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Essais

Lire écrire vivre, Christa Wolf

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 15 Mai 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Langue allemande, Christian Bourgois

Lire écrire vivre, traduit de l’allemand par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, janvier 2015, 200 pages, 17 € . Ecrivain(s): Christa Wolf Edition: Christian Bourgois

 

Avec Lire écrire vivre, les éditions Christian Bourgois offrent de l’œuvre de Christa Wolf des textes jusqu’alors inédits en traduction française. Le titre indique à lui seul le rôle essentiel, existentiel accordé à l’activité scripturale, littéraire. Du Lire et de l’Écrire découle une densité du Vivre engagé corps et âme dans une transformation, une reformulation du réel, sans cesse reconduites et inédites dans leur expression et représentativité. Mais ce qui s’avère en fait possible, écrit Ingebord Bachmann à laquelle Christa Wolf consacre le premier essai ici traduit, intitulé « La Vérité qu’il nous faut affronter », c’est la transformation. Et l’effet transformateur qui émane des œuvres nouvelles nous éduque à une perception nouvelle, à un sentiment nouveau, à une conscience nouvelle (Leçons de poétique de Francfort).

Ancrée dans une situation historique donnée, l’écriture engage ici totalement, par une « authenticité subjective », la dynamique existentielle de son auteur. Écrire revient à répondre pleinement de ses actes (l’auteur authentique répond de ses actes dans l’activité scripturale, par le truchement et le viatique de celle-ci). Écrire revient à faire émerger, en la faisant sourdre du réel même où elle se tient toujours dans son possible surgissement et son actualité brûlante – son immanente résurgence – une signification inscrite/écrite « derrière des événements apparemment sans lien et insignifiants » (p.14).

Marcher, Tomas Espedal

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 06 Mai 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Pays nordiques, Récits, Actes Sud

. Ecrivain(s): Tomas Espedal Edition: Actes Sud

 

Qu’est-ce qui peut pousser un homme, un écrivain, un poète à décider de tout quitter et à se mettre en route, marcher vers l’inconnu ? Faut-il une raison particulière pour cela ?

Je suis heureux parce que je marche, le ton est donné ! Le premier chapitre s’ouvre sur une révélation, un lâcher-prise plutôt, alors que toute sa vie se délite, le narrateur reprend goût à la vie grâce à la marche. Comme il est bon de s’emplir d’oubli, de se perdre, de sombrer, il s’agit bien d’un abandon de l’ego. Enumérons les joies, boire pour oublier d’abord, ou boire et oublier dans cet ordre et ramper jusqu’à l’oubli. C’est comme un début de dépression, une sorte de mélancolie ou de lassitude de vivre toujours dans les mêmes journées de solitude dans l’écriture, mais le narrateur se reprend vite avec cette prise de conscience qu’il peut faire quelque chose pour sortir non de chez lui mais de lui-même, apprendre à vivre avec soi, car c’est la seule chose dont il ne pourra jamais se séparer, se débarrasser. Ça peut ressembler au début à un manuel de survie ou un guide de développement personnel mais c’est bien au-delà de cela, un manuel de survie poétique.

De la légèreté, Gilles Lipovetsky

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 20 Avril 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

De la légèreté, janvier 2015, 364 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Lipovetsky Edition: Grasset

 

Gilles Lipovetsky nous a habitués, depuis L’Ère du vide en 1983, à des analyses plutôt séduisantes à différents titres, analyses pour lesquelles il porte la double casquette de philosophe et de sociologue. Lire Lipovetsky, c’est d’abord faire l’expérience d’une lecture singulière, qui peut offrir de l’emphase servie par une rhétorique tout aussi importante que l’argument. Le plaisir de la lecture est donc tout aussi présent que la précision de l’argument, et quand le tout se met au service d’études des différents aspects du quotidien, on ne peut que saluer la démonstration.

De la légèreté propose une immersion dans un monde animé, selon le philosophe, par une frénésie de vivre tous les aspects de notre quotidien sur le mode de la légèreté. Après L’Ère du vide, L’empire de l’éphémère ou plus récemment L’Occident mondialisé, ce sont des comportements que le « léger, le fluide et le mobile » caractérisent dorénavant que l’auteur analyse. Et le premier paradoxe soulevé est bien le monde matériel dans lequel nous vivons, qui en raison d’une omniprésence matérielle pouvait laisser supposer une imposante lourdeur.

De Gaulle et Mauriac, Le dialogue oublié, Bertrand Le Gendre

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 11 Avril 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fayard, Histoire

De Gaulle et Mauriac, Le dialogue oublié, mars 2015, 180 pages, 18 € . Ecrivain(s): Bertrand Le Gendre Edition: Fayard

 

« Leur héritage nous fait leçon, mais c’est un héritage sans héritiers. De Gaulle et Mauriac sont trop singuliers pour que l’on puisse se réclamer d’eux de nos jours ».

Le dialogue oublié ou les raisons d’une passion française. C’est à cette part de l’histoire politique et littéraire française que nous convie Bertrand Le Gendre. A la gauche il y a François Mauriac (c’est de Gaulle qui parle), prix Nobel de littérature, journaliste admiré, craint et parfois honni, chrétien social, d’une trempe rarement égalée. A ma droite le Général de Gaulle, l’homme de Londres, surréaliste sur ces messages de Radio Londres (Philippe Sollers) « Les renards n’ont pas forcément la rage, je répète… ». « J’aime les femmes en bleu, je répète… ». « Nous nous roulerons sur le gazon ! », l’homme de l’unification de la Résistance, de la V° République et de la fin de la guerre d’Algérie. Leur dialogue court sur trente ans, de l’Occupation aux lendemains de mai 68. Leur histoire, comme celle finalement de Malraux et du Général (l’occasion de lire ou de relire le lumineux André Malraux Charles de Gaulle, une histoire, deux légendes d’Alexandre Duval-Stalla, L’Infini Gallimard), est cette part commune de l’Histoire française, cette passion commune. Tous les deux s’emploient à choyer leur langue et leur territoire, au risque parfois d’être incompris.

La playlist des philosophes, Marianne Chaillan

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mercredi, 08 Avril 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Passeur

La playlist des philosophes, janvier 2015, 307 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Marianne Chaillan Edition: Le Passeur

 

Dans la lignée de Rock’n Philo de Francis Métivier, l’esprit Pop philo continue à frapper fort avec un nouveau titre, La playlist des philosophes, qui fait le pari audacieux d’expliquer les grands concepts philosophiques à partir de chansons de variétés. Plus besoin désormais pour les futurs bacheliers de lâcher leurs écouteurs pour réfléchir et réviser leurs cours de philosophie. Leurs MP3 vont les aider à sortir de leur caverne et à « kiffer » la philosophie platonicienne avec Starmania, voire même comprendre la philosophie ardue de Heidegger avec Alain Souchon !

Philosopher grâce à Céline Dion et à Stevie Wonder ? Certains vont en tomber de leur chaise pour s’écraser dans la théorie de la gravité (sous le poids de la lourdeur de leur sérieux). Comme le dénonce ironiquement Marianne Chaillan, « Aimer la chanson de variétés semble bel et bien constituer un signe extérieur d’affliction culturelle ». Pourtant, cette « affliction culturelle » invite aussi bien les connaisseurs de la philosophie que les néophytes à ré-interpréter en musique leurs idoles de la pensée ou à faire « raisonner » autrement les tubes que l’on fredonne à tue-tête sous sa douche. En somme, faire « varier » son approche grâce aux vibrations de la variété.