Autant de plumes scandaleuses, qui réussissent le pari de nous distraire, nous choquer et nous émouvoir en même temps avec leurs héros déglingués à l’absinthe, aux plaisirs faciles, et allergiques à toute forme d’intimité. Souvent les auteurs sont des inadaptés notoires qui s’assument, flirtent dangereusement avec l’autofiction, et soignent leurs névroses dans une écriture salvatrice.

Le personnage de Saul Karoo, « script-doctor » qui retouche les productions hollywoodiennes, alcoolique au cœur noir, a-t-il pris racine dans celui de l’auteur Steve Tesich, scénariste hollywoodien de seconde zone ? C’est fort probable. Mais la personnalité de l’auteur restera, elle, un mystère. Mort prématurément avant la sortie de son roman, il nous prive d’une plume qui avait tout pour s’inscrire dans la légende et de réponses aux questions que posent les deux romans magistraux qu’il nous laisse, tous deux publiés à titre posthume. Karoo, pour sa part, nous lâche essoufflés, transcendés, convaincus d’avoir effleuré l’âme d’un génie, et frustrés. On en aurait voulu beaucoup d’autres, des Karoo.

La solitude est un cercueil de verre, Ray Bradbury

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 05 Juillet 2017. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Denoël

La solitude est un cercueil de verre, juin 2017, trad. anglais (USA) Emmanuel Jouanne, 384 pages, 15 € . Ecrivain(s): Ray Bradbury Edition: Denoël

Dans une introduction rédigée pour une réédition des Chroniques martiennes, Ray Bradbury écrit : « Ne me dites pas ce que je fais, je ne veux pas le savoir ! Ces paroles ne sont pas de moi. Elles ont été prononcées par mon ami Federico Fellini, le fameux réalisateur italien […] cela dit, comment se fait-il que mes Chroniques martiennes soient considérées comme de la science-fiction ? Cette définition leur va mal ».

Ces phrases, il aurait pu les écrire à propos de La solitude est un cercueil de verre, en remplaçant le mot science-fiction par roman policier ou pour L’homme illustré en y substituant le terme fantastique.

Toujours en marge des définitions strictes d’un genre littéraire, laissant son instinct le guider, préférant musarder, dépeindre les sentiments parfois avec humour, le plus souvent avec mélancolie, il tord le cou aux codes du roman policier, introduit de la poésie dans un suspense où le whodunit n’est qu’un prétexte qui semble presque l’ennuyer. Pourtant, comme pour entretenir l’ambiguïté avec les lecteurs, le roman commence par une dédicace à la mémoire de Raymond Chandler, Dashiell Hammett, James M. Cain et Ross Macdonald. À la mémoire et non en hommage. Aucune volonté de rivaliser avec, de les singer ou d’écrire sous influence.