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Le Loup des mers, Jack London (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 25 Septembre 2023. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Le Loup des mers, Jack London, trad. anglais (USA), Philippe Jaworski, 480 p. 10,90 € . Ecrivain(s): Jack London Edition: Folio (Gallimard)

En 1904, Jack London publie Le Loup des mers ; ce roman est son quatrième, juste après L’Appel de la forêt et trois recueils de nouvelles dont le thème principal était l’aventure, en particulier dans le Grand Nord. Le thème principal du Loup des mers est aussi l’aventure, mais autant morale que maritime, car il s’agit du récit à la première personne de l’embarquement forcé d’un critique littéraire de la Côte Ouest, Humphrey Van Weyden, sur un phoquier dont le capitaine, par son absence totale de morale et sa brutalité foncière, va lui faire connaître une forme d’épiphanie ténébreuse, ainsi qu’il le constate par son absence de réaction émotionnelle au massacre à coups de poings d’un autre membre de l’équipage :

« Je fus épouvanté de découvrir la pente que prenait ma pensée. La sauvagerie qui régnait à bord avait sur moi un effet corrupteur ; elle promettait de détruire tout ce que la vie offrait de beau et de bon à mes yeux. La raison m’ordonnait de considérer la raclée reçue par Thomas Mugridge comme une horreur et pourtant je ne pouvais m’empêcher d’en éprouver un vif plaisir. Si l’énormité de mon péché m’oppressait – car c’était bien d’un péché qu’il s’agissait –, j’en riais pourtant, d’un rire imbécile. Je n’étais plus Humphrey Van Weyden. J’étais Hump, mousse de cabine à bord de la goélette Fantôme. Loup Larsen était mon capitaine, Thomas Mugridge et les autres étaient mes compagnons de bord, et la couleur dont ils étaient peints déteignait sur moi chaque jour un peu plus ».

Les Idylles de la complicité, Carl Watson (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 15 Septembre 2023. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Idylles de la complicité, Carl Watson, éditions Vagabonde, mars 2023, trad. anglais (USA), Brice Matthieussent, 244 pages, 19,90 €

 

« Tout émoustillé, je m’approchai. Cette femme avait un ego qui chassait comme une tentacule. Elle avait aussi un serpent à la place de la langue, un accent de South-Side à faire fondre l’asphalte, de délicieuses lèvres couleur prune ainsi qu’un chignon au-dessus de petite lunettes noires en forme d’amandes qui allaient très bien avec l’ovale de son visage ».

« Nous étions dans les années quatre-vingt et les conflits fantasmés flottaient dans l’air du temps ».

Les Idylles de la complicité est un étourdissant roman d’amour, de joies et de peines, où Frank le narrateur, et Sophie sa destinée amoureuse, vont mettre leur passion aux risques d’un voyage en Inde. C’est tout d’abord à Chicago qu’il rencontre son double volcanique, ce qui se noue entre eux va ressembler à un roman de colères et de disputes, à une comédie romanesque et virevoltante comme seul Hollywood savait en écrire.

Betty, Tiffany McDaniel (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 15 Septembre 2023. , dans USA, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Gallmeister

Betty, Tiffany McDaniel, éditions Gallmeister, 2020, trad. américain, François Happe, 480 pages

 

J’ai volontairement laissé le livre derrière moi. Pour ne pas être tentée de le citer, par passages. Pour le plaisir de la décantation. J’ai repensé aux toiles d’Anselm Kiefer qui vivent à l’extérieur, des jours, des mois, des années sans que le peintre ne les retouche. Afin que toute chose du monde s’y dépose. Pour l’empreinte et l’altération. Ou l’innocence corrodée.

Le livre est resté aux Samoa américaines. Sur l’île de Tutuila où je suis restée trente jours. Et je n’ai pris aucune note. J’ai voulu me souvenir. Page après page. Du visage de Betty. Comme celui de chaque femme et de chaque homme, aux Samoa, qui ont placé entre mes mains un fragment de leur île. J’ai songé à Betty, à son enfance relatée, ses pages d’écriture. À tout ce que l’on enfouit, ce que l’on apprend et qu’un voyage désapprend. Ou confirme. Le début. La fin. Trop précipité ou trop autoritaire.

Sanctuaire (Sanctuary, 1931), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 05 Septembre 2023. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Sanctuaire (Sanctuary, 1931), William Faulkner, Folio, trad. américain, R.N. Raimbault, Henri Delgove, 376 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

William Faulkner a déclaré dans une interview de 1951 qu’il avait composé ce roman violent en 1931 comme un simple gagne-pain. On pourrait, au premier abord, y croire : un mélodrame criminel glauque et brutal, loin de la veine moderniste des autres ouvrages du Faulkner de l’époque, The Sound and the Fury (1929) et As I Lay Dying (1930), Sanctuary pourrait bien n’être rien de plus qu’une tentative de best-seller, un livre bien ancré dans l’air de son temps, de l’époque « dure » de la littérature américaine. Et ça a marché : ce roman a rapporté à Faulkner plus de renommée et d’argent que toutes ses œuvres publiées jusqu’alors. Même la noirceur du tableau social du Sud pauvre et arriéré pourrait entrer dans l’intention d’offrir au public ce qu’il voulait alors, les lecteurs des villes – qui sont évidemment les plus nombreux – étaient alors friands de récits graveleux issus de ce « Tiers-Monde » des USA que constituait le Sud, avec ses viols, ses incestes et ses meurtres sauvages, tout en gardant la conscience nette, comme si leur intérêt pour ces histoires était une forme de charité.

Les Naufragés du Wager, David Grann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Août 2023. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, En Vitrine, Cette semaine, Editions du Sous-Sol

Les Naufragés du Wager, David Grann, éditions Du Sous-Sol, août 2023, trad. anglais (USA), Johan-Frédérik Hel Guedj, 448 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): David Grann Edition: Editions du Sous-Sol

 

David Grann puise, ouvrage après ouvrage, la matière de son travail dans la réalité. Il met les mains jusqu’aux coudes dans la pâte du réel et en fait des fictions plus fictionnelles que les fictions. L’incroyable matériau qu’il réunit avant d’écrire dépasse toute entreprise d’investigation : plus de 150 ouvrages, textes d’époque, journaux de bord, journaux intimes, rapports maritimes ont été ici utilisés pour construire, mieux pour re-construire, cette folle équipée du Wager et de son escadre de voiliers, cette terrifiante histoire qui rejoint les plus inoubliables récits de marins. Les éléments qui élaborent cette narration sont en effet essentiellement des récits de marins, des témoignages écrits par les acteurs du drame avec une précision, une rigueur en lesquelles Grann fait parfaite confiance car « ces hommes croyaient que leurs vies mêmes dépendaient de ces récits. S’ils échouaient à proposer une version convaincante des faits, ils risquaient de finir pendus ou ligotés à la vergue d’un navire ».