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La fille-flûte et autres fragments de futurs brisés, Paolo Bacigalupi

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 17 Mai 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, J'ai lu (Flammarion)

La fille-flûte et autres fragments de futurs brisés, octobre 2015, traduit de l’anglais (USA) par Sara Doke et al., 412 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Paolo Bacigalupi Edition: J'ai lu (Flammarion)

Parmi les auteurs que chérit, voire vénère l’amateur de science-fiction se dessinent deux catégories principales : les grands auteurs de science-fiction, ceux qui maîtrisent avant tout l’art des narrations à hypothèse, et les grands auteurs qui écrivent de la science-fiction, ceux qui sont des stylistes se frottant aux mêmes narrations. Sur foi des dix nouvelles rassemblées dans La fille-flûte et autres fragments de futurs brisés (publié en 2008 en anglais sous le titre Pump Six and Other Stories – juste une différence de choix pour la nouvelle donnant son titre au recueil), on élit Paolo Bacigalupi (1972) dans la seconde catégorie. Que ce recueil ait reçu le Prix Locus dans sa catégorie importe finalement peu ; il survivra dans les mémoires au-delà d’un quelconque palmarès, même si on peut féliciter les lecteurs du magazine Locus pour leur clairvoyance.

Ce qui saute aux yeux, à la lecture de neuf des dix nouvelles, c’est à quel point Bacigalupi est le digne héritier des meilleurs romanciers cyberpunk : ses nouvelles, même les plus éloignées de notre présent en apparence (La fille-flûte et Peuple de sable et de poussière, une des nouvelles les plus extraordinaires jamais lues, à titre personnel – on y reviendra), semblent avant tout des extrapolations pas même monstrueuses de ce qui nous environne, de ce qui fait notre quotidien, ses inquiétudes en tête ;

Landfall, Ellen Urbani

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 11 Mai 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallmeister

Landfall, mars 2016, trad. américain Juliane Nivelt, 298 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Ellen Urbani Edition: Gallmeister

 

Il faut le dire d’emblée, Landfall est un premier roman réussi à différents titres. La quatrième de couverture le présente comme un « roman haletant qui présente le destin croisé de deux jeunes filles ». Ces deux appréciations se révèlent judicieuses quand on entre immédiatement dans le livre. D’un chapitre à l’autre, l’envie de connaître la suite fait qu’on ne lâche pas facilement le volume, tant cette façon d’offrir aux personnages une épaisseur avec la narration progressive de leur histoire est captivante.

Deux femmes roulent en direction de la Nouvelle-Orléans pour porter secours aux sinistrés de l’ouragan Katrina. Nous sommes en septembre 2005, Rose, dix-huit ans, et Gertrude, sa mère, ont des rapports conflictuels comme dans beaucoup de familles. « Bien que Rose eût depuis longtemps oublié les contours du corps de Gertrude, elle soutenait, comme le font beaucoup de filles à dix-huit ans, qu’elle savait tout ce qu’il y avait à savoir sur sa mère. Tu es tellement prévisible ! lâchait-elle avec mépris lorsqu’elle était agacée, reprochant avant tout à Gertrude d’être aussi immuable ».

Injection mortelle, Jim Nisbet

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Avril 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Rivages/noir

Injection mortelle (Lethal Injection), janvier 2016, trad. américain Freddy Michalski, 269 pages, 8 € . Ecrivain(s): Jim Nisbet Edition: Rivages/noir

 

Les trois premiers chapitres de ce livre vont vous poursuivre longtemps. Leur noirceur, leur violence et – malgré tout – leur bouleversante humanité sont de ces moments de littérature qui entrent dans le panthéon imaginaire des lecteurs. Ils constituent aussi la matrice narrative qui va déployer les lignes de tension de tout le roman : la culpabilité, la quête de rédemption, le châtiment.

Bobby Mencken est au bloc des condamnés à mort. Il attend. C’est imminent. Le prêtre est là, qui radote. Bobby s’en fiche. Il regarde son seul ami dans sa cellule : un cafard.

« Le cafard se tenait là avec ses six bas carmins et son fuselage zébré, à jouer de ses antennes, comme s’il battait la mesure de la prière qui descendait sur lui des hauteurs des cintres, presque comme un acteur sur sa scène, où les jambes noires du prêtre seraient les tentures d’une chapelle funéraire. Matilda le cafard, petite maîtresse du temps et de l’espace, qui savait aller et venir en ces lieux à son gré, témoignage d’un idéal de survie élégante et sans effort ».

Délivrance, James Dickey

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 26 Avril 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallmeister

Délivrance, trad. de l’américain par Jacques Mailhos, 309 pages, 11,00 € . Ecrivain(s): James Dickey Edition: Gallmeister

 

Publié en 1970, Délivrance est un des romans américains qui a su le mieux mettre en perspective la sauvagerie enfouie au sein de chaque homme civilisé, la civilisation étant par essence frustrante, placé qu’il est sous le signe de Georges Bataille, dont une citation sert d’épigraphe : « Il existe, à la base de la vie humaine, un principe d’insuffisance ». A quasi un demi-siècle de distance, la plus connue des œuvres signées James Dickey (1923-1997) est toujours aussi percutante, à l’image du chef-d’œuvre qu’en a tiré John Boorman dès 1972 ; ce dernier, dans une interview récente au Guardian, disait en substance à propos de son film favori parmi son œuvre : « ce classique de 1972 parvient à être à la fois physique et mystérieux, brutal et nuancé » ; on pourrait en dire autant du roman de Dickey.

D’autant qu’en français, il se voit offrir une seconde jeunesse au format poche dans la traduction de Jacques Mailhos, plus souple que celle de Pierre Clinquart ; on peut donc s’y replonger et replonger dans les ressentis d’Ed Gentry, graphiste de son état et un des quatre citadins en mal d’aventure à se risquer sur la rivière Cahulawassee au milieu du mois de septembre.

Mon ennemi mortel, Willa Cather

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Avril 2016. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages poche

Mon ennemi mortel (My mortal enemy, 1927), février 2016, trad. américain Marc Chénetier, 101 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Willa Cather Edition: Rivages poche

 

Ce petit roman est un grand moment littéraire. Willa Cather est certes une (grande) auteure américaine, mais ici, elle se joue de la littérature anglo-saxonne pour épouser l’univers, les personnages, le style de nos grands nouvellistes français. Comment ne pas penser à Maupassant, mais aussi à Mérimée, Sand, Flaubert, et encore (surtout ?) Barbey D’Aurevilly, en lisant cette délicieuse histoire tissée autour d’un portrait de femme étonnant. On peut y ajouter, pour ne pas être trop chauvin, un air de Stefan Zweig.

Tous ces « parrainages » littéraires n’amoindrissent en rien l’originalité de Willa Cather. Son écriture d’abord, d’un naturel sans aucun maniérisme, même quand elle use de formes grammaticales doucement surannées (et bellement relayées par la traduction fluide de Marc Chénetier). Ainsi, la description physique des personnages – ici du personnage central – par exemple, détaillée à l’extrême et très « Vieux Monde » :