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Rendez-vous à Crawfish Creek, Nickolas Butler

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 24 Octobre 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Autrement

Rendez-vous à Crawfish Creek, octobre 2015, trad. anglais (USA) Mireille Vignol, 313 pages, 19 € . Ecrivain(s): Nickolas Butler Edition: Autrement

 

Nickolas Butler (1979) a gagné ses lettres de noblesse littéraires auprès de tous les amateurs d’americana avec Retour à Little Wing (2014, réédité cet automne dans la collection Points), un grand, très grand roman sur l’Amérique profonde chérie de Springsteen, Mellencamp ou Jurado, pas celle des cinglés de la gâchette persuadés que quiconque ne bâfre pas ses trois livres de viande par jour et n’a pas un flingue dans chaque pièce de la maison est un barbare à civiliser ou éradiquer. Ce roman est, au même titre que les meilleures des chansons des trois musiciens cités en comparaison, une sorte de flambeau qui peut accompagner longtemps qui s’y est attaché.

Cet automne, l’actualité de Nickolas Butler est double. Outre la réédition en collection de poche de Retour à Little Wing (on ne le dira jamais assez : un roman à lire et chérir), il y a la publication de son premier recueil de nouvelles, Rendez-vous à Crawfish Creek. Soit dit en passant, on peut remarquer la confiance, voire la foi de l’éditeur français en ce jeune auteur américain, puisque ce recueil est traduit environ cinq mois après sa publication en anglais.

Nos âmes la nuit, Kent Haruf

Ecrit par Mélanie Talcott , le Lundi, 17 Octobre 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Robert Laffont, La rentrée littéraire

Nos âmes la nuit, Septembre 2016, trad. anglais Anouk Neuhoff, 180 pages, 18 € . Ecrivain(s): Kent Haruf Edition: Robert Laffont

 

Nos âmes la nuit, de Kent Haruf… Elle s’appelle Addie, il s’appelle Louis. Mais, elle pourrait parfaitement s’appeler Renée et lui, Hubert. Depuis des années, « ça ne date pas d’hier », tous deux vivent dans la même ville, dans le même quartier, « à un pâté de maison l’un de l’autre », chacun chez soi, dans un pavillon classe moyenne, jardinet pelouse toujours tondue, du moins dans cette bourgade américaine du Colorado, chiens qui pissent discrètement dans les rues, enfants qui ne les empruntent sagement que pour aller à l’école, ennui qui suinte derrière les rideaux où la morale est sous surveillance. Un silence mortuaire traversé néanmoins par les fibrillations vachardes de l’espionnage entre voisins. La calomnie fait son beurre dans le qu’en dira-t-on. Cela fait un bon moment qu’Addie et Louis, tous deux septuagénaires avancés, sont veufs. En bons voisins qui se connaissent de vue, ils se saluent poliment quand ils se rencontrent, bien que l’un et l’autre sortent peu. Un jour, ne supportant plus ses insomnies qui affûtent férocement sa solitude où les heures se délitent mollement, Addie traverse la rue, sonne à la porte de Louis et lui demande s’il consentirait à « venir de temps à autre chez moi pour dormir avec moi ». Elle l’a repéré, il a l’air d’un « brave homme, d’un homme bien ».

De beaux jours à venir, Megan Kruse

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 22 Septembre 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Denoël

De beaux jours à venir, traduit de l’américain par Héloïse Esquié, août 2016, 373 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Megan Kruse Edition: Denoël

 

Lydia, Amy, Gary, Jackson : d’abord quatre tons. Puis les Etats-Unis. Tulalip dans l’état de Washington, Fannin au Texas, Silver dans l’Idaho. Des mobil-homes, de la rouille et des terres rêches, les motels pour s’y terrer, les grandes lignes droites pour s’enfuir et des pick-up pour y rouler dessus, la poussière sur les pneus et les pneus lacérant le sol. Se faire la malle pour échapper aux coups du père, le père, c’est Gary. Il boit, il bat sa femme Amy. Plusieurs fois elle le quitte, les enfants sur la banquette arrière, les affaires jetées à la hâte dans des sacs poubelle. Mais le père est patient, il les reprend toujours. Et comme toujours, il sera tendre, dangereusement affectueux.

Amy défenestrée. C’est trop. Jackson et Lydia ont tout vu. Cette fois-ci, elle part avec les enfants et elle va s’en sortir. Disparaître dans un motel sordide, voire même revivre. Lydia, la petite sœur, suit par la fenêtre de la vieille voiture les grands arbres de sa maison, ils rétrécissent. Sa respiration. Elle efface, le doigt sur la vitre, le danger derrière elle, la forêt de son enfance, ce qui fut sa chambre et son territoire. Bientôt ce seront d’autres arbres, de nouveaux paysages, la vie devant qu’elle ne reconnaîtra pas.

Ceci n’est pas une histoire d’amour, Mark Haskell Smith

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 22 Septembre 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Ceci n’est pas une histoire d’amour (The Raw), juin 2016, trad. américain Julien Guérif, 316 pages, 22 € . Ecrivain(s): Mark Haskell Smith Edition: Rivages

 

Le premier sourire que provoque ce roman tient dans son titre. L’original : « Raw » devient dans sa version éditoriale française : « ceci n’est pas une histoire d’amour ». On peut difficilement faire plus d’éloignement, autant en longueur que par le sens, raw, en américain, signifiant brut (à entendre au sens de « nature », « brut de décoffrage »). Le chroniqueur ici a un faible pour le titre français tant il laisse entendre le délire de cette histoire aussi ahurissante que drôle. Et, par ailleurs, ce livre n’est pas une histoire d’amour, mais pas du tout, même s’il finit en road movie de couple, à la façon de Bonnie and Clyde. Mais quel couple !

Mark Haskell Smith s’amuse et nous amuse. Tout y passe, la critique littéraire (mais oui) bon chic bon genre des revues new-yorkaises, la téléréalité racoleuse et vulgaire, le star system qui fabrique des livres écrits par des ghost writers (« nègres » dit-on curieusement en France), et, au passage, quelques coups de griffe à des écrivains à succès médiatique.

Terre, David Brin

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 21 Septembre 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Roman

Terre, éd. Milady, janvier 2016, trad. anglais (USA) Michel Demuth, revu et corrigé par Tom Clegg, 920 pages, 12,90 € . Ecrivain(s): David Brin

 

Lire de la science-fiction dans sa variante anticipation proche, quand on s’intéresse à l’histoire du genre, revient dans les faits et la plupart du temps à lire des uchronies : l’an 2000 dans la science-fiction des années cinquante ou soixante est ainsi plutôt éloigné de ce que l’on a pu vivre ou vit encore aujourd’hui. Mais ça fait partie des charmes du genre, et tant pis si en 2001 aucune mission spatiale n’est partie à la rencontre d’un parallélépipède noir absorbant la lumière du côté de Jupiter… Donc, on (déc)ouvre Terre, le septième roman de l’auteur et scientifique américain David Brin (1950), publié en 1990, avec une relative appréhension : sa vision de 2038 est-elle encore plausible aujourd’hui, le lecteur ne risque-t-il pas de se lasser de l’histoire parce que les innovations proposées lui semblent tout à fait erronées voire dépassées (ou tellement farfelues qu’elles feraient rire aux éclats – ça arrive, et nous tairons les titres par charité) ? Globalement, la réponse est négative, tout reste plausible dans ce roman, malgré quelques exagérations que l’auteur lui-même revendique dans une postface intelligente ; ainsi, la montée du niveau des mers due au réchauffement climatique a été amplement exagérée – mais cela sert le propos narratif, nous y reviendrons.