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Le Cavalier de la nuit, Robert Penn Warren (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 09 Février 2022. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Séguier

Le Cavalier de la nuit, Robert Penn Warren, février 2022, trad. anglais (USA) Michel Mohrt, 608 pages, 22 € . Ecrivain(s): Robert Penn Warren Edition: Séguier

 

L’origine du roman

Robert Penn Warren avait 34 ans lorsque son premier roman Night Rider (traduit et publié en France en 1951 sous le titre Le Cavalier de la nuit) fut publié en 1939 aux États-Unis. Né dans la ville de Guthrie au Kentucky, un Etat du Sud au surnom évocateur de Bluegrass state, pour ses vallées agricoles prospères, ses riches pâturages et ses plantations de tabac, il rejoint au début des années 1930 d’anciens condisciples écrivains de l’Université Vanderbilt pour fonder un groupe littéraire aux références agrariennes : les Southern Agrarians.

Des précisions biographiques qui éclairent le choix par Robert Penn Warren d’un épisode particulièrement douloureux de la vie des planteurs de tabac du Kentucky au tout début du XXème siècle, qui va servir de trame historique à son roman. C’est en effet dans les années 1904-1909 que les Etats du Kentucky et du Tennessee, premiers fournisseurs mondiaux de tabac noir, connurent une période de troubles civils et de violences, plus connue sous le nom de Black Patch Tobacco Wars.

Au-delà du fleuve et sous les arbres, Ernest Hemingway (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 25 Janvier 2022. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Au-delà du fleuve et sous les arbres (Across The River And Into the Trees, 1950), trad. américain, Paule de Beaumont, 347 pages . Ecrivain(s): Ernest Hemingway Edition: Folio (Gallimard)

L’autre mort à Venise

L’infinie mélancolie qui reste au cœur après la lecture de ce roman tient certes au désespoir de son principal personnage mais aussi à une Venise trouble, fantomatique, hantée par ses lieux mythiques traversés et retraversés ici ; le Harry’s, le Florian, le Palais Gritti, la Piazza San Marco, sont le décor et la métaphore de ce dernier chemin du colonel vieillissant, rongé par les souvenirs de la Guerre et son amour pour la jeune et belle Renata.

Hemingway utilise un flux de conscience décalé dont le héros n’est pas le narrateur. Et la structure de ce roman repose largement sur le support narratif de ce flux : le dialogue, époustouflant de maîtrise, véhicule de l’amour, de la détresse, des regrets, des blessures du corps et du cœur du colonel. Renata est son Autre, celle par qui le discours advient à son esprit et sa mémoire. Renata est son inconscient, son discours inversé qui le renvoie à lui-même : à son désespoir elle oppose sa confiance et son optimisme, à sa réserve son enthousiasme, à sa volonté d’oubli la demande de souvenirs précis et détaillés. La jeune fille fait naître du vieux soldat l’histoire de sa douleur, comme une catharsis vivante et tendre.

Les meilleures nouvelles de Sherwood Anderson, Sept nouvelles inédites (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 19 Janvier 2022. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

Les meilleures nouvelles de Sherwood Anderson, Huit nouvelles inédites, Editions Rue Saint Ambroise, édition établie par Bernardo Toro, novembre 2021, 342 pages, 16,50 €

Sherwood Anderson, l’énigmatique

Les Éditions Rue Saint Ambroise publient de nouvelles traductions de vingt-quatre des meilleures nouvelles, dont huit inédites, de Sherwood Anderson. Mentor de Faulkner et Hemingway, encensé par Henry Miller, Amos Oz et Philip Roth pour son art de nouvelliste incisif, souvent considéré à tort comme un écrivain régionaliste avec son recueil, Winesburg-en-Ohio (1926), qui décrit sur un mode intimiste les frustrations et solitudes des petites gens du Midwest américain, Sherwood Anderson demeure assez méconnu en France. Pourtant, au-delà de mettre en scène de pauvres bougres taiseux, l’écrivain évoque sa confrontation au « silence déraisonnable du monde », donne une épaisseur métaphysique à des histoires simples et, par son art de l’allusif et de l’élusif, pose la question de l’écriture. Ses narrateurs mêlent leurs pensées au récit et les personnages vivent une expérience saisissante de révélation : un instant de vérité du moi, prise de conscience bouleversante qui apparaît comme acceptation vitaliste de la totalité du monde.

Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 03 Janvier 2022. , dans USA, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Nouvelles

Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram, éditions Le Visage Vert, août 2021, trad. USA Anne-Sylvie Homassel, Blandine Longre, 162 pages, 14 €

 

Ralph Adams Cram fut un architecte de renom aux Etats-Unis, qui dès sa jeunesse éprouva un goût prononcé pour l’ancien, plus spécifiquement le gothique, ce qu’affermirent en lui deux voyages effectués en Europe avant ses trente ans. Préalablement à son engagement définitif dans le métier d’architecte, il côtoyait les milieux artistiques de Boston et produisit quelques œuvres littéraires, dont cet unique recueil de nouvelles, Black Spirits and White (1895), ouvrage qu’il sembla renier vers la fin de sa vie.

Si l’on a un penchant pour les histoires de fantômes, il est honnête de dire que notre esprit ne peut se trouver révolutionné par ces récits. Ceci n’enlève en rien le plaisir qu’on en tire, ni la qualité littéraire du livre : l’auteur ménage remarquablement les atmosphères de mystère et d’horreur, qui ne manquent pas de laisser durablement leurs empreintes dans notre imagination. Comment s’empêcher, par ailleurs, de ne pas soulever quelques références littéraires dans ces nouvelles ?

Le pouvoir du chien (The Power of the Dog, 1967) Thomas Savage, Gallmeister (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Décembre 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallmeister

Le pouvoir du chien (The Power of the Dog, 1967) Traduit de l’américain par Laura Derajinski. 284 p. 9,90 € . Ecrivain(s): Thomas Savage Edition: Gallmeister

Roman dérangeant, au sens le plus radical qui soit : qui brise le rang, surtout celui des romans trop souvent convenus des années 60 qui égrènent révoltes, Vietnam, musique et folklore (le roman de Savage date de 1967). La noirceur du propos, la noirceur des âmes, nous rapprocheraient plutôt des grands sudistes, Faulkner en tête, dont nous retrouvons en ombre les grandes familles terriennes décadentes, les personnages cyniques et désespérés. On pense aussi irrésistiblement à Cormac McCarthy et la noirceur, la cruauté de ses personnages. Et pourtant Savage est plus proche par son enfance du Montana, où se tient ce terrible roman. Un personnage en particulier semble droit sorti des figures de l’enfer et qui pourrait être l’un des Snopes de Faulkner, Phil Burbank, cow-boy quadragénaire qui gère, d’une main de fer, avec son frère George, le grand ranch hérité des parents.

Univers d’hommes, d’éleveurs de bétail, rudes, taiseux, le ranch semble fonctionner comme un grand mécanisme dont les rapports interpersonnels sont absents, comme une addition hiérarchisée des solitudes des gens qui viennent travailler un temps, puis s’en vont, remplacés par d’autres, anonymes.